Chaque après-midi, quand elle se rend au bureau de l’administration (passage obligé) de son école avant son départ, Natasha Tylamma, enseignante, croise le regard d’un homme. Ou plutôt un homme sur une photo accrochée au mur du bureau. Son nom, tout comme la photo, a pali avec le temps. Il s’agit de Pierre Desvaux de Marigny. Mais à l’école, personne ne connaît cet homme. Et Natacha Tylamma, convaincue que ses élèves doivent connaître l’histoire de leur école et pourquoi elle porte le nom de cet homme, a décidé de mener sa petite enquête…
Qui était Pierre Desvaux de Marigny ? Cette question taraude une jeune enseignante, Natasha Tylamma, depuis plusieurs années déjà. Précisément depuis qu’elle est en poste à l’école primaire gouvernementale de Petite Rivière et qui porte le nom de cet homme. Pour que ses élèves connaissent l’histoire de leur école et que celle-ci ne se résume pas qu’à un bâtiment, elle a décidé de rassembler toutes les informations disponibles sur Pierre Desvaux de Marigny. Mais sa tâche n’est pas aussi aisée… C’est en 2019 que Natasha Tylamma est affectée comme Holistic Teacher dans cette école sise à Gros Cailloux après avoir complété sa formation d’enseignante et son stage. Et depuis son arrivée à l’école dans ce quartier de Petite Rivière, l’enseignante ne peut quitter une photo du regard. Il s’agit de celle de Pierre Desvaux de Marigny.
« Chaque après-midi quand je vais apposer ma signature dans le livre, qui se trouve au bureau de l’administration, avant de quitter l’école, je regarde cette photo qui est accrochée sur le mur. Je vois un nom, mais je ne sais pas plus sur celui qui le portait. Tout ce que je peux voir, c’est l’image d’un homme qui avait une certaine prestance », confie Natasha Tylamma. La photo qui a subi l’érosion du temps a pali. Et le nom de Pierre Desvaux de Marigny, inscrit sous le portrait, aussi. Mais déterminée et intriguée à la fois, l’enseignante ne veut pas laisser le temps avoir le dessus sur sa curiosité. « J’aimerais aussi parler à mes élèves de la personne dont le nom a été donné à leur école. Ils doivent connaître les raisons pour lesquelles ce nom a été attribué à leur école », explique l’enseignante.
« Un bienfaiteur, un homme bon »
À l’école, Natasha Tylamma n’a pas trouvé la réponse à sa question. La présente génération ne semble pas connaître Pierre Desvaux de Marigny. Elle a donc lancé un appel sur les réseaux sociaux, certaine que sa démarche finirait par payer. Et elle n’a pas eu tort. Des bribes d’indices lui sont parvenues. Cette semaine, Natacha Tylamma a commencé à entrevoir plus clair sur l’homme de la photo. Il s’agirait de l’ancien propriétaire (avec sa famille) du domaine de Gros Cailloux, un bienfaiteur de la communauté, dit-on. Né le 3 février 1913 à Curepipe, il est décédé le 25 mars 1977 à Durban en Afrique du Sud, à l’âge de 64 ans. Il avait épousé Irène d’Agnel, décédée également en 1986.
L’école prend son nom en 1990
Pierre Desvaux de Marigny était le quatrième des sept enfants de Pierre Fernand Desvaux de Marigny et de Joséphine Marie Lucie Amélie Montocchio. Pour sa part, Natasha Tylamma souhaiterait avoir plus d’informations sur l’héritage de Pierre Desvaux de Marigny dans la communauté. Entre-temps, samedi prochain, cela fera 45 ans depuis que celui-ci a quitté ce monde. Ce sera certainement une occasion pour la jeune enseignante de lui rendre hommage auprès de ses élèves. Elle pourra alors leur expliquer que jusqu’en 1990, l’école portait le nom de Canot Government School.
Une petite cérémonie avait été organisée à l’école, en avril 1990, pour marquer le changement de nom de l’établissement. Elle s’était déroulée en présence du ministre de l’Éducation, à l’époque, en l’occurrence Armoogum Parsuramen, et des membres de la famille de Pierre Desvaux de Marigny. Et c’est en reconnaissance pour la contribution de celle-ci, propriétaire de Gros Cailloux, dans le développement du village, que l’association des parents d’élèves avait suggéré aux autorités d’attribuer le nom de Pierre Desvaux de Marigny à l’école. Son frère, Loïs, qui avait prononcé un discours de circonstance ce jour-là, avait déclaré : « Nous avons vu dans cette école une nécessité pour le progrès et nous pensons que l’éducation est une nécessité aussi pour rendre la terre plus productive. Et nous formons enfin le vœu pour que l’harmonie et l’esprit de coopération continuent parmi les habitants et les élèves — qui deviendront eux-mêmes demain ceux qui prendront des décisions concernant ce village. » L’école avait accueilli ses premiers élèves en 1964.