Le président français, Emmanuel Macron, dévoilera les trois bustes d’anciens captifs africains mis en esclavage à Maurice de la collection Froberville, et dont dispose le Musée intercontinental de l’esclavage (ISM – International Slavery Museum) depuis quelques mois. Ce sera lors de sa visite officielle à Maurice, prévue juste après le 5e sommet de la Commission de l’Océan -Indien, qui aura lieu à Madagascar le 24.
L’information a été confirmée par le président nouvellement nommé de l’ISM, Stéphane Gua, lors d’un échange avec Le-Mauricien cette semaine.
L’organisation de la visite présidentielle d’Emmanuel Macron au musée est un des projets d’envergure que gèrent en ce moment le président Gua et son équipe. « Nous avons la visite présidentielle prévue pour fin avril. Le président Macron fera la visite du musée et procédera à l’ouverture de la partie du musée qui comprendra les trois bustes moulés de ces anciens captifs africains mis en esclavage à Maurice, par Eugène de Froberville », fait ressortir Stéphane Gua à Le-Mauricien. « Les bustes ne sont cependant pas encore visibles au public. Mais nous souhaitons qu’ils le soient une fois cette partie du musée ouverte. »
Stéphane Gua souligne que ces trois œuvres font parties d’un prêt à long terme, avec des conditions qui y sont rattachées, précise-t-il, du Château royal de Blois, qui en possédait 53 réalisées en 1846 par l’ethnologue Eugène de Froberville. Il explique : « La visite du président Macron est le moment tout indiqué pour ouvrir les discussions sur la question de restitution des bustes, même si le contexte est différent. Nous ne sommes pas dans une situation de biens pillés durant la colonisation, comme ce fut le cas dans d’autres anciennes colonies. »
Cependant, « nous savons ce que cela représente pour ceux qui sont des descendants de ces esclavés, dont les portraits ont été moulés par de Froberville ». Il reprend : « Zot ti pou kontan al vizit zot gran fami ! »
De plus, observe le président de l’ISM, « nous avons très peu d’artefacts ici » liés à cette période. « Il est important pour nous de les avoir parce que cela symbolisera concrètement la nécessité du devoir de mémoire. Ces gens-là, même s’ils proviennent d’ailleurs, sont venus ici et y sont morts. Il est tout à fait normal que leur mémoire soit ancrée en ces lieux. Encore une fois, ce n’est pas une question de propriété; c’est beaucoup plus profond ! » L’ISM est d’ailleurs en négociation pour en avoir d’autres. Une des conditions attachées est l’aménagement d’un espace adéquat de conservation, « parce que nous parlons des bustes moulés en plâtre en 1846 et que les conditions de conservations sont primordiales », précise notre interlocuteur. À ce jour, les visiteurs ont eu l’occasion de voir une version virtuelle sur écran tactile de ces visages, le tout accompagné d’enregistrements racontant leur vie.
Par ailleurs, le dernier trimestre de 2024 a vu l’exposition de ces bustes sous l’intitulé “Visages d’ancêtres. Retour à l’île Maurice pour la collection Froberville”, au Château Royal de Blois. Sur son site Web, le château présente la collection et la démarche de l’auteur de cette œuvre en ces mots : « Dans les réserves du Château de Blois se trouvent 53 bustes en plâtre réalisés par Eugène Huet de Froberville en 1846. Membre d’une importante famille du Loir-et-Cher, celui-ci est alors à l’île Maurice pour y effectuer une étude sur “les races et langues de l’Afrique orientale au sud de l’équateur”. L’esclavage a été aboli quelques années plus tôt sur cette colonie britannique, mais les conditions de travail n’ont que très peu changé pour les anciens esclavisés. Ceux-ci ont souvent été déportés depuis les actuels Mozambique, Tanzanie et Malawi. Beaucoup d’individus dont le visage a été moulé par Froberville sont aussi ses informateurs, et lui permettent de remplir ses carnets d’informations et de dessins. »
Le site du château relève que l’identité de ces personnes a été retrouvée grâce au travail mené par l’historienne Klara Boyer-Rossol.
« Si les bustes avaient été réalisés pour justifier une classification dite des “races humaines”, une nouvelle lecture croisée permet de mettre en avant les identités propres et de les rattacher aux récits portés dans les carnets sur leur langue, leur culture et leur pays d’origine. La restauration de ces bustes, assurée par Laure Cadot et Delphine Bienvenut, a remis en lumière l’humanité de ces visages, et des restes organiques (poils, cheveux) ont même été retrouvés sur certains. »
Durant le dernier trimestre de l’année dernière, le site annonçait déjà l’acheminement de bustes à l’ISM, dès la fin de l’exposition, pour être montrés au public cette année. « Cet événement permet à la fois à toutes et tous de mieux connaître les collections du Château Royal et de contribuer au devoir de mémoire », peut-on lire sur le site Web du Château Royal de Blois.