Restaurateurs, plaisanciers et taximans, entre autres, pas concernés par le plan Obeegadoo avec la formule « Resort Bubbles »
Un soulagement pour certains, mais la poursuite du cauchemar pour d’autres. Et cela en dépit de l’intervention doctorale du Deputy Prime Minister et ministre du Tourisme, Steven Obeegadoo, sur CNN, au sujet de la réouverture des frontières. La formule Obeegadoo en vue de relancer le secteur touristique n’est pas accueillie de la même manière par tous les opérateurs. Avec le format de Resort Tourism ou Resort Bubbles, les petits opérateurs, notamment ceux dans la restauration, restent sur leur faim. Certes, certains bénéficient d’une allocation à la hauteur du salaire minimum mensuellement, mais d’autres ont moins, voire même rien du tout. Ils déplorent l’absence de soutien du gouvernement pour se relancer et regrettent cette politique de deux poids, deux mesures.
Avec 730 passagers débarqués le premier jour de la réouverture des frontières, certains établissements hôteliers en ont pour leur compte. Que ce soit pour la simple quarantaine, dans le cas des Mauriciens ou des expatriés qui sont revenus au pays, ou pour les quelques rares touristes intéressés par le Resort Tourism. À côté des grands hôtels, les petits opérateurs, gérants de bungalows, de restaurants, ou organisateurs d’activités nautiques, se résument à, une considération de laissés-pour-comptes. Certes, il est prévu qu’ils soient également dans le plan de relance à partir du mois d’octobre, mais comment redémarrer quand on n’est pas arrivé à sortir la tête hors de l’eau depuis près de deux ans. C’est la grande question que se posent les principaux concernés.
Parwez Purbhoo, propriétaire du restaurant La Vielle Rouge, à Mahébourg, ne passe pas par quatre chemins pour déplorer le manque de soutien du gouvernement à leur égard. « La relance sera s’avère très, très difficile. Nous n’avons pas travaillé pendant un an et demi. Nos dettes se sont accumulées. Avec quel fonds va-t-on reprendre nos activités ? De plus, après avoir fermé pendant tout ce temps, il faut remettre le restaurant à jour pour pouvoir accueillir les touristes. Déjà, j’ai fait un relevé, et il y a des réfrigérateurs qui ne fonctionnent plus après tout ce temps hors service. Qui va comprendre cela ? Comment en acheter d’autres quand on est endetté ? » se demande-t-il avec amertume.
Ce dernier est d’avis que le Deputy Prime Minister et ministre du Tourisme aurait dû tendre l’oreille aux petits opérateurs et prendre connaissance de leurs difficultés. « Nous sommes aussi des acteurs de ce secteur. Il n’y a pas que les grands hôtels. À chaque fois, on voit parler le président de l’AHRIM et autres, mais notre situation est différente. Le gouvernement aurait dû au moins nous accorder un soutien pour nous permettre de redémarrer », dit-il.
Le restaurateur regrette que la seule option présentée à des opérateurs comme lui, pour le moment, est de s’endetter à nouveau pour pouvoir recommencer à opérer. « La banque vous encourage à contracter de nouveaux emprunts pour assurer le remboursement de vos arrérages et les autres mensualités en attendant que votre travail reprenne. Est-ce vraiment une option ? S’endetter encore alors qu’on n’arrive plus à rembourser ? Une année de moratoire accordée par le gouvernement n’a servi à rien. Je rappelle que nous contribuons également à l’économie. On aurait dû considérer également notre situation. Les grands opérateurs ont eu des facilités, mais pas nous », poursuit-il.
Étant basé à Mahébourg, Parvez Purbhoo dénonce également le silence complet sur la compensation de la marée noire provoquée par le naufrage du MV Wakashio. Selon lui, cela aurait pu aider les opérateurs de la région à redémarrer. « On n’entend plus parler du Wakashio, même pas à l’Assemblée nationale. Dans cette région, nous avons été doublement impactés par le Covid et le Wakashio, mais personne ne s’intéresse à venir voir comment on fait pour s’en sortir. »
Avec la première phase de la réouverture des frontières, les petits opérateurs comme lui ont peu d’espoir de recommencer à opérer. « Le client va passer 14 jours à l’hôtel. Il n’y a aucune garantie qu’il va rester plus de jours. Cela fait 25 ans que je suis dans ce métier, l’expérience me dit que les clients viennent pour une dizaine de jours, voire moins même, pour les businessmen », avance-t-il.
C’est le même constat du côté des plaisanciers. Prem Beerbul, président de la fédération des plaisanciers, maintient que la formule de Resort Tourism ne les concerne pas. « La réouverture des frontières, c’est bien pour l’économie, mais pas pour nous. Le client va rester à l’hôtel et faire toutes ses activités à l’hôtel. Nous n’aurons aucun rôle à jouer pour cette première phase. »
Pour les plaisanciers, la relance sera également très difficile, confie Prem Beerbul. Car même s’ils sont autorisés à opérer, il n’y a pas de clients. « D’abord, nous sommes en plein hiver et, ensuite, avec la situation sanitaire, les Mauriciens ne veulent pas organiser de sorties. Du coup, on est toujours au chômage. » Les conséquences de cette situation sont très lourdes, ajoute-t-il. Car plus les bateaux restent au mouillage, et plus ils s’abîment.
Si les activités touristiques reprennent vraiment, certains ne seront en outre pas en mesure de remettre les bateaux à l’eau, ajoute-t-il. « Pendant tout ce temps qu’on n’a pas travaillé, les embarcations ont été abîmées. Certaines ont pris l’eau, d’autres ont eu les batteries abîmées, ou encore ont reçu la visite de voleurs. »
Il indique ainsi que dans la région de Trou-d’Eau-Douce, sept moteurs ont été volés, et on n’a pu retracer les voleurs, même si des plaintes ont été consignées à la police. « On est sur un lieu où il y a des garde-côtes et des caméras. Pourtant, on n’arrive pas à mettre la main sur les voleurs. Comment ces plaisanciers vont-ils reprendre le travail ? Qui va les aider à acheter un autre moteur ? »
Esclavage moderne
C’est pour cela, ajoute Prem Beerbul, que la fédération avait sollicité l’aide du gouvernement, afin que les plaisanciers puissent mettre leurs embarcations à jour pour prendre le travail. Mais à ce jour, cette demande est restée sans réponse. « Nous nous retrouvons à zéro. C’est bien de dire que le secteur touristique sera relancé, mais pas pour tous. Entre-temps, certains ont une allocation de Rs 5 100 qui leur sert seulement à vivre. D’autres, eux, n’ont rien reçu. J’en profite pour lancer un appel aux autorités concernant ces personnes n’ayant reçu aucune aide, car ce n’est pas évident pour elles », laisse-t-il entendre.
Aini, beaucoup de plaisanciers sont stressés et que certains font même des dépressions. « Il y a des amis qui ne répondent même plus quand vous les appelez… D’autres qui se retrouvent avec des problèmes familiaux, car il n’y a pas de rentrées d’argent… Cela rend les relations difficiles. Qui se soucie de cette situation ? Parler de la réouverture des frontières, c’est bien, mais il faut s’intéresser à la détresse des gens. »
La même colère est ressentie du côté des taximans. Ceux basés au Sir Seewoosagur Ramgoolam International Airport ont une nouvelle fois manifesté hier, estimant avoir été laissés sur la touche par les autorités. Ashraf Ramdin considère cette situation comme de « l’esclavage moderne ». Il déplore le fait que deux tour-opérateurs sont privilégiés pour transporter les passagers débarquant à l’aéroport vers les hôtels. « Il y a le lobby de certaines personnes. Sous leur pression, le ministre du Tourisme nous a mis dans l’esclavage moderne. Nos grands-parents avaient des pioches, nous, on nous a donné une plume. Mais la situation est similaire. »
Il se demande ainsi comment il se fait que, parmi la trentaine de transféristes, seuls deux ont été privilégiés. « Le ministre dit qu’ils ont décroché le Tender, mais fait-on un Tender pour favoriser la concurrence déloyale ? Les chauffeurs de taxi ont payé des permis pour travailler à l’aéroport, mais aujourd’hui, on prend des Contract Buses et des Contract Cars pour faire ce travail. Le trajet coûte Rs 1 700 et Rs 3 000, par personne respectivement pour voyager dans ces véhicules. »
Raison pour laquelle les taximans continueront de manifester pacifiquement à chaque arrivée. Hier, deux vols étaient au programme, soit celui de Turkish Airlines à 11h55 et celui d’Air Austral, à 17h35.