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CHRISTOPHE MEUNIER : Les piqueuses d’ourite en couleur

Artiste-peintre, Christophe Meunier raconte Rodrigues sous un angle idyllique, dans de belles couleurs qui rendent hommage au mode de vie traditionnel. Les piqueuses d’ourite et les pirogues sont souvent au centre des créations de cet homme de la mer, qui a créé sa propre galerie pour s’exposer. Ses oeuvres ont commencé à voguer à travers le monde.
Aylan a fini par se relever. L’enfant syrien qui fuyait la guerre marche vers la plage. Autour, tout est gris. Il n’y a que le rouge de son t-shirt et le bleu de son short pour éclairer le paysage. Une piqueuse d’ourite lui tient la main et le mène hors de l’eau. La photo du garçonnet trouvé mort sur une plage turque ne finit pas d’émouvoir le monde sur le sort des réfugiés. À Rodrigues, elle a fortement ému Christophe Meunier. Dans son coin de paradis, l’artiste-peintre ne pouvait rester insensible aux horreurs d’ailleurs. Il a voulu exprimer sa vision de l’espoir pour dire que la main tendue peut venir de n’importe où et que la solidarité n’a aucune frontière. “J’ai voulu enterrer l’image de cet enfant resté sur la plage et l’aider à se relever. J’ai fait une piqueuse d’ourite aller à sa rencontre pour l’aider à terminer son voyage.”
 
Paysages et traits.
Cette dernière création du peintre n’est pas à vendre. Il l’expose en ce moment dans sa galerie Lez arts d’Ici, à Baie Lascar, aux côtés de ses autres tableaux. Christophe Meunier, 37 ans, jouit d’une réputation qui traverse les eaux de son île et qui se balade à travers le monde. Ses tableaux ont été ramenés dans différents pays, comme symbole d’un passage à Rodrigues pour ceux qui voulaient ramener avec eux un brin de l’âme de l’île.
Christophe Meunier a un style. De l’acrylique à l’eau sur toile. “Je ne fais ni du naïf, ni de la mosaïque, encore moins de l’abstrait. En réalité, je n’ai trouvé aucun terme pour définir mon style.” Sa marque est pourtant facilement reconnaissable : des paysages de la mer rodriguaise peints en finesse et des traits qui y apportent comme un effet de mouvement. “Ce style, je l’ai développé par accident. Alors que je me préparais pour une compétition de peinture en France, j’ai accidentellement fait un trait sur mon tableau. Le travail était très avancé, je ne pouvais ni recommencer ni l’effacer. J’ai décidé d’ajouter d’autres traits sur le tableau. Cela a contribué à l’originalité de ma peinture et m’a valu le premier prix.” En France toujours, il tente à nouveau la même expérience pour deux autres concours où il est désigné grand vainqueur. Les traits avaient fini par s’imposer d’eux-mêmes.
 
Courbes sensuelles.
Les piqueuses d’ourite de Rodrigues sont parmi les personnages incontournables de ses oeuvres. Christophe Meunier aime bien les peindre au-dessus de l’eau alors qu’elles sont au travail. Loin de les représenter de manière misérabiliste, il leur confère des couleurs joyeuses et des courbes sensuelles. “Ces femmes font un métier qui est très dur. En les peignant, je veux leur rendre hommage et leur restituer leur sensualité et leur féminité.”
Les voiliers et les pirogues qui glissent sur l’eau font aussi partie de son oeuvre. “Je suis un enfant de la mer. J’aime la pêche et j’accompagne souvent des clients pour des balades en mer.” D’où la fascination pour la mer, qu’il exprime sans peine avec ses pinceaux.
Christophe Meunier est un autodidacte. “J’ai appris l’art à l’école, mais ce que je fais maintenant est très différent.” Il a 14 ans lorsqu’une visiteuse de passage dans l’auberge de son père lui prête du matériel de peinture pour qu’il peigne à ses côtés. Christophe Meunier s’amuse à dessiner ce qui lui passe par la tête. Le résultat impressionne la visiteuse, qui insiste pour qu’il prenne Rs 500 pour ce premier essai. “Comme tous les enfants, j’ai dépensé cet argent en achetant du coca et des Twisties, sans trop réaliser ce que cela voulait réellement représenter.” Quelques semaines plus tard, deux tableaux faits un peu au hasard, placés dans la boutique d’un ami de son père, lui rapporteront Rs 1,000.
 
Une affaire de plaisir.
Christophe Meunier comprend alors que la peinture est plus qu’un “badinaz”. Au fil des expériences, son style commence à s’affirmer. “Mais la peinture est avant tout une affaire de plaisir.” Quand on l’interroge sur sa profession, il répond : “Je suis artiste-peintre.” Mais à Maurice comme à Rodrigues, les conditions sont rarement réunies pour permettre à l’artiste de vivre de son talent. “Cela dépend des saisons. Parfois, les tableaux se vendent. D’autres fois, on peut attendre pendant des mois.” Tout dépend des visiteurs de passage et de la visibilité de ses tableaux. Pour subvenir à ses besoins, il compte alors sur les balades qu’il organise en mer.
Christophe Meunier a été présent dans plusieurs expositions et continue à créer selon l’inspiration que lui apporte l’air de son île. Il reste optimiste au sujet de l’ouverture qu’offrira le centre d’exposition qui a été annoncé par les autorités de l’île.
En attendant, les voiles de ses pirogues laissent le vent l’emporter vers le monde des couleurs.

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