Le Guide - Législatives 2024

Droits des enfants : Encore des efforts à faire sur le terrain

D’un côté, il y a une loi — Children’s Act 2020 —, qui protège mieux l’intérêt supérieur des enfants mauriciens. De l’autre côté, il y en a qui ne vont plus à l’école, alors que celle-ci est obligatoire jusqu’à l’âge minimum de 16 ans.

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L’absence de synergie entre les services qui sont concernés par les enfants fait défaut. Si Maurice a certes gagné des points en renforçant le dispositif légal visant à défendre les droits des mineurs, il reste encore à faire pour améliorer les services dont prévoit la loi.

La promulgation de la Children’s Act en janvier 2022 ainsi que la mise en place de la Children’s Court ont été sans conteste un progrès notable en matière d’action pour mieux protéger et garantir le respect des droits des enfants mauriciens. Si là Maurice a marqué des points au tableau, cependant, il lui reste encore beaucoup de chemin à accomplir pour devenir l’exemple africain à suivre en matière de développement et de protection des quelque 300 000 enfants de moins de 18 ans de la population. Parmi ces derniers, 279 782 (Statistics Mauritius 2022) ont moins de 15 ans.

À elle seule, la présence d’une législation ne peut être un outil efficace si les principales ressources appelées à intervenir ne disposent pas de logistiques, n’ont pas été formées et sont obligées d’œuvrer dans un système en dysfonctionnement. « À titre d’exemple, note une psychologue qui accompagne des enfants victimes d’abus, depuis que la loi est en vigueur, le retrait des enfants abusés ou exposés à la maltraitance dans leur environnement immédiat devrait être assuré par les Probation Officers. Sauf que ces derniers ne disposent pas encore de moyens suffisants pour se déplacer à n’importe quel moment quand il faut retirer une victime d’un endroit où elle serait ne danger. »

Seulement 9 postes de police « child friendly »

Avec l’arrivée de la Children’s Act, la Brigade des mineurs et la Family Protection Unit de la police, qui opéraient séparément, ont fusionné pour devenir la Brigade pour la protection de la famille. Il revient que c’est l’effectif de cette nouvelle brigade qui doit assurer l’intervention prévue au départ pour les Probation Officers. D’autre part, la déposition des victimes dans les postes de police ne se passerait toujours pas dans un cadre child friendly. Dans une de nos précédentes éditions, la directrice de Pedostop, Virginie Bissesur, faisait ressortir : « Dans les nouvelles dispositions de la loi, la déposition de l’enfant doit être enregistrée, si possible par des policiers en civil. Pour l’instant, ce n’est pas le cas. »

Une victime mineure, dit-elle, doit encore consigner sa déposition dans un cadre qui n’est pas adapté aux enfants. À ce jour, seuls neuf postes de police d’où opéraient les bureaux de la défunte Family Protection Unit peuvent offrir un espace child friendly aux mineurs.
D’autre part, le tribunal pour enfant pourrait être confronté à des situations non prévues par la Children’s Act 2020. Il s’agit de délits qui ne sont pas relevés dans la nouvelle loi. C’est ce qui s’est produit récemment durant le procès de deux hommes poursuivis sous deux charges d’accusation : « dealing in obscene matter » tombant sous le Code pénal et « causing a child to be sexually abused » sous la Child Protection Act.

Ils avaient plaidé non coupables. Pour leur homme de loi, le premier délit ne pouvait être pris devant la Children’s Court, laquelle ne peut selon lui se prononcer sur cette charge d’accusation. Dans ce cas de figure, le Directeur des Pourusites publiques est le seul qui a le pouvoir de loger toute affaire impliquant un enfant, victime ou auteur de délit, devant la Children’s Court. Quant à la magistrate qui siégeait dans cette affaire, elle a été catégorique dans son ruling à l’effet qu’il serait absurde qu’un tribunal qui a été mis en œuvre pour protéger l’intérêt d’un enfant ne puisse agir en conséquence.

Décrochage scolaire, réalité inquiétante

Au chapitre de l’éducation, le décrochage scolaire est une question qui devrait préoccuper les autorités. Les regards ne sont pas assez braqués sur ce problème qui devient récurrent — aux dires des pédgogues et travailleurs sociaux — dans plusieurs foyers et régions particulièrement touchés par la précarité. Durant ces dernières années, ce sont l’accès et le combat contre l’échec scolaire qui ont davantage retenu l’attention des décideurs, alors que de nombreux enfants et adolescents ne se retrouvent plus dans un système compétitif. Et que beaucoup affectés par des problèmes socio-économiques abandonnent l’école. L’école qui, d’une part, ne peut retenir des enfants en difficulté, fait, d’autre part, face à un mécanisme rouillé dans l’incapacité de s’attaquer à la racine du décrochage.
Il suffirait de faire la tournée des écoles en Zone d’Education Prioritaire pour se rendre compte qu’il y a parents qui ne se sont toujours pas présentés pour récupérer les résultats de Primary School Achievement Certificate de leurs enfants. Sans ce document, ces derniers n’ont pas accès au secondaire. Le jour des résultats du dernier PSAC, des responsables d’école nous confiaient leur inquiétude et leur étonnement à la fois devant le laxisme des autorités face à cette situation.

De son côté, Edley Maurer, de l’Organisation non gouvernementale SAFIRE et spécialisé dans l’encadrement des enfants de rue, note : « Même les formations ne sont toujours pas adaptées pour un grand nombre d’enfants et de jeunes. » Il ajoute : « Ce qui m’inquiète le plus à propos des enfants, dans le secteur éducatif, c’est l’absence d’un vrai programme qui tiendrait en compte leur développement intégral. » L’apprentissage académique est privilégié au détriment du développement holistique de l’enfant. Il n’y a toujours pas de stratégie et de structures pour développer les potentiels (non académiques) détectés ou susceptibles d’être détectés, regrette ce dernier. L’éducation nationale devrait, avance-t-il, revoir son approche du programme holistique. Dans le même temps, Edley Maurer plaide pour une collaboration entre les autorités afin d’harmoniser leurs services dans l’intérêt des enfants.

L’harmonisation des services reste vaine

Une synergie des prestations par les différents ministères et institutions publiques, explique-t-il, dynamisera la prise en charge, facilitera les procédures administratives… Dans le passé, des initiatives du genre ont connu une durée éphémère, soit le temps de la mise sur pied de comités. Et puis, plus rien ! Parmi les 300 enfants qui bénéficient du soutien de SAFIRE, ils sont nombreux à s’être exclus du système scolaire. Alors que SAFIRE connaissait jusqu’à récemment un parcours sans trop d’obstacles financiers, aujourd’hui, l’ONG rencontre des difficultés à ce niveau. « Nous n’avons plus les moyens d’encadrer un plus grand nombre. Du coup, notre personnel a été considérablement réduit », confie Edley Maurer.

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