Juliestanna Jolicoeur, 12 ans, était sans doute la fille la plus heureuse du Crownland de Cité La Cure jeudi dernier. Elle est rentrée de l’école (ZEP) Marcel Cabon, accompagnée de sa mère Dorella, avec son certificat de Primary School Achievement Certificate (PSAC) qu’elle a brillamment décroché. Grâce à ses 5 unités, elle fera son entrée en Grade 7 à la Colline Moneron SSS en janvier prochain. Fille d’un receveur et d’une employée d’usine de fabrication d’accessoires, Juliestanna Jolicoeur fait partie des 10 élèves sur 42 de son école ayant réussi le PSAC. La jeune fille fait la fierté de toute sa famille — qui a cru en elle et en l’éducation — ainsi que sa tante, employée d’usine également, qui lui a donné des cours particuliers.
Les sacrifices ont porté leurs fruits. Il y a eu des jours où la petite Juliestanna, que tous appellent Julie, âgée de 12 ans, allait à l’école sans pain pour son déjeuner et le ventre presque vide. Elle a aussi manqué des cours lorsqu’elle était hospitalisée. Asthmatique chronique, elle a connu trois séjours à l’hôpital SSRN. Et que dire des nuits sans électricité, qui l’empêchaient de faire ses devoirs ou de réviser, ainsi que des cours télévisés qu’elle ne pouvait suivre les jours de congé forcé. Cependant, ses efforts, tout comme ceux de ses parents, Dorella et Jessley, ainsi que de sa tante et de son oncle qui l’ont accompagnée dans son apprentissage, n’ont pas été vains. Dans la modeste maison de trois pièces en tôle, que les Jolicoeur occupent sur un terrain de l’État à la Cité La Cure depuis deux ans, la joie était indescriptible jeudi dernier.
Julie a brillé aux examens de PSAC avec 5 unités. « Ma matière préférée est les mathématiques. J’aime bien faire les calculs », nous dit-elle. Elle a obtenu un Grade 1 dans cette matière, en français et en kreol morisien, 2 en anglais, science et histoire/géographie. « Je ne m’attendais pas à ces résultats. Je pensais avoir mal travaillé. Aswar, avan gagn rezilta, mo ti pe rest panse, mo ti per tansion mo finn mal travay. Zour lexame mo ti bloke lor de-trwa kestion dan matematik ek dan angle », confie encore la jeune fille, toute heureuse. Son cadeau de Noël, un jeu de construction en 3D, est selon elle bien mérité. « J’ai demandé un portable également », précise-t-elle. Le téléphone, explique Julie, ne sera pas un objet de fantaisie, mais un outil éducatif. « Je pourrai avoir accès à l’internet pour me documenter et m’informer », dit-elle.
Julie, qui fréquente le groupe Zanfan beni de Lakaz A, déborde de curiosité, adore la lecture et elle est dotée d’une imagination fertile qui lui permet d’écrire des histoires. « J’en ai écrit tout plein.Elle écrit des histoires sur sa vieJ’écris en français et en kreol morisien. Mais pour le moment, j’écris en anglais, j’ai envie de poursuivre dans cette langue. Dans la dernière histoire, je raconte ma vie à l’école avec mes amis », dit Julie. Grâce à ses résultats, elle a obtenu une place à la Colline Moneron SSS et entrevoit déjà la carrière qu’elle espère embrasser. « Je voudrais devenir enseignante », confie-t-elle.
Et d’expliquer la raison : « À l’école, mes enseignants m’ont toujours aidée. Mo bann profeser ti ed mwa kan mo ti tris parski mo pa pe resi konpran enn devwar. »
« L’éducation de nos enfants a une grande importance pour son père et moi-même », dit Dorella Jolicoeur, la mère de Julie. « Mem kan mo pa ti pe resi donn li manze parski pa ti ena nanye, mo ti pe avoy li lekol », raconte-t-elle. Les bonnes notes que ramenait cette dernière la confortaient dans l’idée que la place de sa fille est à l’école. « So bann profeser ti touletan dir mwa ki Julie travay bien ek ki li intelizan. Enn Miss ti deza dir mwa ki Julie ti kapav rant direkteman dan Grade 1 san pas dan maternel. So Miss Grade 6 ti dir mwa pa gagn traka, Julie pou pas so lexame PSAC », confie Dorella Jolicoeur.
Pas de leçons payantes
Faute de moyens financiers, Dorella Jolicieur n’a pu offrir des cours particuliers à Julie. Ce sont sa sœur et son frère, qui ont été scolarisés jusqu’à la Form III, qui ont aidé la petite à mieux se préparer au PSAC. « Mo ser ti pe donn li leson. Mo frer ousi ti pe ed li », raconte la maman, qui elle aussi a fréquenté le secondaire jusqu’à la Form III. Tous les jours, à la sortie de l’école, la plupart du temps, c’était son oncle qui récupérait Julie et la conduisait chez sa grand-mère où il l’aidait à faire ses devoirs. D’autre part, ce soutien scolaire rassurait Dorella sur la sécurité de son enfant. « Pour qu’elle ne soit pas seule après les heures de classe, Julie allait dans une garderie jusqu’à l’année dernière », explique-t-elle.
Jeudi, Dorella Jolicoeur ne s’est pas rendue au travail pour aller récupérer les résultats de Julie.
Ce congé, dit-elle, en valait la peine. « La première chose que j’ai faite quand j’ai appris la bonne nouvelle, j’ai appelé son père. Il l’a toujours motivée et veillait à ce qu’elle fasse ses devoirs. Nous attendons son retour du travail avec impatience », indique Dorella Jolicoeur. La réussite de son aînée, dit-elle, doit servir d’exemple à son cadet, âgé de 9 ans. Mais déjà, reconnaît-elle, « il est un bon élève. » Le benjamin, encore bébé, n’a pas encore fait ses premiers pas à l’école. Après l’exercice d’admission au nouveau collège de Julie, qui se fera ce jeudi, ce sera au tour des achats de matériel scolaire. Cette étape sera une autre paire de manches pour la modeste famille. Mais en aucun cas, rassure la mère, Julie ne ratera sa scolarité en secondaire. « C’est la première fois qu’un enfant réussi le PSAC dans la famille », concède Dorella Jolicoeur.
RÉSULTATS DU PSAC 2024 : Un taux de réussite de 76,66%
Parmi les 13 866 candidats scolaires de la République ayant participé aux dernières épreuves du Primary School Achievement Certificate, 10 629 ont obtenu leur certificat, soit un taux de réussite de 76,66 % pour la cuvée 2024. À Maurice, 76,50 % des 13 117 candidats ont réussi les épreuves. Du côté de Rodrigues, le taux de réussite s’élève à 79,44 %, ce qui signifie que 595 des 749 enfants inscrits aux examens pourront accéder au Grade 7 en 2025. 100 candidats ne se sont pas présentés en salle pour les examens de PSAC.
Si le pourcentage de réussite à la dernière édition du PSAC est légèrement inférieur à celui de 2023 (77,47%), le nombre de candidats était plus élevé cette année-là. En effet, 15 054 élèves de Maurice et de Rodrigues avaient participé aux épreuves en 2023, et 11 662 d’entre eux avaient décroché leur certificat. Concernant les 28 écoles de la Zone d’Éducation Prioritaire, la performance de ces établissements n’a pas connu de grande progression. À l’école gouvernementale de Barkly, seulement 3 des 29 candidats ont pu obtenir leur certificat. À Emmanuel Anquetil GS, des 48 enfants qui ont pris part aux épreuves, 40 ont échoué. Avec 70 candidats, l’école Jean Eon RCA a enregistré le plus grand nombre de participations, dont 36 ont réussi les épreuves.
Les candidats souhaitant repasser les matières dans lesquelles ils ont échoué passeront les examens de rattrapage les 19, 20 et 23 décembre. Les résultats seront publiés le 6 janvier 2025. Pour ce qui est de l’exercice d’admission dans les collèges, il se déroulera le 19 décembre.