Sécheresse hydrologique de grande envergure : L’hypothèse d’un remake de 2022 se renforce

Le niveau des réservoirs (45,7%) se réduit comme peau de chagrin, inférieur à 25% comparativement au taux enregistré à la même période en 2023

Et c’est reparti pour un tour ! L’hypothèse d’un remake de 2022 marquée par l’une des pires sécheresses qu’ait connues le pays dans son histoire contemporaine se renforce compte tenu du contexte actuel, où le niveau des réservoirs (45,7%) se réduit comme peau de chagrin, inférieur à 25% comparativement au taux de remplissage enregistré à la même période en 2023. ll ne s’agit pas d’en tirer des conclusions hâtives, sauf que les prévisions météorologiques pour les prochains jours, sans espoir de grosses précipitations, n’augurent rien de bon. Les petites réunions ont repris de plus belle du côté du Water Resources Monitoring Committee (WRMC) pour décider de la marche à suivre.

Tout le monde a en mémoire les images saisissantes des réservoirs asséchés publiées en primeur dans les colonnes de Week-End le 25 décembre 2022. Le taux général des réservoirs oscillant alors entre 32% et 34% a laissé poindre la perspective que le record de la grande sécheresse de 1999 (27%) allait être battu. Les choses s’étaient améliorées à compter du 20 janvier 2023 compte tenu des grosses averses qui ont arrosé le pays jusqu’à la mi-février. Se dirige-t-on vers le même scénario ? On sera fixé dans les cinq prochains jours car l’avarice dont fait preuve Dame Nature en terme de pluviométrie depuis plusieurs mois devient plus qu’inquiétante. Le Water Resources Monitoring Committee – qui regroupe le ministère de l’Énergie, la Central Water Authority (CWA), la Water Resources Unit (WRU), l’Irrigation Authority et la station météo de Vacoas – devrait opter pour des mesures beaucoup plus radicales en vue d’économiser les faibles ressources en eau disponibles.

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Comme il fallait s’y attendre, le taux de remplissage en moyenne des sept réservoirs de l’île a connu une chute vertigineuse de 15% en l’espace de quatre  semaines, affichant une moyenne de 45,7% à hier. Le niveau de Mare-aux-Vacoas est scruté avec attention. Il devrait passer sous la  barre des 50% dans une semaine. Les abonnés approvisionnés par La Ferme (26,3%) et La Nicolière (44,6%) ont également du souci à se faire. Non seulement les choses semblent mal engagées mais, à en croire certaines informations émanant du WRMC, « il ne reste que quelques semaines pour recharger les nappes phréatiques. À partir du moment où les bourgeons des végétaux s’ouvrent, l’essentiel de l’eau qui tombe sur le sol sera utilisé par les racines des végétaux. Et donc, très peu d’eau s’infiltrera jusqu’aux nappes phréatiques. »

Outre le durcissement des Central Water Authority Dry Season Regulations et des coupures d’eau beaucoup plus conséquentes, il nous revient que le WRMC, en concertation avec la CWA, compte lancer des campagnes de sensibilisation et d’autres d’actions visant à atténuer les effets de la sécheresse et éviter de plus grands maux. Le WRMC devrait songer à émettre un communiqué visant à  interdire explicitement l’utilisation de matériel à haute pression  pour le lavage de terrasses ou véhicules en cette période de forte sécheresse. Ce procédé nécessite une importante quantité d’eau, ce qui peut poser problème lors des périodes de manque d’eau. Alors que le taux de remplissage des réservoirs ne cesse de descendre en flèche et que des milliers de foyers se retrouvent privés du précieux liquide durant de longs jours, les piétons empruntant, hier matin, la rue Edith Cavell à Port-Louis ont été stupéfaits de voir des agents de nettoyage en train d’arroser les trottoirs en pierre taillée, sis devant la Telecom Tower. C’était aussi le cas devant le bâtiment d’Air Mauritius. Le bon sens doit prévaloir en cette période critique.

 

Pénurie du précieux liquide dans le Nord

Prakash Manaroo : «  Les actes doivent suivre les paroles »

Au-delà de la gestion de crise qui se profile, c’est toute une série de réflexions qu’il faudra mener à plus long terme pour améliorer la fourniture d’eau qui vire au cauchemar pour des dizaines de milliers d’abonnés issus des régions du Nord, à Triolet plus particulièrement, où les signes qu’un mélange de colère, encore contenue, commence à se cristalliser. « Ce problème qui dure depuis 10 ans ne se réglera pas d’un coup de baguette magique, mais les actes doivent suivre les paroles », souligne le conseiller de village, Prakash Manaroo.

Eau rare, Ô désespoir ! La crise du précieux liquide, ça fait des lustres qu’elle dure dans certaines régions du Nord. Il suffit, pour s’en convaincre, de jeter un coup d’œil sur les articles publiés dans nos colonnes et les publications relayées depuis 2022 sur les pages dédiées aux habitants desdites régions pour se rendre compte de la frustration qui n’en finit plus de grandir, comme à Triolet. Ce sont des centaines de familles qui souffrent de ces coupures à répétition qui ont empiré depuis trois ou quatre ans. Elles évoquent les projets orchestrés par la CWA et le ministère de tutelle en vue de réduire les coupures d’eau, qui n’ont visiblement pas donné les résultats escomptés. Les petits quartiers pâtissent le plus de la pénurie du précieux liquide. Des quartiers tels que Trois Boutiques, près de la clinique Stella Maris, 7e Mille et 9e Mille, font partie des espaces les plus touchés, avec plus de 50% de la population exposée à un stress hydrique extrême. La liste des villages affectés par ce fléau est très longue. « Les politiques ont failli dans leur tâche d’apporter une solution durable au sempiternel problème de l’approvisionnement en eau. Ce n’est pas faute d’avoir changé des tuyaux ici et là, mais on voit bien qu’il y a des choses qui clochent quelque part. J’ai parlé aux trois députés de la circonscription, dont le Premier ministre Navin Ramgoolam. Bizin asize ensam avek tou bann profesionel dan sa sekter la pou trouv solisyon ki bizin. Enough is enough ! On ne peut plus se contenter seulement du réservoir de La NicoIière pour l’approvisionnement », soutient le conseiller Prakash Manaroo.

Les riverains sont d’autant plus révoltés que les besoins en eau ne se limitent pas aux besoins domestiques, car une centaine de familles vivent de l’agriculture à Triolet. Plus les semaines s’égrènent, plus l’angoisse monte du côté des agriculteurs des districts de Pamplemousses et Rivière-du-Rempart qui appréhendent le spectre d’une nouvelle récolte infructueuse. Le changement climatique et la croissance démographique dans le Nord sont souvent cités comme les causes principales de la crise de l’eau que nous connaissons aujourd’hui et au rythme actuel, la réalisation des objectifs de développement durable au sujet de l’eau est loin d’être sur la bonne voie. En réalité, ni le climat ni la démographie ne sauraient expliquer à eux seuls cette terrible réalité. Ce constat révèle, une nouvelle fois, les inégalités d’accès aux services publics dont sont victimes ces zones, comparativement à d’autres endroits huppés où les morcellements poussent comme des champignons.

La CWA a beau soutenir que le phénomène est lié aux réparations qui ont été faites aux tuyaux vétustes de  l’Irrigation Authority, il n’en reste pas moins que la pénurie du précieux liquide, qui a pris de graves proportions à Triolet s’est propagée à la vitesse de l’éclair vers d’autres villages, à l’instar de Trou-aux-Biches, Fond du Sac, Goodlands, Petit-Raffray et Grand-Gaube, où ça fait plusieurs semaines que l’approvisionnement ne provient plus du captage des sources locales, mais des camions-citernes.

 

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