Une messe de commémoration du 190e anniversaire de l’Abolition de l’Esclavage a eu lieu, samedi, en l’église de Sainte-Croix. Ce fut l’occasion pour Mgr Jean Michaël Durhône, l’évêque de Port-Louis, d’inviter chaque Mauricien à reconnaître sa part de contribution en vue de faire avancer la cause créole et valoriser la langue, la culture et la dignité de cette communauté.
Il ne faut pas oublier, dit Mgr Durhône, que durant la période d’apartheid en Afrique du Sud, il n’y avait pas que les Noirs qui défendaient la cause des Noirs, mais également les Blancs sud-africains qui étaient contre ce système. « La cause créole n’est pas comparable aux autres combats culturels dans notre pays pluriculturel, mais c’est une cause qui peut faire avancer le mauricianisme et la mauricianité », s’est-il appesanti. L’évêque a ajouté : « cette cause créole est basée sur trois dimensions : la guérison de notre mémoire, la voix des prophètes, la valorisation et l’Empowerment qui permettent aux créoles de se tenir debout aujourd’hui. »
Quant à la guérison même de la mémoire, il faut comprendre comment au sein de l’histoire la cause créole a avancé. L’histoire des créoles a été marquée par les effets de la souffrance de l’esclavage sur les descendants des esclaves. Cette souffrance a laissé des blessures dans l’histoire des Créoles, même jusqu’à aujourd’hui, a laissé entendre l’évêque de Port-Louis. « Reconnaître l’identité des créoles, c’est reconnaître son histoire, mais ce n’est pas pour développer une position où nous demeurons des victimes pour que des gens aient pitié de cette communauté, Ayo get kreol kouma pe soufer…Kreol dan pins. Ce n’est pas de cette façon que nous voulons avancer, mais au contraire, il faut regarder notre histoire avec fierté », maintient-il.
Il a ajouté : « la question de la mémoire ne doit pas reposer que sur un malaise créole mais un fait créole où l’on reconnaît dans l’église que nous avons notre responsabilité pour prendre en considération la situation des créoles dans la réalité où ils vivent. C’est un grand pas que Mgr Maurice Piat a fait en procédant à une réflexion sur le malaise créole en 1993 dans sa première lettre pastorale. »
Poursuivant son homélie, Mgr Durhône dira qu’il faut reconnaître aujourd’hui toutes ses voix prophétiques qui se lèvent pour faire avancer la cause créole. « La cause créole a démarré avec des prophètes comme le Père Laval, qui a cru dans les anciens esclaves, devenus des missionnaires de la parole de Dieu. Les malades, les prisonniers, les anciens propriétaires d’esclaves ont connu la parole de Dieu grâce à lui », dira-t-il avec force.
Il évoquera aussi le combat du révérend Jean Lebrun, qui a milité en faveur de l’éducation pour les enfants des pauvres. « C’est magnifique et, de nos jours, l’école Jean Lebrun opère en plein centre de Plaine-Verte. Cette école symbolise un combat pour l’éducation de chaque enfant mauricien. Mgr Nagapen et IDP ont travaillé au niveau de l’histoire. Jean-Yves Violette, Dev Virahsawmy, Lindsey Collen, Danielle Palmyre, Sylvio Michel, le père Jocelyn Grégoire, le cardinal Jean-Margéot, le cardinal Maurice Piat, les associations créoles ont fait entendre leurs voix pour plus de justice », a-t-il poursuivi.
L’évêque de Port-Louis a enchaîné sur « la mort de Kaya, qui a aussi réveillé la conscience créole ». Il dira : « Même si sa mort a créé un événement douloureux dans le pays, c’est aussi une voix prophétique que nous avons pu entendre. »
S’inscrivant dans le volet linguistique de son homélie, Mgr Durhône a mis l’accent sur le fait que le Kreol Morisien sera un sujet subsidiaire cette année au HSC. Tout cela démontre le chemin tracé pour la cause créole. Cela n’aurait pas été possible sans les prophètes d’hier et d’aujourd’hui. Une commission diocésaine pour la cause créole sera mise sur pied « où nous allons vivre en 2035 les 200 ans de l’abolition de l’esclavage. »
L’émancipation des créoles dans plusieurs domaines, notamment culturel, éducatif, le travail et le social, économique et politique, doit se poursuivre. Les créoles deviendront encore plus persévérants et plus forts grâce à l’espérance de Jésus, dit-il. « Pa ve dir lev lame o siel ek atann ki Bondie fer tou. Kouma nou dir an kreol pez nene bwar dilwil. Kouma nou dir, tal lame. La guérison de mémoire est aussi importante, et l’Empowerment trouve sa source dans Jésus-Christ, et nous allons avancer avec le père Laval sur le chemin de l’espérance », a-t-il fait ressortir en cette année du Jubile.