Il s’agit d’un des secteurs où les décisions les plus audacieuses semblent avoir été prises, et ce, dans un court délai. Le discours-programme a fait la part belle à l’écologie et a surtout démontré avoir été à l’écoute des nombreuses ONG et chercheurs qui, depuis des années, tirent la sonnette d’alarme sur la mauvaise gestion de notre patrimoine naturel. Le gouvernement prévoit ainsi l’introduction d’une Environmentally Sensible Areas (ESA) Act, et rendra publics le Land Drainage Master Plan et le Digital Elevation Model.
Le gouvernement lancera un programme de service à l’écologie qui contribuera à accroître la sensibilisation écologique et à promouvoir la participation nationale sur une base volontaire. Des mesures qui font l’unanimité du côté des ONG, dont Mru2025.
« Les mesures annoncées constituent, sur le papier, une feuille de route prometteuse, posant des bases solides pour renforcer la protection de notre environnement fragile et progresser vers une île Maurice plus équitable et durable. Nous avons également noté une réaffirmation des engagements envers les Objectifs de Développement Durable et la nécessité, enfin, d’entrer dans une ère de transition vers la résilience », indique Carina Gounden, porte-parole de Mru2025. Elle souligne ainsi que cela fait des années qu’ils réclament l’adoption de l’Environmentally Sensitive Areas Act ou encore de l’augmentation du nombre de plages publiques, et espèrent que les réhabilitations envisagées intégreront des approches respectueuses de la nature.
Par ailleurs, « l’annonce d’un nouveau plan d’aménagement du territoire est également salutaire. Celui actuellement en vigueur est obsolète, et il est crucial de le réviser pour mieux répondre aux défis environnementaux et sociaux d’aujourd’hui. » Et ajoute que « dans la même logique, enfin, nous parlons de la land-based pollution qui affecte nos lagons et de la nécessité de contrôler ces sources de pollution, notamment en revoyant le Sewerage Master Plan. Il est impératif que nous ayons des actions protectrices et correctives sur des problématiques que nous pouvons maîtriser. La land-based pollution, qui finit par atteindre la mer et dégrade davantage l’équilibre marin, en fait partie. »
Rights of Nature dans la Constitution
Carina Gounden se réjouit aussi de la confirmation de l’intégration des Rights of Nature « dans notre Constitution qui marquera un tournant historique. Ce n’est pas qu’un simple geste symbolique : il s’agit d’un cadre légal essentiel pour rompre avec des modèles économiques destructeurs et amorcer un changement sociétal en profondeur. » Elle souligne que, toutefois, « ce chantier ambitieux nécessite des réformes concrètes et courageuses pour devenir une réalité tangible. C’est un véritable projet de société qui est annoncé ici. » Mru2025 salue également les initiatives visant à renforcer l’accès à l’information, notamment la publication d’études sur les zones écologiquement sensibles et les zones inondables. « Nous espérons qu’il en sera de même pour la cartographie des zones à risques de submersion côtière. Ces données sont indispensables pour éclairer les décisions à venir, sensibiliser efficacement la population et préparer notre société aux défis environnementaux imminents », dit-elle.
Quant à l’introduction de la Public Interest Litigation et des actions collectives, Mru2025 indique qu’elle représente une avancée juridique majeure. « Si ces mesures sont réellement appliquées, elles fourniront des outils puissants pour défendre l’environnement et garantir que les décisions soient alignées sur l’intérêt public. Après des années de lutte pour la reconnaissance du locus standi, cette étape constitue une véritable révolution pour notre système judiciaire. » Carina Gounden poursuit que « nous sommes également encouragés par l’accent mis sur l’intégration transversale du changement climatique dans les politiques publiques, ainsi que par la volonté affichée de mettre fin au travail en silos, souvent responsable de retards et d’inefficacités. Voyons comment cela va se traduire dans la pratique. »
« Ces annonces doivent se traduire en actions concrètes »
Pour l’ONG, ce discours-programme transmet la volonté du pays « de devenir un leader parmi les États insulaires dans la lutte contre le changement climatique, en s’appuyant sur la recherche, l’innovation et l’adaptation. Il était temps que nous sortions de notre état de torpeur et que nous unissions nos voix à celles des autres. En effet, en parallèle, la création d’un Centre régional de recherche et d’éducation sur le changement climatique et la transformation socioécologique va en ce sens. Nous espérons que cette initiative encouragera des échanges renforcés entre les îles de la région. » Carina Gounden fait aussi état de deux autres mesures annoncées, dont le lancement du programme Service To Ecology et la mise en place d’une Commission pour une Transition Juste. « Rappelons que la Commission Maurice Île Durable fut démantelée par l’ancien régime, dès la première semaine de son arrivée au pouvoir, alors qu’il y avait une stratégie et un plan d’action comme base pour avancer, laissant un vide, alors même que nous étions déjà, à cette époque, à la croisée des chemins. Nous avions besoin de nous réinventer et de réfléchir collectivement à l’avenir de notre pays », soutient-elle.
Pour elle, il est nécessaire de « créer un véritable mouvement pour la transformation de Maurice, où chaque citoyen, des plus jeunes aux aînés, joue un rôle essentiel. Il est donc crucial de mettre en place des espaces dédiés à la collaboration, aux échanges, et à la sensibilisation sur l’écologie, la protection de l’environnement, et la responsabilité de chacun dans cette démarche collective. » Enfin, si les mesures annoncées ont provoqué beaucoup d’engouement, leur mise en application est fortement attendue. « Ces annonces doivent impérativement se traduire en actions concrètes et coordonnées. Nous sommes conscients que cela prendra du temps, mais certaines mesures urgentes doivent être mises en place dès maintenant pour se laisser du temps. Nous réitérons l’importance d’un moratoire immédiat sur toute nouvelle construction sur le littoral. »
À cet effet, Mru2025 se dit prêt « à travailler avec toutes les parties prenantes pour transformer ces ambitions en résultats tangibles et construire un avenir durable pour Maurice et les générations futures. Cela fait si longtemps que nous attendons certaines de ces mesures. » Et de conclure que « certains diront qu’il est déjà trop tard pour le littoral mauricien, mais nous ne devons pas sous-estimer la résilience de la nature. Si nous lui laissons le temps et l’espace pour se régénérer, elle saura répondre. Avec cette feuille de route en main, c’est un souhait que nous formulons autant pour notre environnement que pour nous-mêmes. »