Au son de la cloche et la cérémonie de Kodiyettam (lev paviyon), les Tamouls ont débuté leur carême en marge de la fête Thaipoosam Cavadee, qui sera célébrée le mardi 7 février.
Existant 6,000 ans avant l’ère grégorienne, la culture tamoule a pris naissance dans le nord-ouest de l’Inde avant de se propager à travers le monde. À Maurice, il faut aller au temple (kovil) pour admirer la beauté de cette culture, qui est temple centred, comme le souligne la Mauritius Tamil Temples Federation (MTTF).
La culture comporte plusieurs aspects. Le Tamoul se distingue par ce qu’il mange, sa façon de prier et sa manière de s’habiller. Mais sous l’influence d’autres cultures, certaines fusions peuvent être notées.
La pratique ancestrale serait en perdition, si l’on en croit Menon Murday, président de la MTTF. Il lance un appel à la jeune génération afin de préserver les valeurs d’antan et de les promouvoir. Pour lui, en dépit de la “modernisation”, les coutumes doivent demeurer. Il remercie les ancêtres qui ont apporté et transmis leur culture et leurs pratiques religieuses lorsqu’ils sont arrivés à Maurice.
Jeûne.
Depuis dimanche, les prières sont plus intenses et régulières dans les kovils. Ceux qui vont porter le cavadee observent un jeûne : seuls des mets végétariens doivent être consommés. Ils doivent aussi vivre une vie spirituelle plus intense. Certains se dépouillent de tout confort matériel : dormir sur une natte à même le sol, par exemple. Le Tamoul ne doit aussi consommer que ce qu’il prépare chez lui. Le jeûne constitue un temps de purification et doit donner lieu à un changement d’attitude. “C’est le temps où on recharge ses batteries pour prendre l’énergie spirituelle”, confient les responsables de la fédération tamoule.
Le jour du Thaipoosam Cavadee, les dévots se lèvent très tôt afin d’observer certains rituels et le bain sacré avant de procéder à la procession vers le kovil où d’autres prières sont dites. Ceux qui portent le cavadee (la structure en bois ornée de feuillages et fleurs portée sur les épaules) se percent aussi la langue pour “condamner” leur bouche afin de mieux se concentrer sur leur action. Se percer le corps n’est pas une obligation et est une pratique qui est de plus en plus découragée par la fédération des temples tamouls de Maurice. Elle n’existerait pas non plus dans les traditions tamoules mais a été introduite par certains en signe de dévotion. Aujourd’hui, la fédération encourage une pratique de la foi vécue de l’intérieur.
Partage.
C’est toute la culture tamoule qui est reflétée à travers le Thaipoosam Cavadee, grâce à son caractère sacré et “spectaculaire”. Il est aussi célébré par d’autres communautés à Maurice, surtout par ceux qui chercheraient une protection, comme le souligne Ramanujam Sooriamoorthy. “Les gens sont attirés par ce côté surnaturel : des dévots qui se percent le corps sans que le sang ne coule. On se dit que c’est peut-être efficace; alors, on souscrit à cela.” Menon Murday y voit une certaine ouverture de la communauté tamoule vers les autres composantes de la société.
Le jour de la fête, les dévots sont vêtus du veshti pour les hommes et du sari rose pour les femmes. Après les offrandes à Murugan, vient le temps du partage de la nourriture. Le menu végétarien (Arusuvai) est servi. Il laisse apprécier différentes saveurs (doux, salé, aigre, amer, fort) pour rappeler que la vie est faite de hauts et de bas.
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Sécurité et civisme.
La fédération des temples tamouls de Maurice regroupe 125 kovils. Lors de grandes célébrations comme le Thaipoosam Cavadee, elle assure la coordination et la bonne marche de la fête à travers l’île. Tout est mis en oeuvre, en lien avec les autorités concernées, pour que la sécurité de tout un chacun soit assurée.
Le président de la fédération invite les dévots à faire preuve de civisme au lendemain de la fête afin que les cavadees qui seront démontés ne soient pas laissés n’importe où.
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RAMANUJAM SOORIAMOORTHY:
“Il y a un éloignement de la culture tamoule ancestrale”
“La pratique du Cavadee était au départ un rituel qui présidait la chasse ou la guerre. Quand on écoute les chants des Tamouls de l’Inde et surtout du Sri Lanka, on peut entendre ce caractère guerrier.” C’est ce que soutient Ramanujam Sooriamoorthy, conférencier, interprète et traducteur. Mais dans la culture moderne, il y a eu un mélange des cinq ethnies qui ont formé la communauté tamoule en Inde.
Dans ses prémices, le culte à Murugan n’avait rien à voir avec Dieu. “Le culte est venu comme un apotropaïque : on s’en sert pour écarter les obstacles éventuels. Dans ces chants, il y a une dimension subjective où on entre dans un état de transe pour à la fois extirper et éliminer un obstacle. C’est aussi un propitiatoire où on fait en sorte que toutes les conditions soient réunies pour que la récolte soit bonne pour plus tard, là où on pratique l’agriculture, pour se mettre à l’abri de tout danger, etc. Cette dimension a pour corrélat le remerciement à Dieu.” Au fur et à mesure, cette pratique a eu une dimension anthropomorphique avec le perçage du corps. Mais aujourd’hui, on veut décourager l’exhibitionnisme comme pratiqué par certains pour exprimer leur foi.
“Dans le courant moderne, ce n’est pas facile de vénérer un humain. Il fallait lui donner une dimension divine. C’est ainsi qu’à la faveur des mythes, Murugan est devenu le fils de Siva.” Ramanujam Sooriamoorthy affirme que les Tamouls d’aujourd’hui ont intériorisé beaucoup d’éléments des pratiques hindoues, ce qui fait qu’il y a un éloignement de la culture tamoule ancestrale. Les rituels qui sont pratiqués ont pour objectif de se protéger. La notion de louange et d’hommage à Dieu est venue bien après.
Le Thaipoosam Cavadee suit un calendrier cyclique, le jour où la constellation atteint son point culminant. “Le début du Cavadee coïncide avec le début de la nouvelle lune et est levé le jour de la pleine lune pour des raisons pratiques. À l’époque, il n’y avait pas d’électricité; on se réglait sur les mouvements de la lune.” Plusieurs légendes sont aussi associées à cette fête. Parmi, il y a celle qui voit en Murugan le fils du Dieu Siva, venu sur terre pour combattre un démon, Sourabatman. “À cette époque, on croyait beaucoup à la possession des esprits.”
Aujourd’hui, l’action de la prière se situe dans le temps : le résultat est attendu dans un avenir proche. Autrefois, les cultivateurs, les chasseurs guerriers et les éleveurs de bétail l’inscrivaient pour obtenir un résultat immédiat : une bonne récolte, que la pêche soit bonne, etc. Avant, il y avait des sacrifices d’animaux, les éleveurs offrant les fruits de leur travail. Cette pratique n’existe plus chez les Tamouls. Ce sont des fruits, du lait et du miel qui sont offerts.
THAIPOOSAM CAVADEE: Fête de reconnaissance et de dévotion
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