Saison estivale : l’île dans la fournaise

— Pic de fréquentation dans les hôpitaux

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L’été et son cortège d’images agréables, d’après-midi à la plage ou de balades en montagne. Hélas, le changement climatique charge aussi la saison estivale d’une certaine inquiétude, dont les mots-clés sont sécheresse et canicule. La vague de chaleur traversée par le pays actuellement, qui explose à cause d’un taux d’humidité élevé, ajoute à ce contexte anxiogène un tour apocalyptique.

Dans la torpeur estivale, les records n’en finissent plus de tomber. Les années se suivent et se ressemblent depuis une décennie. Le pays est en proie à des températures oscillant entre 28° et 34°C, pendant que le thermomètre flirte avec les 35°C dans la capitale et dans certains villages de l’ouest et du nord. Et on n’est pas au bout de nos peines, à en croire les services météorologiques de Vacoas, qui soulignent que cette période caniculaire pourrait durer jusqu’au début du mois d’avril. Des conditions qui mettent les corps à rude épreuve. Outre les délestages fréquents, un accès limité à l’eau rend la situation encore plus pénible.

Comment a-t-on pu en arriver là ? La question est sur toutes les lèvres, au point où mêmes les aînés disent ne pas avoir en mémoire d’avoir été confrontés à une telle chaleur ambiante considérée comme particulièrement dangereuse. L’ingénieur en environnement et océanographe Vassen Kauppaymuthoo souligne que « le réchauffement climatique est lié au changement de composition de notre atmosphère causé par les activités humaines, notamment l’utilisation des combustibles fossiles comme le pétrole et le charbon. Ces derniers augmentent la concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère et emprisonnent la chaleur du rayonnement solaire. Maurice sera dramatiquement défiguré par le changement climatique. Zones côtières et capitale inhabitables avec le niveau de la mer, manque de sécurité alimentaire, manque d’eau, mortalité élevée causée par des chaleurs caniculaires, cyclones extrêmes dévastateurs, chute du marché immobilier et économie hautement fragilisée. »

Au centre de réception et de régulation des appels du SAMU, les appels de personnes en détresse se multiplient. À en croire certaines sources au sein du personnel soignant, les hôpitaux connaissent un pic de fréquentation. Des brancards jusque dans les couloirs des urgences, à l’hôpital Victoria à Candos. Ici, +40% de patients par rapport à l’année dernière. Des signes qui ne trompent pas : déshydratation, malaises, difficultés respiratoires. Certains arrivent affaiblis par les températures nocturnes élevées. « Ce qu’on voit, c’est majoritairement des cas de déshydratation. Les personnes atteintes de problèmes cardiaques affluent aux urgences depuis quelques semaines, dont ceux qui sont sous diurétiques, des médicaments utilisés pour augmenter la production d’urine, éliminer l’excès de sel et d’eau du corps et qui sont prescrits pour traiter l’hypertension artérielle, l’insuffisance cardiaque et l’œdème. Ce sont surtout des personnes âgées de plus de 65 ans », confie un médecin urgentiste de l’hôpital Victoria.

« On est en train de cuire ! »
« Afin de réduire les risques, il est recommandé de rester au frais, boire de l’eau. Sans attendre d’avoir soif. Il faut privilégier la nourriture rafraîchissante, se mouiller le corps, fermer les volets le jour et aérer la nuit, éviter l’alcool et prendre des nouvelles de ses proches les plus fragiles », ajoute notre interlocuteur. Ces conseils, Mélina, 31 ans, une restauratrice ayant pignon sur rue à Cité La Cure, confie les suivre à la lettre. Mais rien n’y fait. « On est en train de cuire ! » Au sens propre comme au sens figuré. Affaissée contre la porte de son petit restaurant… transformé en véritable four, la jeune femme peine à tenir debout, essuyant son front perlé de sueur. L’absence de ventilation rend la respiration difficile et l’humidité colle à la peau. À laquelle s’ajoutent les piqûres de moustiques !

Lundi dernier, la température ressentie dans la capitale a frôlé les 35°C. Ce chiffre dangereusement haut est dû à la combinaison d’une température atmosphérique intense et d’un taux d’humidité élevé. Mélina peut néanmoins envisager l’été prochain sous de meilleurs auspices. « J’attends l’arrivée de l’hiver avec impatience, mais hors de question de revivre le même cauchemar l’été prochain. Fort heureusement, mon business marche à merveille. Du coup, j’entends investir une somme d’argent pour équiper mon restaurant d’un climatiseur », dit-elle.

« En période de Ramadan, c’est encore pire »
Feizal Toolsee, un coiffeur opérant à la rue Volcy Pougnet (ex-rue Madam), à Port-Louis, n’a pas attendu la prochaine saison estivale pour doter son salon d’un climatiseur. « Ça fait longtemps que je suis le gérant de ce salon de coiffure. Jamais je n’ai envisagé d’y installer un climatiseur. Un ou deux ventilateurs suffisaient, mais depuis deux ou trois ans, koumadir mo dan enn four. Pa kapav konsentre. Mo fatig vit. Les clients suffoquaient. Ces vagues de chaleur fragilisent les organismes. En période de Ramadan, c’est encore pire. C’est la raison pour laquelle, bon gré mal gré, j’ai consenti à l’installation d’un appareil d’air conditionné », soutient Feizal Toolsee.

Dans le nord du pays, les riverains ont soif de fraîcheur. « Le soleil sévit avec plus d’intensité depuis quelques années à Grand-Baie. Forcément, je prends du bon temps à la plage, mais c’est un calvaire quand je rentre à la maison. Seule la chambre de mes parents est dotée d’un climatiseur. Il m’arrive de faire la sieste ou dormir sur un matelas, dehors, sur le balcon, mais depuis quelques jours, les moustiques pullulent. J’ai hâte que les températures se radoucissent », confie Loïc. Les siestes sur le balcon en compagnie des moustiques sont déconseillées en ce moment, compte tenu du spectre du chikungunya.

Consommation énergétique – Nouveau record à 547 MW
L’envolée vertigineuse des températures estivales s’accompagne de records au niveau de la consommation électrique, qui a franchi un palier historique cette semaine. Après avoir recensé des pointes de la demande en électricité de 508,4 MW le 18 décembre 2024, suivi d’un pic de 528 MW le 8 janvier 2025, et de 545,7 MW le 22 janvier, le Central Electricity Board (CEB) a enregistré un record de 547 MW mercredi. Un chiffre bien au-dessus de la moyenne des 500 MW.

La canicule a modifié les habitudes de consommation de la population, entre lumières allumées derrière les volets clos, électricité consommée par les ventilateurs ou les climatiseurs, et les douches tièdes ou à répétition pour réussir à se rafraîchir. Cette consommation très au-dessus de la moyenne habituelle n’est pas sans conséquence. C’est la soupe à la grimace dans certaines zones de l’île vivant au rythme des coupures d’électricité et des délestages. Les habitants des villages de Pamplemousses et Rivière-du-Rempart, à l’instar de Terre-Rouge et Cap-Malheureux, sont ceux qui en pâtissent le plus.

En difficulté à cause d’une demande en électricité en constante hausse, le CEB entend multiplier ses campagnes de sensibilisation. « La chaleur ambiante demeure la cause principale de ces records de consommation énergétique enregistrés cette semaine, mais on note un relâchement au niveau des leçons apprises par les consommateurs lors de nos campagnes de prévention visant à économiser le courant qui avaient porté leurs fruits dans un premier temps. La situation est critique à la CEB, dans la mesure où nos moteurs roulent à plein régime. Je lance un appel au public pour une pleine collaboration à travers un usage plus rationnel », confie Damodar Doseeah, Senior Engineer au CEB.

Dame Nature a aussi joué un rôle de trouble-fête dans les coupures d’électricité qui seraient en partie dus aux coups de tonnerre. « Ces coupures incessantes demeurent la conséquence des orages et éclairs. Kan zekler tap lor lalign, li ogmant tansion ek voltaz. Par milliers de volts. Un danger pour les abonnés. Il est important de protéger la vie des gens en procédant à des interruptions temporaires de courant là où il le faut », souligne Damodar Doseeah.

Changement climatique : 2024, la première année à dépasser le seuil de 1,5°C de réchauffement
En 2024, le monde a connu au moins 150 événements climatiques extrêmes et les signes du réchauffement en cours, dû à nos émissions de gaz à effet de serre, ont encore atteint des maximums. L’Organisation météorologique mondiale (OMM) le confirme dans son rapport annuel publié mercredi matin : 2024 a bien été l’année la plus chaude jamais enregistrée et la première à dépasser le seuil de 1, 5°C de réchauffement par rapport à l’ère préindustrielle.

Des pluies diluviennes et des inondations au Sahel, en Afrique de l’Est, en Espagne ou encore au Brésil, la sécheresse en Amérique du Sud ou en Afrique australe, des vagues de chaleur au Moyen-Orient ou en Asie du Sud-Est… Aussi bien de dramatiques événements climatiques que de sombres records ont été enregistrés l’année dernière. Sur les dix années les plus chaudes jamais enregistrées – les dix dernières, 2024 bat tous les records. Si les scientifiques s’attendaient à un léger répit en fin d’année avec la fin du phénomène météorologique El Niño, la réalité a déjoué les prévisions.

La chaleur atteint des sommets dans l’atmosphère et les océans, les glaciers fondent à un rythme effréné, et les événements climatiques extrêmes se multiplient. En cause ? Nos émissions de gaz à effet de serre, liées à notre usage du pétrole, du gaz et du charbon, continuent d’augmenter et atteignent un plus haut niveau depuis 800 000 ans. Pour la première fois, en 2024, le seuil symbolique de +1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle a été dépassé. Pourtant, l’accord de Paris, qui entend limiter le réchauffement climatique à 1, 5°C, n’est pas caduc, car il prend en compte les températures à long terme. À cette échelle, le réchauffement moyen se situe actuellement entre +1,3 et + 1,4°C.

L’année 2024 est donc un « avertissement », prévient l’Organisation météorologique mondiale. « Nous sommes en train d’augmenter les risques pour nos vies, nos économies et pour la planète », conclut-elle.

Questions à Michel Leclézio, directeur de la compagnie Cool Hub Air-Conditioning : « Je recommande d’utiliser l’équipement entre 22 à 24 degrés »
Il a beau être l’un des responsables de la hausse de la consommation d’énergie en été (jusqu’à 7kWh par heure), on sait très bien qu’un climatiseur à la maison ou au travail offre une température confortable. Pourtant, on ne sait pas tout à propos cet appareil inventé en 1902 par l’ingénieur Willis Carrier. Dans cet entretien, Michel Leclézio, directeur de la compagnie Cool Hub Air-Conditioning, a bien voulu éclairer nos lanternes.

Vous avez créé votre entreprise, Cool Hub Air-Conditioning, à l’âge de 28 ans. Racontez-nous votre parcours ?
Après mes études de Mechanical Engineering en Australie pendant trois ans et demi, je suis retourné au pays en 2017. J’ai travaillé quelque temps pour une grande compagnie de construction sur l’île, et quelques mois plus tard, j’ai décidé de me lancer et de voler de mes propres ailes. Les débuts étaient assez challenging, car il fallait se faire connaître sur l’île, gérer les chantiers et clients. Les réseaux sociaux ainsi que le bouche-à-oreille m’ont aidé partiellement à atteindre quelques clients de plus. Mais en fin de compte, un travail de qualité, un bon service après-vente et une oreille à l’écoute du client ont été la meilleure combinaison durant ces années.

Comment déterminer ses besoins en climatisation et les systèmes les mieux adaptés en fonction du type de pièce à refroidir ?
La clim installée doit être adaptée à la grandeur de la pièce pour travailler correctement, refroidir efficacement et rapidement. Nous prenons en compte la grandeur et la hauteur de la pièce ainsi que le volume d’air à refroidir avant de proposer la meilleure option à nos clients.

Il y a une perception à Maurice selon laquelle plus la température demeure basse, à 17°C ou 18°C, par exemple, mieux c’est pour le confort. Quelle serait la température idéale pour la clim en été et en hiver ?
Tout dépend de la température idéale pour la personne. Mais généralement, si on règle la température juste 2 ou 3 degrés de moins que la température ambiante, vous devriez déjà sentir la différence et être plus confortable dans la pièce. Pour économiser sur votre facture d’électricité, je recommande à mes clients d’utiliser l’équipement entre 22 à 24 degrés. Pour une efficacité maximum, il est recommandé de fermer toutes les ouvertures et portes pour ne pas avoir de déperdition d’air frais ou d’entrée d’air chaud.

Quels sont les risques d’un climatiseur réglé à la mauvaise température ?
Les risques sont minimes pour la santé, mais vous pouvez contracter un refroidissement voire, au pire des cas, une petite grippe. L’effet va plutôt se voir sur votre facture d’électricité, car en dessous de 20 degrés, le moteur ne coupera pas, de ce fait, il consommera plus d’énergie.

Outre l’entretien régulier du système de climatisation par un professionnel, quels sont les gestes que l’on peut faire soi-même régulièrement pour un bon fonctionnement ?
Les nouveaux équipements viennent avec des filtres plus faciles d’accès sur l’appareil pour faciliter le nettoyage régulier de celui-ci. Un nettoyage mensuel des filtres aidera à garder une meilleure qualité de l’air et préservera aussi votre appareil plus longtemps.

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