Le débat : Si l’on donnait à l’enfant sa langue maternelle à l’école? Certains ont émis des réserves, mais le projet s’est concrétisé depuis la rentrée 2012 en Std I dans toutes les écoles du pays. Plusieurs universitaires, dont la responsable du Mauritian Kreol Unit (rattachée à la faculté de lettres du MIE) et Associate Professor, Nita Rughoonundun-Chellapermal, y voient un outil pour l’enfant afin de se développer et grandir. Un chemin qui s’ouvre pour mieux voir ce que cela va entraîner comme différences dans les comportement des enfants. Visionnaires ?
Pour donner à l’enfant plus de poids, c’est la première fois que le Kreol Morisien est enseigné dans les écoles primaires comme une matière optionnelle (mais pas comme les autres matières optionnelles déjà offertes). « Là, on entre dans le patrimoine vivant, dans la société. Pour la première fois, la langue de l’enfant devient un outil pour se dire, pour penser, pour apprendre le monde… », déclare Nita Rughoonundun, ancienne chef de département du français au MIE. Elle appelle de tous ses voeux pour que le kreol soit à long terme offert à tous les enfants dans un créneau spécifique. Ce qui demanderait, bien sûr, un réaménagement des choses. Nita a soutenu un doctorat en Sciences de l’Education et a étudié les stratégies que les enfants mettent en place pour apprendre à lire et à écrire (en langues étrangères) dans un contexte plurilingue. Dans le cercle universitaire, le travail sur le kreol n’est pas nouveau. Au Mauritius Institute of Education MIE) on se penche sur les questions pédagogiques concernant le français et le kreol depuis bien longtemps. Ce n’est qu’à partir du 5 septembre 2011 que la Kreol Unit a eu une plus grande visibilité avec la nomination de Nita Rughoonundun comme « Acting Head of The Kreol Morisien Unit ». Mais le travail a commencé bien avant avec des ateliers de formation (Latelier formasion pou formater dans kad lintrodiksion kreol Morisien dan lekol, juillet 2011) et l’élaboration du matériel éducatif composé d’un cahier d’activités pour l’élève et le cahier guide correspondant pour l’enseignant. Le cahier d’activités est le fruit du travail de Nita, Bruno Jean-François, Nicholas Natchoo et Daniella Bastien sans oublier le travail accompli par la « Grapic section » pour la réalisation finale. D’autres projets sont en cours, notamment le deuxième volet du cahier et un livre de mots. Pour cela, la Kreol Unit sera renforcée par des personnes ressources comme Shameem Oozarelly et Mivenn Tirouvengadum.
La Kreol Unit
Environ 80 enseignants ont suivi une formation qui comprend six modules de juillet à novembre 2011. Ces modules comprennent, entre autres, les finalités et les objectifs : pourquoi introduire le kreol à l’école et ce qu’il peut apporter au système éducatif; la familiarisation avec les ressources documentaires et culturelles qui existent (livres, chansons). Les enseignants qui se sont intéressés à l’enseignement du kreol ont été affectés par le ministère de tutelle dans les écoles à travers l’île — là où il existe au moins 5 élèves dont les parents ont manifesté un intérêt pour que leur enfant apprenne le kreol. Un enseignant va dans au moins trois écoles pour 50 minutes de cours.
La Kreol Morisien Unit a pour fonction la formation des enseignants, la préparation du matériel pédagogique, les mise en place de projets de recherche, une visite à Rodrigues pour évaluer la situation in situ et de prendre les décisions appropriées concernant le matériel scolaire. Ce sont uniquement des questions pédagogiques qui concernent cette unité.
Le kreol à l’école, qui n’est pas une idée nouvelle pour les universitaires, consiste à accorder des voix supplémentaires aux enfants. Pour Nita Rughoonundun, la rentrée scolaire 2012 est marquée d’une pierre blanche. « La langue de l’enfant a trouvé une place officielle et a son moment d’apprentissage dans la journée. Mais la responsable de la kreol Unit fait ressortir que cette arrivée du kreol n’apporte aucun changement dans l’anglais et le français en termes de temps d’enseignement, d’objectifs ou de contenu de l’enseignement. Le kreol n’est pas en compétition avec les autres langues mais il met l’enfant à l’aise à l’école. Il favorise les apprentissages et permet à l’enfant de se sentir mieux en ayant une parole à lui, pour dire. »
Si sur le plan administratif le kreol comme matière optionnelle est sur un pied d’égalité avec les langues orientales, sur le plan pédagogique son statut d’apprentissage n’est pas le même pour l’enfant puisqu’il s’agit d’une langue maternelle.
On peut penser à présent que la majorité des parents vont prendre le temps d’une réflexion sérieuse concernant le kreol.
RENCONTRE: Donner sa langue à l’enfant, selon Nita Rughoonundun-Chellapermal
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