Lors de notre dernier article sur le cyclone Freddy après son passage près de Maurice, dans l’édition de Week-End du 26 février dernier, intitulé « Freddy: nous l’avons échappé belle ! », nous écrivions déjà que ce cyclone était hors norme, avec un parcours de 8 000 km parcouru en 19 jours dans le bassin de l’océan indien. Depuis, 19 jours plus tard, soit après 38 jours de vie le jeudi 16 mars dernier, Freddy s’est complètement dissipé sur le canal du Mozambique et a couvert plus de 3000 km de plus après avoir fait des victimes à Madagascar, au Mozambique et au Malawi.
L’histoire du cyclone Freddy a commencé le 5 février dernier, quelque part au sud de l’Indonésie. Freddy n’était alors qu’une tempête tropicale. Mais une intensification extrêmement rapide a fait de lui, dès le lendemain, un cyclone de l’équivalent d’un ouragan de catégorie 1 dans l’Atlantique.
Il renaît de ses cendres
Le 11 février 2023, il atteignait l’équivalent d’une catégorie 3. Il était même classé en équivalent catégorie 5 huit jours plus tard. Après avoir menacé Maurice et La Réunion, le 21 février, Freddy traversait finalement Madagascar. Trois jours après, il touchait le sud du Mozambique et se transformait en dépression résiduelle.
Mais au lieu de s’évanouir, le cyclone a surpris tout le monde en renaissant de ses cendres. Il a alors regagné en intensité sur les eaux chaudes du canal du Mozambique. Pour finalement revenir s’abattre une seconde fois sur ce pays avant de percuter le Malawi avec les conséquences dramatiques que l’on connaît pour les populations de ces trois pays.Madagascar, le Mozambique et le Malawi, qui paye de son manque d’expérience le plus lourd tribut de ce cyclone qui bat tous les records pour devenir champion du monde.
Avant de se dissiper définitivement le 15 mars, le cyclone Freddy a provoqué :
• De très fortes pluies et des vents violents lors de son passage dans le sud du Malawi qui ont provoqué de graves inondations et déclenché des glissements de terrain qui ont entraîné une augmentation du nombre de victimes et des dégâts considérables
• La destruction des infrastructures publiques, telles que les écoles, les établissements de santé, les routes de district et principales, qui ont été grandement endommagées dans les districts touchés et quelque 240 000 hectares de terres ont été inondés, dont 75 000ha de terres cultivées
• La submersion de la quasi-totalité des points d’eau dans les régions touchées.
Plus de 500 000 personnes ont été touchées — dont 463 personnes tuées et plus de 183 100 personnes déplacées dans 317 camps — au 16 mars, selon les autorités, et ces chiffres devraient augmenter dans les jours à venir.
38 jours : jamais un cyclone n’avait duré aussi longtemps !
Au moins 201 personnes sont portées disparues et 796 sont blessées. Alors que les pluies s’atténuent et que les eaux de crue commencent à se calmer, les efforts d’intervention se concentrent sur l’assistance d’urgence aux personnes déplacées.
Le cyclone Freddy a connu une durée de vie exceptionnelle, une puissance record ainsi que l’une des plus longues distances jamais parcourues dans l’océan Indien. Freddy s’est formé dans le sud de l’océan Indien le 5 février dernier, avant de toucher sa première terre, Madagascar, le 21 février. 17 jours à travers l’océan sous des conditions atmosphériques favorables, lui permettant de se renforcer jusqu’à atteindre la catégorie maximale 5, avec des vents à 270 km/h, avant de régresser à l’approche des terres.
C’est désormais certain, jamais un cyclone n’aura vécu aussi longtemps. Le cyclone Freddy a parcouru plus de 11 000 kilomètres et a vécu et survécu 38 jours avant de se dissiper définitivement le 16 mars. Il a néanmoins battu un nouveau record, faisant de lui un phénomène tropical cyclonique vraiment historique.
Il faut en effet remonter à une trentaine d’années pour retrouver un cyclone ayant voyagé, dans n’importe quel océan, plus de 30 jours. Le précédent record de longévité était détenu par le cyclone John, qui a passé 31 jours dans l’océan Pacifique en 1994, et le précédent record de distance par le cyclone Eline était aussi autour de 10 000 kilomètres en 2000.
Au cours de sa vie, qui a débuté le 6 février à l’ouest de l’Australie, Freddy aura tout d’abord frappé mortellement Madagascar, puis le Mozambique, et à nouveau Madagascar (17 morts en tout), samedi et dimanche derniers. Après s’être affaibli temporairement, le cyclone va se renforcer en catégorie 1, voire 2, et surtout opérer un demi-tour. Le Mozambique va donc être touché, encore une fois par des pluies diluviennes de 300 à 400 millimètres probablement encore plus fortes que la première fois et cumulera avec 73 morts. Freddy devait générer beaucoup de pluie sur son parcours final, avec des inondations, en reprenant sa dernière route meurtrière vers la partie nord du Mozambique avant de secouer fatalement certaines régions du Malawi, bien peu préparées à ce genre de phénomènes météorologiques, et qui du coup a enregistré le plus grand nombre de victimes (463 morts) de dégâts importants et d’inconvénients majeurs.
Le pays risque dans le sillage de subir une catastrophe alimentaire, car les cultures ont été dévastées.
Des records qui pleuvent dans plusieurs domaines
Le cyclone Freddy cumule donc un nombre impressionnant de caractéristiques hors-norme et des records :
1. Il a été le cyclone le plus durable jamais enregistré avec 38 jours de vie au total
2. Il a de même été reconnu comme le météore le plus puissant mesuré selon l’indice ACE (Accumulated Cyclone Energy) de 85,88 nettement supérieurs aux ouragans, Loke en 2006 (85,26), San Circiaco de 1899 (73,6) et Ivan en 2004 (70,4)
3. Sa trajectoire est totalement inhabituelle à travers tout l’océan Indien, avec deux demi-tours sur les derniers dix jours
4. Il est aussi le 1er cyclone à avoir atteint la catégorie 5 en 2023
5. Il a au moins égalé sinon battu le record de distance, puisqu’il atteint plus de 10 000 kilomètres justes supérieur à celui du cyclone Eline en l’an 2000
6. Le cyclone Freddy a culminé 8 fois en intensité tout au long de sa vie, selon les données du Joint Typhoon Warning Center (JTWC), qui est le centre interarmées de prévision des cyclones tropicaux entre la US Navy et la US Air Force.
Rappelons que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) note qu’avec le changement climatique, la région océan Indien doit s’attendre à une augmentation de la vitesse moyenne des vents des cyclones tropicaux et des précipitations associées, ainsi que de la proportion de cyclones tropicaux de catégorie 4 ou 5. D’après les spécialistes, le réchauffement des océans contribue à l’intensification des cyclones. Et, comme mentionné plus haut, Freddy s’est intensifié rapidement à huit reprises au cours de son existence.