— C’est ce qu’affirment des pêcheurs, interpellés par un flot d’une substance noire dans le lagon
— Des défaillances au niveau du clarificateur de la station d’épuration de Montagne Jacquot suspectées d’être à l’origine de cette pollution
Interpellés par la présence d’un flot d’une substance noire se répandant dans la mer de Pointe-aux-Sables, des pêcheurs souhaitent alerter les autorités sur ce qu’ils considèrent être des rejets de millions de mètres cubes d’eaux usées émanant de la station d’épuration de Montagne Jacquot. Ils soutiennent que ce sont des défaillances au niveau du clarificateur de ladite station qui sont à l’origine de cette pollution qui risque d’avoir des conséquences dramatiques pour l’écosystème marin si cette thèse se confirme. Formé en ingénierie environnementale, le député de la circonscription Fabrice David et son homologue Osman Mahomed ont visité le site mardi pour s’enquérir de la situation. « La couleur anormale de l’eau et la forte odeur nauséabonde qui se dégage laissent peu de place au doute sur l’origine des écoulements », disent-ils.
La station d’épuration de Montagne Jacquot, d’une capacité de conception hydraulique de 48 000 m3/jour, a été inaugurée en 2007 par le gouvernement PTr. Construite par la China International Water and Electric Corporation, au coût de Rs 665 millions, cette infrastructure ultramoderne visait à faire reculer de façon substantielle la dégradation de l’écosystème marin le long de cette partie du littoral et réhabiliter la pêche dans le lagon. La station est dotée d’un clarificateur destiné à l’épuration des eaux usées. L’installation d’un émissaire pour le déversement en mer des eaux traitées a constitué la phase 1 du projet qui a été complétée en 2005 par la compagnie belge Jan de Nul au coût de Rs 471 millions. Ce tuyau de gros diamètre, placé sur une distance de 640 mètres, achemine chaque jour des millions de mètres cubes d’eaux usées, recueillies dans les égouts des ménages et zones industrielles de Pailles, Coromandel et du sud de Port-Louis, jusqu’à la station d’épuration où elles sont traitées. Ledit tuyau atteint une profondeur de 30 mètres en mer.
Des infrastructures et tout un système qui doivent être continuellement entretenus. À quand remontent justement les derniers travaux de maintenance au niveau de ladite station d’épuration par la Wastewater Management Authority (WMA) ? C’est la question qui taraude les pêcheurs de Pointe-aux-Sables après la découverte, il y a quelques semaines, de cette eau noirâtre qui s’est amplifiée au fil du temps tout en dégageant une odeur nauséabonde qui se répand autour de la plage et des habitations. Certains morcellements situés à quelques mètres de la zone subissent de plein fouet cette odeur pestilentielle qui prend à la gorge.
« Un véritable crime écologique si… »
Pour en avoir le cœur net, les pêcheurs ont sillonné le lagon et inspecté les installations de la station de traitement de Montagne Jacquot. À la lumière de ces longues heures de périple, ils sont arrivés à la conclusion que cette eau fétide découle du système d’évacuation de la station. Vidéos et photos à l’appui, l’un d’entre eux soutient qu’ « il n’est pas normal que des centaines de milliers de mètres cubes d’eaux émanant du clarificateur soient autant polluées alors qu’elles sont censées être purifiées avant d’être rejetées en mer. Tout porte à croire que le système de clarification est soit en panne ou est défectueux. » Ce système de clarification se compose de trois étapes, celles-ci étant la coagulation, la floculation et la sédimentation. Ensemble, ces procédés éliminent les solides en suspension et les particules, ce qui donne une eau claire et propre avec une réduction des matières en suspension et de la turbidité.
Le député de Pointe-aux-Sables Fabrice David, qui s’est rendu sur le site, tout en parcourant le lagon en compagnie de son collègue Osman Mahomed, est catégorique : « S’il s’avère que ces eaux polluées émanent du système de clarification de la station de traitement, je pèse mes mots en disant qu’on a affaire à un véritable crime écologique. Outre les déchets industriels et les matières fécales, certains produits utilisés au quotidien par des centaines de milliers de personnes sont présents dans ces eaux, à l’instar des résidus de médicaments, qui favorisent la prolifération des algues et des végétaux susceptibles de troubler le comportement des espèces marines. Au-delà de cette catastrophe demeurent les risques sanitaires pour la baignade. »
Week-End a tenté, mais en vain, de joindre le service de communication de la WMA. Osman Mahomed a adressé une question en ce sens, par courrier électronique, à l’officer-in-charge de cette instance, le 28 février dernier, mais sa demande est restée lettre morte. On devrait en revanche y voir un peu plus clair mardi, au Parlement, avec une Private Question (PQ) prévue par le député à l’endroit du ministre des Utilités publiques, Joe Lesjongard.