Il y a deux semaines, des Curepipiens indignés tiraient la sonnette d’alarme sur la construction d’une « religiously platform » (sic) au sein du Jardin botanique de Curepipe. Si les travaux ont été suspendus sur le site, rien n’est joué (voir encadré).
La semaine dernière, des riverains de Roches Brunes alertaient à leur tour les autorités sur la construction d’une plateforme en béton au sein de la promenade Claude Cavalot. Une prise de conscience citoyenne honorable et des prises de décision questionnables…
L’enfer est pavé de bonnes intentions, comme dit l’adage. C’est une chose de vouloir remplacer son gazon vert par du béton chez soi (avec les avantages et les inconvénients qui l’accompagnent, dont l’accumulation d’eau, mais cela n’engage évidemment que le propriétaire des lieux…), c’en est une autre de vouloir à tout prix — et sans jeu de mots — remplacer un espace vert public par des structures en béton, qui semblent en totale inadéquation avec la vocation première de ces espaces. C’est le constat ces derniers temps avec les nombreuses prises de position citoyennes contre des travaux de rénovation ou d’aménagement aux jardins de Curepipe, de Roches Brunes et avant cela à Pamplemousses, qui découlent finalement de sentiments profonds d’inquiétudes et d’incompréhension de la part des citoyens.
« Ce projet ne date pas d’hier », nous confie Deven Nagalingum, ancien maire de Beau-Bassin/Rose-Hill. Il est l’un des premiers à avoir élevé la voix contre la construction d’une plateforme en « béton armé » à la promenade Claude Cavalot à Roches Brunes. « Lorsque j’étais maire de la ville en 1996, je souhaitais déjà réhabiliter cet espace qui était un terrain en friche et qui a été témoin de plusieurs drames… J’avais alors contacté Medine, qui m’avait fait part de la présence de fils à haute tension », explique-t-il. À l’époque, il n’était pas question de construire des structures surélevées à cet endroit. La municipalité a décidé néanmoins, après discussion avec Medine, de construire un parcours de santé à la place. Et de là est né le jardin Cavalot.
« C’est un ami, un amoureux de la nature et du patrimoine, qui m’a appelé pour me signaler qu’il y avait des travaux en cours dans le jardin », dit-il. Deven Nagalingum décide de se rendre sur place pour constater avec horreur la plateforme en béton armé. « J’ai tout de suite appelé le maire qui m’a expliqué que ce projet découle de la requête de quelques habitantes de la région, qui ont demandé un espace pour faire du yoga. » Une bonne chose, certes, mais qui, selon l’ancien maire, n’a pas beaucoup de sens. « Cette structure, qui est un eye-sore, n’a pas sa place dans cet espace. D’accord, on veut créer un espace pour faire du yoga, mais que va-t-il se passer quand il va pleuvoir ou quand l’espace ne sera pas occupé par les personnes qui font leur sport ? Il est normal que d’autres viennent s’installer pour un pique-nique, ou autre. Les autorités penseront-elles alors à ériger une structure montante à cet emplacement, alors qu’à l’origine les propriétaires des terres s’opposaient à cette idée ? » s’interroge Deven Nagalingum.
« À la rigueur, on aurait pu désigner un espace vert et adéquat au sein du jardin pour de telles activités ou encore utiliser les centres communautaires et de loisirs vides de la région. » Deven Nagalingum lance ainsi un appel au maire de la ville de Beau-Bassin/Rose-Hill. « Avant de faire de tels projets, il faut des études de faisabilité, il faut des rencontres avec les habitants pour discuter des meilleures solutions et informer surtout », poursuit-il. « Nous faisons appel au bon sens du maire pour faire enlever cette plateforme du jardin Cavalot, au nom de l’environnement. Il n’y a qu’à voir le centre-ville Rose-Hill. Il y a du béton partout, l’air est devenu irrespirable. Ce n’est pas possible. »
De son côté, le maire de Beau-Bassin/Rose-Hill, David Utile, rassure.
« Nous effectuons en ce moment des travaux de réaménagement sur le parcours de santé, notamment au niveau du jogging track, du jardin d’enfants et de la fameuse plateforme qui fait polémique », nous dit-il. Il explique que c’est suite à la demande des femmes de la région, qui pratiquent le yoga en soirée à ce même emplacement, que la mairie a fait une demande auprès de la National Development Unit (NDU), qui se charge des travaux actuellement.
« Nous devons avancer, et rester à l’écoute des habitants. D’ailleurs, le projet n’est pas fini. Ce ne sera pas qu’un carré de béton. Il sera recouvert d’un revêtement synthétique », précise-t-il. David Utile soutient par ailleurs qu’une fois le projet complété, il y aura sans doute des discussions à ce sujet au conseil. « Nous ne nous contentons pas de régler les problèmes de voirie ou de lumière, nous avons aussi à cœur le bien-être des citoyens. »
Quant aux habitants de la région, ils sont perplexes. « Fer yoga lor béton ? Le béton ça chauffe au soleil, comment voulez-vous faire du yoga ainsi ? » fustige une professeure de yoga de l’île. Tandis qu’une habitante de la région, qui fréquente quotidiennement le parcours de santé Cavalot, relate que « cela ne m’a pas plus choquée que cela en voyant la plateforme, car je sais que pendant très longtemps des gens viennent faire du yoga ou du tai-chi à cet endroit. D’ailleurs, je pense que la plateforme n’est pas assez grande pour ces derniers qui posaient leurs nattes sur l’herbe ! Cependant, il est vrai qu’un panneau indicatif aurait évité toute cette polémique, car il est normal de s’inquiéter. Après tout, dans un jardin vert, on ne s’attend pas à voir du béton… »
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Brin d’histoire
Le Jardin botanique de Curepipe est un incontournable de la ville lumière. Au-delà d’être le théâtre des premiers rencards amoureux de nombreux Curepipiens, ce jardin est un véritable bijou du patrimoine botanique mauricien. Au même titre que le Jardin de Pamplemousses d’ailleurs. Créé en 1870, « le jardin est l’auxiliaire du Jardin de Pamplemousses, construit pour accommoder des plantes qui ne s’adaptent pas au climat du nord », indique SOS Patrimoine en Péril sur sa page Facebook. De plus, il abrite l’Hyophorbe amaricaulis dit « des ouragans », un spécimen rare de palmiers que l’on peut voir uniquement à Maurice.