Les fêtes de Noël et de la Saint-Sylvestre devraient normalement se dérouler sans le grand fracas des crépitements des pétards et des feux d’artifice. Il ne s’agit pas de tirer de conclusions hâtives, mais c’est bien l’impression qui se dégage à la lumière des témoignages que Week-End a recueillis aux quatre coins de l’île et auprès des grandes enseignes.
Certes, cette coutume, destinée à faire du bruit pour éloigner les « mauvais esprits », ne s’est jamais amenuisée au fil des années, sauf que les Mauriciens seront nombreux à se résigner à voir leur tradition sacrifiée sur l’autel de l’impact de la crise économique sur leur porte-monnaie.
Les Mauriciens qui ont soutenu l’Argentine à la dernière Coupe du monde de football se sont donnés à cœur joie dans la nuit du 18 décembre après la victoire finale de l’Albiceleste en faisant crépiter pétards et feux d’artifice.
Cette tradition bien ancrée dans les mœurs mauriciennes depuis des décennies en cette période de l’année est un marché lucratif pour les importateurs et les commerçants de ces produits. Les choses risquent d’être différentes cette année, à en croire Alain Fok Shak, le Marketing Manager de Wing Tai Chong Ltd, le plus grand commerçant de pétards à Maurice.
« La tendance s’est inversée depuis le début de la pandémie et la crise financière qui en découle. Les importations ont diminué de 50%. La flambée des prix fait que les Mauriciens seront a priori moins enclins à dépenser des sommes folles dans ces produits. Le tarif d’un conteneur est passé de 800 USD à 2 600 USD, sans compter la dépréciation de la roupie. Du coup, les commandes ne sont plus honorées, ce qui crée un déséquilibre sur le marché. »
Un responsable de Fire Crackers Store à Sainte-Croix souligne également que les ventes risquent d’être moroses avec la flambée des prix, conséquence de la montée en flèche du coût du fret : « Certes, les Mauriciens voudront commencer l’année 2023 sur de nouvelles bases, mais il y a la baisse de leur pouvoir d’achat. Du coup, on ne s’attend pas à des ventes record. » Même son de cloche du côté du côté d’Irfan Mohamed, responsable des rayons d’un supermarché à Triolet : « Il est encore trop tôt pour faire des prévisions concertant les ventes. En revanche, force est de constater que le supermarché ne dispose pas suffisamment de stock cette année, car notre fournisseur a commandé très peu de produits par suite de la montée en flèche du coût du fret. Nous ne comptons pas faire l’impasse sur la vente des pétards cette année, mais le produit ne figure pas parmi nos priorités cette année, d’autant que de nombreux Mauriciens auront à cœur faire des économies. »
Les hôtels font table rase
À Port-Louis, les pétards et les feux d’artifice fleurissent déjà en cette période sur les étals des différents types de commerces. Or, le contraste est frappant cette année. Les gens s’accordent à dire qu’ils s’organiseront pour préserver la magie de Noël et de la Saint-Sylvestre sans pour autant dépenser des sommes astronomiques sur les pétards. « L’augmentation démesurée des prix des denrées alimentaires a mis à mal mes finances. Oui, je suis une férue de pétards et de feux d’artifice, me sa lane-la zis enn-de petar bo-marse ki mo pou aste. Soyons responsables et pensons aux années sombres qui se profilent », soutient Rajesh, au même titre que Rebecca, qui était accompagnée de ses deux enfants en bas âge : « Il est hors de question que je fasse des folies. Je dépense en moyenne Rs 3 000 chaque année, mais cette fois, ce sera Rs 1000. Mes enfants qui sont des fans de pétards et de feux d’artifice ont compris que les choses seront différentes en attendant des jours meilleurs. »
Les importateurs commandent deux types de pétards et de feux d’artifice : pour les familles et pour les grands événements. Contrairement à l’année dernière, lorsqu’ils étaient durement touchés par la crise, les hôtels ne comptent pas lésiner sur les moyens pour la Saint-Sylvestre pour le passage du Nouvel An.
« On a fait table rase cette année et chassons les vieux démons ! Nous proposerons un spectacle tout aussi majestueux que celui offert avant la crise du Covid. Les feux d’artifice éblouiront les touristes, dont beaucoup visitent Maurice pour la première fois, » nous confie le directeur d’un groupe hôtelier situé dans l’ouest de l’île. Quoi qu’il en soit, la prudence s’impose pour limiter les accidents récurrents qui ponctuent chaque année les festivités. Très prisés surtout des enfants, ces artifices doivent être manipulés avec vigilance et sous la surveillance d’un adulte, d’autant que l’on note depuis quelques années un accroissement insupportable de détonations de pétards pouvant être confondues à celle de bombes artisanales !
L’inspecteur Brasse, de la police de l’Environnement : « Respecter les personnes vulnérables en quête de repos »
De nouvelles dispositions sont en vigueur à partir de ce samedi 1er octobre dans le cadre de la promulgation des Environment Protection (Control of Noise) Regulations 2022 et des Environment Protection (Environmental Standards for Noise) Regulations 2022. Et quid du vacarme occasionné par le crépitement des pétards aux heures indues, sont-elles punissables d’amendes selon les dispositions de la nouvelle loi ? « Non, la loi n’inclut pas encore les délits liés aux pétards », à en croire l’inspecteur Jean Nobin Brasse, de la police de l’Environnement. « C’est clair que nous travaillons sur des nouvelles règles pour mieux protéger la quiétude des gens, mais dans l’immédiat, il est important d’éduquer la population sur l’importance de respecter les personnes vulnérables en quête de repos. Hormis pendant la Saint-Sylvestre, évitez au maximum de surprendre les gens avec des détonations, tard dans la nuit ou aux petites heures du matin. »