Natacha Ramsamy est bien plus qu’une entrepreneure à succès. Féministe assumée, révoltée par l’injustice et guidée par une vision où les étiquettes et les barrières de genre n’ont pas leur place, elle trace son chemin avec une volonté farouche. Cofondatrice de l’agence de communication et de marketing Eruption, elle défend un modèle de leadership où la résilience, l’humour et l’audace sont les maîtres-mots. Son parcours, forgé entre Maurice, la Zambie, l’Afrique du Sud et le Royaume-Uni, lui a donné une perspective unique sur le monde et sur la place de la femme dans la société.
Natacha Ramsamy a grandi en Zambie, un pays où, enfant, elle n’avait conscience ni des différences de couleur ni des rôles genrés que la société tente d’imposer. “Si les garçons jouaient au foot, j’y étais. S’ils grimpaient aux arbres, je montais avec eux,” raconte-t-elle avec un sourire. Ce terrain de jeu sans limites lui a appris à voir les gens pour ce qu’ils sont, et non à travers le prisme des conventions sociales.
Elle doit beaucoup à ses parents, qui lui ont transmis une force et une indépendance inébranlables. Sa mère, inspirée par un père visionnaire, lui a enseigné que “une femme peut tout faire autant qu’un homme” et l’a encouragée à se surpasser. Son père, quant à lui, l’a armée d’une combativité pragmatique : “Si quelqu’un te tire les cheveux, tire aussi !” Un esprit rebelle, mais jamais gratuit, toujours porté par une volonté de justice et d’égalité.
Mais au-delà de ces leçons de force et de courage, elle retient surtout de ses parents un immense sens de l’humour et de la légèreté face aux épreuves. “Ils ont fait de chaque difficulté une aventure. Ma mère disait toujours : ‘Si la vie te donne des citrons, fais-en une limonade… ou un bon cocktail si nécessaire !’” Cette approche lui a permis de transformer les épreuves en opportunités et de développer une résilience joyeuse et engagée.
Avec un parcours universitaire impressionnant, Natacha a d’abord étudié les gender studies à l’Université de Cape Town, avant de se lancer dans un MBA au Royaume-Uni. “Je voulais comprendre les dynamiques d’inégalités, mais aussi avoir les outils pour prendre le pouvoir et changer les choses,” explique-t-elle. Elle refuse de se contenter d’analyser les problèmes : elle veut agir.
L’entrepreneuriat comme acte de rébellion
Rebelle dans l’âme, elle a fait de l’entrepreneuriat son terrain de jeu et d’action. En 2016, elle investit dans Eruption, une agence qui a su se tailler une réputation solide à Maurice. “J’ai toujours été une rêveuse, mais il fallait aussi passer à l’action,” affirme-t-elle. Quitter la sécurité du salariat pour devenir entrepreneure était un pari audacieux, mais elle n’a jamais douté de son choix.
“Le plus grand apprentissage ? C’est qu’une entreprise, ce n’est pas juste une idée brillante, c’est avant tout les gens qui la font vivre.” Pour elle, le leadership ne se mesure pas à l’ego, mais à la capacité à élever son équipe. “On est responsable de la vie de nos employés, de nos clients. C’est une pression, mais aussi une immense satisfaction.”
Elle voit également l’entrepreneuriat comme une forme de liberté absolue : “Être mon propre patron, c’est pouvoir dire ‘non’ aux projets qui ne me correspondent pas et ‘oui’ à ceux qui ont du sens. C’est refuser de compromettre mes valeurs et bâtir quelque chose qui me ressemble.”
Une vision libre de la femme moderne
Pour Natacha, la Journée internationale des femmes est à la fois une célébration et un rappel des combats encore à mener. “Nous avons parcouru du chemin, mais il reste tant à faire.” Son idéal féminin ? Une femme qui a le choix. “Se marier ou non, faire carrière ou être femme au foyer, tout cela doit relever de la volonté personnelle et non d’une pression sociale.”
Elle défend une approche où chaque femme devrait être économiquement indépendante et émotionnellement libre. “Ne jamais dépendre financièrement de quelqu’un d’autre. Avoir toujours son propre compte bancaire, son propre espace, ses propres ambitions.” Mais au-delà des finances, elle insiste sur l’importance d’être en paix avec soi-même. “Une femme libre, c’est avant tout une femme qui sait qu’elle mérite tout autant que n’importe qui d’autre de prendre sa place dans ce monde.”
Et, en bonne rebelle, elle ponctue ses conseils de vie d’une anecdote pleine d’autodérision : “Si j’ai une leçon à transmettre, c’est bien celle-ci : ne jamais ignorer une pause pipi avant un trajet. Je vous jure, c’est une question de survie ! Un jour, je me suis dit que je pouvais tenir jusqu’à chez moi – après tout, c’était seulement 25 minutes de route. Mais c’était sans compter sur un embouteillage monstre causé par un accident. Une heure plus tard, j’étais toujours coincée sur l’autoroute, me tortillant sur mon siège comme si je dansais sur un rythme invisible, tentant de me convaincre que ma vessie pouvait tenir encore un peu. J’ai envisagé toutes les solutions possibles, de l’arrêt discret en bord de route à la transformation miraculeuse de ma bouteille d’eau vide en plan de secours. Finalement, j’ai survécu, mais la leçon est gravée en moi : ne jamais, jamais sous-estimer l’importance d’un arrêt toilette avant de prendre la route !”
Malgré son emploi du temps effréné, elle accorde une place essentielle à sa famille. Chaque jeudi soir, elle réunit les siens pour un rituel qu’elle qualifie de “happy hour familial”. “C’est notre chaos à nous, une bouffée d’amour et de rires.” Fille aînée, elle a pris le relais pour veiller sur ses proches, convaincue que “l’amour et la responsabilité sont les seuls héritages qui comptent vraiment.”
Son secret pour tout concilier ? La clarté et l’intention. “J’ai appris à protéger mon temps comme un dragon protège son or. Moins de distractions, plus d’essentiel.”
Un message aux jeunes femmes : osez !
Son conseil aux jeunes femmes ? “Ne demandez pas la permission. Si vous voulez quelque chose, allez le chercher.” Elle insiste aussi sur l’importance de l’indépendance financière et intellectuelle : “Ayez toujours votre propre argent et votre propre voix.”
Natacha Ramsamy incarne une rébellion constructive, un refus de l’ordre établi pour bâtir une société plus juste et plus libre. Son histoire est celle d’une femme qui ne se laisse enfermer dans aucune case et qui, à travers son parcours et son humour tranchant, montre que l’on peut être à la fois révolutionnaire et résolument optimiste.