Mozambique: investiture du président Chapo, appels à manifester
La cérémonie d'investiture du président élu du Mozambique, Daniel Chapo, 48 ans, a débuté mercredi dans une capitale quadrillée par des forces de l'ordre, alors que le principal opposant a appelé une nouvelle fois à "paralyser" le pays avec des manifestations quotidiennes.
Après bientôt trois mois de violentes émeutes, accompagnées de grèves, blocages, incendies et vandalisme, la première mission du nouveau président va être de trouver une sortie de crise.
L'opposition dénonce une élection "volée" depuis la victoire en octobre du parti Frelimo, confirmée avant Noël par la plus haute cour du pays. Mais en dépit de la contestation, la formation aux manettes du pays lusophone d'Afrique australe depuis un demi-siècle "n'a fait aucune concession", relève l'historien Eric Morier-Genoud.
Le président de l'Afrique du Sud voisine, Cyril Ramaphosa, est le seul chef d'Etat étranger à avoir annoncé qu'il assistait à la prestation de serment dans la matinée sur la place de l'Indépendance de la capitale Maputo, dont tous les accès étaient barrés par la police mercredi, a constaté une équipe de l'AFP.
Le dirigeant sud-africain, dans un communiqué, "se réjouit de travailler avec le président élu Chapo", officiellement crédité de 65% des voix en dépit de nombreuses irrégularités, qui devra tenter une opération de relations publiques pour restaurer la stabilité dans le pays pauvre et inégalitaire.
Le Frelimo est déchiré par de violentes dissensions internes, relèvent plusieurs experts.
Le président sortant Filipe Nyusi, qui achève son deuxième mandat, n'a pas engagé de discussions directes avec Venancio Mondlane, ancien parlementaire et chroniqueur télé de 50 ans, qui mène l'opposition.
Et Daniel Chapo, obscur gouverneur provincial n'ayant aucune expérience de gouvernement, choisi par défaut par son parti, a répété plusieurs fois ces derniers mois qu'il parlerait avec "tout le monde", y compris l'opposant numéro un, mais officiellement aucune rencontre n'a eu lieu entre les deux hommes.
"Venancio" a appelé le week-end dernier à trois jours de manifestations, entre lundi, pour coïncider avec la première séance du nouveau Parlement, qui a été boudée par une partie de l'opposition, et l'investiture mercredi du nouveau chef d'Etat.
Des barricades de ses partisans ont restreint lundi l'accès à la capitale Maputo largement déserte, a constaté l'AFP. Des affrontements avec les forces de l'ordre, dans le centre et le nord du pays, ont fait six morts, selon l'ONG locale Plataforma Decide.
- "Ça va finir comment?" -
Au total depuis octobre, les violences post-électorales - qui ont évolué vers une contestation plus globale du pouvoir et des dysfonctionnements de l'Etat - ont fait quelque 300 morts, selon une ONG mozambicaine.
Rentré la semaine dernière d'un exil qu'il s'était imposé après l'assassinat de deux de ses proches en octobre, "VM", comme l'appelle aussi la rue, s'est indigné mardi, dans l'un de ses directs rituels sur Facebook, de la violence du pouvoir.
Il avait dit sa volonté de dialogue dès son arrivée à l'aéroport. Mais ses partisans ont été visés par "des balles réelles et du gaz lacrymogène", note-t-il. "Comment cela va-t-il finir?", a-t-il interrogé.
"Ce régime ne veut pas la paix", accuse l'opposant. "Et s'ils ne veulent pas la paix, nous n'allons pas reculer. S'il le faut, nous manifesterons tous les jours, 365 jours par an", prévient-t-il.
Pour Johann Smith, analyste en risques politiques et sécuritaires, le Frelimo risque d'avoir bien du mal à calmer le jeu.
L'absence de nombreux dirigeants étrangers pour l'investiture "envoie un signal fort". Même Paul Kagame, président rwandais dont les soldats participent aux combats contre des groupes armés jihadistes dans le nord du Mozambique, ne sera pas là, représenté par son Premier ministre.
Le Portugal, ancienne puissance coloniale, envoie son ministre des Affaires étrangères, le gouvernement estimant que "dans les circonstances actuelles", c'est la "représentation appropriée".
"Même au niveau régional, on hésite à reconnaître que Chapo a gagné les élections, le scrutin s'est avéré si imparfait et injuste pour les citoyens", ajoute-t-il.
Pour sortir de l'impasse, Daniel Chapo, conseillé ces derniers temps par l'ex-président Joachim Chissano, pourrait annoncer une sorte de commission ou groupe de travail pour réfléchir à des réformes afin de gagner du temps, souffle un expert qui tient à rester anonyme.
Il pourrait aussi intégrer, lors de l'annonce de son gouvernement attendue d'ici la fin de la semaine, plusieurs ministre de l'opposition et de la société civile, imagine Eric Morier-Genoud, universitaire à Belfast et spécialiste du Mozambique.