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Érosion accélérée à Trou-Aux-Biches: Urgence pour sauver la plage

Depuis une dizaine d’années maintenant, la plage de Trou aux Biches (TAB) est sujette à un phénomène d’érosion accélérée. Et les intempéries en début d’année ont contribué à accentuer le problème. Les conséquences sont visibles, en attestent les contours dessinés dans le peu de sable et d’herbe qui continuent de disparaître à vue d’œil. Devant certaines résidences, il n’y a même plus de passage, l’eau ayant pris le dessus. La plage s’est progressivement rétrécie, jusqu’à perdre totalement son sable, et le phénomène a progressé vers le Nord année après année, menaçant tout le linéaire côtier du lagon. Si l’érosion est un phénomène naturel, il n’en demeure pas moins que l’activité humaine en est aussi responsable. C’est d’ailleurs le constat effectué par l’océanographe et expert en environnement Vassen Kauppaymoothoo, qui a été sollicité par les riverains inquiets pour une étude de la situation.

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Pour Vassen Kauppaymoothoo, les causes du phénomène d’érosion accentuée principalement à Trou aux Biches est d’une part anthropique, résultant de l’intervention de l’homme avec le dynamitage et l’élargissement de la passe et, d’autre part, cela combiné à d’autres causes liées au changement climatique avec le relèvement du niveau de la mer, la mort des coraux causée par le réchauffement des masses d’eaux océaniques. En effet, les coraux jouent un rôle crucial dans la dissipation de l’énergie océanique des vagues avant que ces dernières n’atteignent le rivage.

Or, à TAB, en sus de l’installation d’un revêtement rocheux au niveau du débarcadère, aujourd’hui ce lagon est parsemé de coraux morts. « On a joué à l’apprenti sorcier en considérant diverses problématiques dans leur isolement sans prendre en considération les interactions complexes et les effets à long terme que ces interventions pourraient avoir sur la dynamique sédimentaire des plages uniques de cette partie de notre île », estime l’expert.

Il fait ressortir que les conséquences d’une telle érosion sont dramatiques. « La plage a totalement disparu à certains endroits, laissant la place à des amas rocheux déformés, et le phénomène progresse rapidement vers le Nord, affectant déjà les plages sur une distance de plus de 350 mètres, avec une accentuation lors des événements climatiques extrêmes ». Et de souligner qu’à certains endroits, la plage a perdu plus d’un mètre entre sa visite de vendredi et celle d’hier !« Cette accentuation ne laisse présager rien de bon pour la plage mythique de Trou aux Biches, et cela aura des conséquences irréversibles sur le secteur touristique, mais aussi sur nous les Mauriciens », prévient-il.

D’autant que les cyclones et les pluies torrentielles combinées au réchauffement de la mer  accentuent le phénomène. « Lorsque le niveau de la mer monte, le régime des vagues et des courants marins change. Le passage de cyclones au nord et à l’ouest causent la formation de trains de houle et de vagues qui s’abattent directement sur la plage de TAB. L’affaiblissement des récifs et la disparition graduelle des coraux dans les lagons couplés à la mise en place par l’homme de structures rocheuses anti-érosion viennent alors compléter le scénario. L’énergie océanique n’arrive plus à se dissiper dans les lagons comme avant et atteint désormais les rivages de sable fin qui sont immédiatement érodés », explique Vassen Kauppaymoothoo.

Le sable est arraché et transporté dans le lagon pour finalement ressortir par la passe qui a été élargie pour la navigation sans prendre en considération les problèmes liés à la stabilité de nos côtes, déplore-t-il. Les pluies torrentielles jouent aussi un rôle important en causant un ruissellement qui n’est pas canalisé faute de drains. Ce ruissellement qui charrie des quantités de sable importantes vers le lagon érode aussi la plage déjà rétrécie de la région.

Solution durable
et intégrée

Des mesures immédiates et urgentes sont nécessaires pour sauver TAB. Dans un premier temps, il faudra privilégier les solutions à court terme pour protéger la plage et les infrastructures existantes alentour avant l’arrivée de nouveaux trains de houle océanique attendus la semaine prochaine, dit Vassen Kauppaymoothoo. Il préconise ainsi l’installation de geobags et des structures temporaires pour arrêter l’érosion.

Pour ce qui est du long terme, l’océanographe pense que la solution réelle au problème demande une intégration des facteurs environnementaux, océanographiques, sociaux et économiques. Tous les habitants doivent travailler de concert en formant un comité de gestion intégrée de la zone côtière de TAB. Des démarches sont déjà en cours pour mettre en place une telle infrastructure qui permettra d’appliquer les solutions recommandées dans le rapport technique qu’il a effectué pour les riverains. Solutions qui couvriront le lagon au complet, la passe, ainsi que le linéaire côtier comprenant les accès publics, les bungalows, la plage publique ainsi que l’hôtel du Groupe Beachcomber.

Selon lui, cette approche innovante et intégrée basée sur des données scientifiques est la seule solution possible pour atténuer les effets du changement climatique. «Nous ne sommes qu’au début d’un long cycle de bouleversements climatiques qui auront des effets délétères non seulement sur nos plages, mais aussi sur la population et notre économie. Il ne faut plus aujourd’hui opposer protection de l’environnement et développement économique, car on sait désormais que les impacts du changement climatique sur notre économie sont bien réels, comme le démontre TAB», dit-il.

Il faut désormais apprendre à innover et intégrer. « L’unité des habitants, du public et des acteurs économiques de Trou aux Biches démontrent clairement qu’un pas a été franchi et que nous nous acheminons vers une solution durable et intégrée », estime-t-il.

Hors texte

Les riverains se mobilisent

Il y a le ciel, le soleil, et la mer. Certes, mais plus de plage. C’est ce que constatent avec amertume et surtout beaucoup d’inquiétude les riverains de Trou aux Biches. Au fil des années, la plage devant de leur résidence a rétréci comme une peau de chagrin. Aujourd’hui, les vagues viennent s’écraser devant de leur porte ou presque. Un phénomène d’érosion spectaculaire qui préoccupe beaucoup ces résidents de Trou aux Biches. 

Non seulement ne peuvent pas profiter de leur terrain, mais en plus, au vu de la situation, qui s’accentue de jour en jour, à la prochaine calamité, tout risque de partir, les bâtisses avec. Non, cette situation est trop inquiétante pour rester les bras croisés. D’où le regroupement de quelques familles — propriétaires de baux de Campement Site qui payent une fortune pour jouir de cette plage et qui en ont assez de voir rétrécir leur terrain — pour trouver une solution à ce problème d’érosion drastique devant leur porte. Hier après-midi, en présence de l’océanographe et expert en environnement Vassen Kauppaymoothoo, ils se sont concertés pour décider de la marche à suivre.

Comme de nombreux pêcheurs de la région, ces riverains, qui ont sollicité l’expertise de Vassen Kauppaymoothoo, sont d’avis que « kan mett ros dan delo, li provok pliss dégâts divan ». Ils en sont sûrs et l’étude menée à leur demande par l’océanographe le soutient, le mur de pierres érigé il y a plus d’une dizaine d’années, en sus de la jetée aménagée dans les années 1970, précisément près du débarcadère, a accentué le phénomène d’érosion dans cette partie de Trou aux Biches. « Dépi finn mett sa miray-la, lamer finn manz laplaz environ 30 à 35 mètres », témoignent les pêcheurs.

Les habitants de la région abondent dans le même sens, indiquant qu’en raison de l’érosion causée par la jetée installée dans la mer, certains ont dû ériger un mur devant leur porte. Or, avec le temps et l’installation du mur de pierres dans le sable à Trou aux Biches, cela a provoqué plus de dégâts et, aujourd’hui, les murs installés devant l’entrée des bungalows sont tombés et il n’existe plus de plage, et encore moins de passage. « En quinze jours, nous avons noté une détérioration de la plage sur 5 mètres avec un affaissement du sable de plus de 30m », explique l’un des riverains. Et si le mauvais temps perdure, la situation risque de s’aggraver. Surtout s’il y a un cyclone avec de fortes rafales de 120 km/h, estiment les résidents de Trou aux Biches.

D’où leur démarche pour prendre des mesures, au moins temporaires, pour freiner l’érosion. Plusieurs suggestions ont été faites hier par l’océanographe et expert en environnement. Au vu de la situation, dès le début de la semaine, les riverains comptent se retrousser les manches et mettre la main à la pâte. Ils espèrent que le ministère de l’Environnement apportera son soutien.

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