Un scandale silencieux mis en lumière par l’OPSG en 2023
En août 2023, l’Office of Public Sector Governance (OPSG) a soumis son rapport au ministère de l’Agro-industrie (le commanditaire) sur la gestion des opérations du Rose Belle Sugar Estate Board (RBSEB), incluant notamment les aspects financiers, les procédures d’approvisionnement et les pratiques managériales. Ce document de 144 pages, pourtant riche en constats, critiques et en recommandations urgentes, a été relégué au fond d’un tiroir, alors même que le RBSEB continuait d’accumuler les déficits, d’enchaîner les décisions contestables et d’aggraver sa situation financière et institutionnelle. Malgré un portefeuille d’actifs estimé à plus de Rs 3 milliards, le RBSEB est plongé dans une crise structurelle majeure, marquée par une gouvernance défaillante, une absence criante de compétences professionnelles et des dérives financières graves. Le rapport de l’OPSG dresse un constat accablant : seulement trois cadres qualifiés pour gérer une entité de cette envergure ; des pertes de Rs 21 M en 2017 et Rs 89 M en 2018 ; des projets déficitaires comme Le Moulin, où le RBSEB n’a obtenu que 17% des actions contre des terrains évalués à Rs 90 M, sans certificat d’actions à ce jour. Des pratiques de gestion douteuses incluent : des dettes irrécouvrables de Rs 14,6 M effacées sans évaluation indépendante, Rs 77 M utilisées pour des frais courants au lieu d’un projet de VRS, des allocations de Rs 2 500 à Rs 3 000 versées à des agents non qualifiés, et un découvert bancaire atteignant Rs 1,2 milliard à la fin de l’exercice 2022. Le rapport pointe également l’absence de planification rigoureuse : un projet de morcellement retardé de cinq ans, un projet de Business Park lancé sans étude de faisabilité pour Rs 161,27 M, et un accord de joint venture avec Corexsolar sur un projet photovoltaïque attribuant 80% des bénéfices au partenaire privé, sans appel d’offres public, en totale contradiction avec les principes de transparence et d’intérêt public ! « Comme tous les rapports de l’OPSG, celui-ci a été déposé au conseil des ministres. Il est difficile pour moi de commenter un rapport qui date de deux ans. C’est même injuste de me demander cela », déclare l’ancien ministre de l’Agro-industrie, Maneesh Gobin, qui était en poste lorsque le document a été publié.
Depuis les élections générales de novembre dernier, le Rose Belle Sugar Estate Board (RBSEB) est privé de président et de membres. En l’absence d’instance dirigeante, personne n’est en mesure de commenter le rapport accablant publié par l’Office of Public Sector Governance en août 2023. Ce document n’a jamais quitté le tiroir dans lequel il a été rangé depuis sa soumission. Et d’août 2023 à novembre dernier, l’organisation a continué de fonctionner avec une gestion défaillante, sans orientation stratégique ni mécanisme de redressement en place. Le ministère de l’Agro-industrie est au courant que — comme le souligne le rapport — « l’organisation fait face à des difficultés financières et, de ce fait, a recours à des emprunts bancaires et à la cession de ses actifs pour financer ses activités opérationnelles. »
Il est attendu que le ministre de tutelle, Arvin Boolell, prenne certainement des mesures pour corriger les travers qui ont nuit les opérations de cette entité publique depuis des années. À l’instar du RBSEB, l’OPSG avait soumis un rapport défavorable sur la gestion de la vallée d’Osterlog, en octobre 2023. Et dans l’optique de redresser une situation chaotique, le Vallée d’Osterlog Endemic Garden Foundation (Repeal) Bill a été adopté sans amendement au Parlement mardi dernier. Il reviendra au National Parks and Conservation Service de reprendre la gestion de ce jardin.
Le rapport met en lumière une série de dysfonctionnements majeurs au sein du RBSEB, soulevant de sérieuses préoccupations quant à la gestion et à la gouvernance de cette institution publique. Malgré un portefeuille d’actifs estimé à plus de Rs 3 milliards, le RBSEB, note l’OPSG, ne compte que trois cadres possédant des qualifications professionnelles. L’OPSG note : « La situation critique du RBSEB est attribuée au manque de professionnels à la tête de l’organisation et à la gestion des différentes opérations. En conséquence, des échecs ont été constatés à tous les niveaux. Les décisions du Conseil n’étaient pas toujours dans le meilleur intérêt de l’organisation et la gestion des investissements financiers (projets) était caractérisée par de graves faiblesses et des lacunes dans le contrôle interne. Les principales sources de revenus sont mal gérées, ce qui explique la baisse de la production de canne à sucre, la mauvaise gestion et le contrôle des locations de terres, ainsi que l’absence de suivi des créances en souffrance. De plus, plusieurs projets lancés n’ont pas été correctement gérés et contrôlés, ce qui affecte encore la performance financière du RBSEB. Il y a également eu des manquements par rapport aux exigences des principes du Code. »
Par ailleurs, certaines fonctions clés sont concentrées entre les mains de quelques individus, ce qui nuit à la productivité. Le comptable, par exemple, cumule un nombre impressionnant de responsabilités : « Le comptable est surchargé de multiples rôles et responsabilités. En plus de ses fonctions financières, il doit superviser les activités d’approvisionnement et d’entreposage ainsi que le projet de morcellement, gérer les MSO dans la section Land and Lease, superviser l’IT Officer et accomplir d’autres tâches administratives. » Une telle surcharge expose l’organisation à des risques de mauvaise gestion et d’erreurs.
Autre point critique : la composition du conseil d’administration. Elle ne respecte pas les exigences de la section 6 (1) de la RBSEB Act de 1973, qui impose la nomination d’au moins cinq et d’au plus neuf membres, en plus du président. Le rapport va plus loin en soulignant le manque de compétences appropriées au sein du conseil : « Cependant, il a été constaté que tous les membres du Conseil d’administration ne possédaient pas les qualifications, l’expérience et les compétences requises. Les membres en fonction provenaient de domaines autres que celui de l’agriculture. »
Le président du conseil en 2023 possède un Diploma in Poultry ainsi qu’un Diploma in Management and Human Resources. Les autres membres ont des parcours variés, mais peu en lien avec le secteur agricole : un conseiller de village diplômé en Business of Transport, un détenteur de Diploma in Electrical Engineering, un titulaire de BSc in Electro-Mechanical Engineering, et un autre ayant un Certificate in Bar and Restaurant Service ainsi qu’un Diploma in PC Repair and Upgrading. De plus, les lettres de nomination émises après l’approbation du Conseil des ministres ne mentionnaient ni les rôles, ni les conditions, ni les modalités de leur mandat.
Face à ces constats, l’OPSG appelle à une réforme urgente. Il recommande au ministère concerné de s’assurer que « all prospective members of Board are from relevant background and possess the requisite qualification, experience and skill prior to seeking the approval of Cabinet. » Autrement dit, seuls des profils compétents, expérimentés et en adéquation avec les objectifs du RBSEB devraient être considérés pour diriger cette institution stratégique.
Paiement d’allocation à des officiers qui ne possèdent pas les qualifications et expertise pour assumer des fonctions supérieures sans passer par le département Human Resource and Governance Committee. Le rapport remet en question les qualifications de l’ancien Cost and Budget Coordinator, qui était « partiellement qualifié » pour ce poste et qui agissait également comme membre du conseil ! Dans le cas d’un Time Keeper passé à Management Support Assistant pour agir comme Field Officer, celui-ci ne disposait pas de qualification requise en agronomie, mais touchait une allocation de Rs 3 000 pour ses fonctions. De novembre 2021 à mars 2022, une Management Support Officier percevait une allocation mensuelle de Rs 2 500 pour assurer les responsabilités de Human Resources Officer. Le rapport souligne que ce poste au RBSEB requiert un diplôme dans ce domaine, alors que la concernée est détentrice d’un diplôme en Business Management.
Le RBSEB enregistrait une perte financière de Rs 21 millions en 2017 et de Rs 89 millions en 2018. En ce qui concerne les années 2019 et 2020, l’organisme a réalisé des bénéfices d’exploitation s’élevant respectivement à Rs 117 millions et Rs 142 millions, ce qui témoigne d’une amélioration de sa situation financière. Toutefois, cette amélioration des revenus totaux est principalement attribuée à la cession de ses actifs.
Une comparaison entre les actifs courants et les passifs courants révèle également que l’organisation fait face à des problèmes de trésorerie. Le ratio de liquidité générale (current ratio) pour la période de 2016 à 2018 est défavorable et indique que les dettes exigibles dans l’année sont supérieures aux actifs disponibles du RBSEB. L’organisme a également des prêts anciens en suspens, totalisant Rs 98,8 millions, auprès du ministère des Finances, de la Planification économique et du Développement.
L’établissement a par ailleurs eu recours à des facilités de découvert bancaires mensuelles pour financer ses opérations courantes et ses dépenses. À la clôture de l’exercice financier 2022, le montant du découvert s’élevait à environ Rs 1,2 milliard.
Les pertes récentes du RBSEB s’expliquent par une hausse des dépenses, notamment liées à son personnel et opérationnelles, combinée à une baisse des revenus issus de la culture de la canne à sucre, contrairement à d’autres établissements sucriers qui ont réussi à prospérer malgré les difficultés du secteur.
Le montant des débiteurs est passé de Rs 32,90 M en 2016 à Rs 251,85 M en 2017, soit une hausse de 65%. Il a ensuite diminué à Rs 97,56 M en 2018 et était estimé à Rs 95,3 M fin mars 2023. Cette situation s’explique notamment par des transactions de vente annulées, mais toujours comptabilisées, des écritures non passées, des prélèvements de taxes à la source enregistrés comme débiteurs, des loyers révisés non approuvés, des entreprises défaillantes et des taxes foncières enregistrées comme créances. Avant 2021, la gestion des débiteurs par les Management Support Officers de la section « Land and Lease » était inadéquate, sans réel suivi, ce qui empêche l’organisation d’avoir une visibilité claire sur le montant total des créances. Dans un échantillon de 15 débiteurs, deux dettes remontaient à plus de 25 ans et neuf autres de 6 à 13 ans. Lors de sa 77e réunion, le 20 septembre 2022, le conseil a approuvé la radiation de dettes anciennes totalisant Rs 14,6 M, sans évaluation indépendante préalable.
D’autre part, au 31 mars 2023, le RBSEB peinait à recouvrer Rs 53,87 millions de loyers fonciers, en raison d’une gouvernance floue, entre autres. Le rapport soutient : « À fin mars 2023, les montants à percevoir au titre de la location de terres s’élevaient à 53,87 millions de roupies. La structure de reporting au sein de la section « Land and Lease » est floue, et la gestion des projets a été confiée à des MSO ne disposant pas des qualifications et de l’expertise requises pour diriger des activités liées à l’aménagement du territoire et à l’évaluation de projets. Par ailleurs, bien que le RBSEB tienne une liste des terrains destinés à la location, celle-ci est incomplète et ne contient pas d’informations essentielles telles que l’emplacement et la topographie des parcelles. »
Le RBSEB ne respecte pas la Public Procurement Act 2006 en matière d’achats de biens et services, bien qu’elle ne soit pas incluse dans la liste des organisations exemptées. Il n’existe pas de registre des procédures d’achat, ni de plan d’achats annuel, et les achats d’une valeur inférieure à Rs 75 000 sont généralement effectués sans concurrence, en contradiction avec les pratiques habituelles au RBSEB. Les engrais, pesticides et herbicides constituent une part importante des achats. Pour l’année 2022-23, les contrats d’achat d’engrais et de pesticides/herbicides ont totalisé environ Rs 34 millions. Un sondage a révélé que ces produits pourraient être importés directement à partir de fournisseurs étrangers, ce qui permettrait de réaliser des économies allant jusqu’à 50%, soit Rs 17 millions !
En ce qui concerne le département des services agricoles, le poste d’agronome est vacant depuis deux ans, et un responsable des services de terrain a été désigné à sa place. L’effectif agricole de la plantation est vieillissant. Pour ce qui est des terres cultivées, il n’y a actuellement pas suffisamment de visibilité et de précision sur l’étendue des terres utilisées pour l’agriculture.
Dans le département des opérations, il a été observé qu’au centre mécanique, les travailleurs sont fréquemment inactifs. De plus, les actifs de l’établissement ne sont pas correctement suivis et comptabilisés. Enfin, 14 chauffeurs étaient actifs pendant la saison des récoltes, mais restaient inactifs durant la saison interculture, en raison du faible niveau d’activité.
Cela va à l’encontre des principes de transparence, de concurrence loyale et de bonne gouvernance ! C’est après le MoU que le conseil, en partenariat technique avec First Solar, soumet la faisabilité du projet, le 6 avril 2022. Vingt jours plus tard, le joint venture entre le RBSEB et Corexsolar International est incorporé sous le nom de Le Val Village Photovoltaïque Ltd.