Nouvelle Tour de contrôle – Exemptée du PPA, mais pas de l’arbitraire : l’étrange deux poids, deux mesures à AML

Alors que le Premier ministre, Navin Ramgoolam, confirmait au Parlement mardi qu’Airport Terminal Operations Ltd (AML) avait été exemptée du Public Procurement Act (PPA) depuis décembre 2022, un ancien cadre de la société a décidé de briser le silence. Dans un témoignage écrit, il affirme avoir été écarté de manière politique de ses fonctions pour avoir recommandé une procédure conforme dans une affaire similaire en 2023.

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Ce témoignage relance de manière troublante le débat sur la transparence et l’équité dans la gestion des contrats publics au sein des entreprises d’État. Le cas évoqué par l’ancien cadre concerne un contrat de Rs 2 millions attribué en 2023 à Fine Touch, une entreprise qui, après des difficultés avec la Mauritius Revenue Authority (MRA), aurait souhaité transférer le contrat à une société sœur.

« J’avais conseillé trois options : annuler et relancer l’appel d’offres, attribuer le contrat au deuxième soumissionnaire, ou procéder à un “direct procurement” avec justification, vu qu’AML n’était plus sous la régulation du PPA », affirme-t-il.
Le comité des appels d’offres d’AML aurait alors choisi la troisième option, validée par le CEO de l’époque. Mais par la suite, l’exercice fut annulé, la société sœur n’ayant pas satisfait aux exigences techniques d’AML.

Un départ forcé ?
Le cadre affirme que malgré la légalité apparente de la procédure — AML étant effectivement exemptée du PPA selon les nouvelles régulations de décembre 2022 —, sa recommandation a été rejetée et perçue comme « politiquement sensible ». « La direction m’a tourné le dos pour des raisons purement politiques. J’ai été contraint de prendre une retraite anticipée en août 2024 », écrit-il avec amertume.

Pour lui, le contraste avec la position officielle d’AML sur le projet de la nouvelle tour de contrôle (NCT), un chantier massif, est frappant : « Aujourd’hui, AML invoque exactement les mêmes exemptions que j’avais signalées à l’époque pour justifier un processus sans appel d’offres. Pourquoi ce qui est valable pour la tour ne l’était pas pour mon dossier ? »

Une lettre d’appel restée sans réponse
Le cadre indique avoir adressé une lettre d’appel au bureau du Premier ministre (PMO) en décembre 2024, exposant ce qu’il qualifie d’injustice manifeste. À ce jour, il n’aurait reçu aucune réponse.

Ce témoignage soulève plusieurs questions de fond : les exemptions au PPA sont-elles utilisées de manière cohérente et transparente ? L’indépendance des comités d’évaluation est-elle réelle ? Et surtout, y a-t-il un filtre politique dans la manière dont les décisions sont appliquées au sein des entreprises publiques ?

Un besoin urgent de clarté
La réponse donnée par Navin Ramgoolam au Parlement clarifie la position légale d’AML, mais laisse un goût amer lorsqu’on la confronte à des cas antérieurs traités différemment. Dans un pays où la perception d’une justice à géométrie variable alimente le cynisme des citoyens, ce genre de témoignage met à nu les contradictions du système.

La publication complète du rapport du comité d’audit d’AML ou des avis juridiques sur ces exemptions pourrait contribuer à restaurer un minimum de confiance. À défaut, le doute risque de s’installer durablement — et avec lui —, la conviction que certains dossiers passent, et d’autres… cassent.

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