Dans ces régions de l’île où sentiers étroits et cahoteux croisent constructions fragiles et insalubres, là où la misère humaine est criante, l’amour des animaux – en particulier des chiens – est aussi marquée que dans les régions les plus aisées du pays. À l’inverse des chiens en bonne santé qui sont nourris et dorlotés chez les nantis, on trouve dans ces lieux où trône la misère des animaux squelettiques qui errent à la recherche d’eau et de nourriture. Malgré toute leur empathie pour leurs chiens, les habitants dépourvus de tout ne donnent la plupart du temps que leurs maigres restes à leurs compagnons d’infortune. Heureusement que ces animaux, en détresse alimentaire, peuvent désormais compter sur le charity PAWS Care UK de Gillian Keogh et des nourrisseuses bénévoles qui ont décidé de leur venir en aide depuis quelques mois.
Dehors, à côté d’une maison qui ressemble plus à un abri de fortune au milieu d’odeurs nauséabondes, où ceux qui y vivent ne savent jamais le matin ce qu’ils vont manger le soir, leur chien tout maigre portant une grosse cicatrice sur le dos et leur chiot qui souffre de la gâle et de la malnutrition – comme la majorité des animaux, plus particulièrement les chiens de ce quartier – ont un regard lointain et perdu, attendant le moindre geste de leurs maîtres pour une nourriture qui ne viendra souvent pas. Ils sont les victimes collatérales de cette misère et, malgré cette situation mortifère, leur fidélité à leurs maîtres prévaudra, quoi qu’il leur en coûte…
Ces victimes silencieuses…
Les conditions de détention sont déplorables : chiens squelettiques enfermés dans des cages ou maintenus avec une courte chaîne, sans eau ni nourriture, chiens battus à la merci des pires supplices et atrocités (ébouillantés, traumatisés, apeurés, brûlés à l’acide…) que seuls les « humains » peuvent infliger gratuitement à des innocents, ce, sans le moindre remord. Tel est le quotidien des chiens appartenant à quelques familles. Une première réflexion qui vient à l’esprit : comment est-ce possible en 2023 ?
Tout commence lorsqu’en novembre 2022, une militante des droits des animaux se rend dans cette région de l’Ouest, avant de publier régulièrement des posts sur les réseaux sociaux, en vue de trouver de l’aide pour les chiens. Ces alertes ont des retombées positives. En décembre 2022, PAWS Care UK, à travers sa présidente Gillian Keogh, se propose de soutenir en faisant don de nourriture via l’association The Paw Pack de Sherilyn Venpin. Trois nourrisseuses régulières sont trouvées : la Française Kristina Le Dantec Gaussen, la Sud-Africaine Patricia Prepok et la Mauricienne Sherilyn Venpin. Depuis, la militante vient de temps en temps prêter main forte aux nourrisseuses. Plus récemment, une Française, Magali Lavie et une Sud-Africaine, Sonya Bennett se sont jointes à l’équipe.
En plus des dons d’aliments pour chiens de PAWS Care UK, les bénévoles reçoivent également des dons de médicaments et de nourriture de Sonya Bennett. La vétérinaire Dr Sandra, de Cascavelle, est souvent sollicitée pour les interventions et traitements médicaux. Tandis que la Mauritius Society for Animal Welfare (MSAW) a, elle, organisé une campagne de stérilisation pour une vingtaine de chiens.
Les bénévoles ont pu sauver quelques chiens de leur triste sort, mais d’autres continuent de souffrir. Car l’aide est insuffisante au vu de l’ampleur de la tâche et de la misère qui régne dans ce faubourg. Il faut plus de nourrisseurs et plus de moyens pour couvrir tout le village.
Gillian Keogh : « La stérilisation et la nourriture sont nos priorités »
Pour la présidente de PAWS Care UK, il fallait intervenir. Surtout après la mort atroce d’une chienne pleine pendue par son maître. « Je savais que des chiens survivaient dans de nombreuses régions pauvres, mais la terrible vidéo du chien pendu et le manque d’aide dans la région a été le catalyseur. Évidemment, la nourriture et la stérilisation sont nos priorités. Les chiffres doivent être contrôlés. Je ne peux aider qu’avec des dons et assurer la liaison avec MSAW pour organiser plus de journées de stérilisation. La majeure partie du travail acharné vient des dames qui s’occupent de l’alimentation au quotidien ainsi que des soins pratiqués dans l’urgence. Si PAWS Care UK continue d’être soutenue au Royaume-Uni, je continuerai d’assister ces personnes », dit la vétérinaire britannique à la retraite.
Pour elle, « la sensibilisation est une question difficile. Lorsque les gens n’ont pas de nourriture pour leur propre famille, il n’est pas facile de s’occuper des animaux. Il y a des familles très attentionnées qui veulent désespérément s’occuper de leurs chiens, mais qui n’en ont tout simplement pas les moyens. Ils ont besoin de notre soutien continu. L’éducation des enfants dans les écoles est d’une importance primordiale pour briser le terrible cycle. Mais encore une fois, nous seuls ne pouvons rien faire avec les toxicomanes, les alcooliques, etc. Nous pouvons stériliser et ainsi espérer réduire les naissances de cette population canine incontrôlée. »
Grâce à ce don de nourriture, plusieurs chiens sont sauvés et continuent à rester fidèle à leurs maîtres. Patricia Prepok nourrit les chiens deux fois la semaine. « J’ai pu traiter Dieu sait combien d’animaux pour la gâle par des antibiotiques pour des plaies qui ne guérissent pas d’elles-mêmes. » Pour elle, tant qu’il y a aura cette incapacité, on ne pourra que constater le nombre d’animaux en détresse.
Comme elle, Kristina Le Dantec Gaussen ne peut couvrir tout le village, nourrissant déjà plus de 70 chiens trois fois la semaine. « Il y en a toujours de plus en plus à trouver, à soigner et à nourrir. Depuis janvier, j’ai dû traiter 80 chiens contre la gâle. Les habitants sont pour la plupart très sympathiques et reconnaissants », dit-elle. Sherilyn Venpin, elle, nourrit les chiens de ce village le week-end.
Appel aux bénévoles
Pour l’une des bénévoles qui se rend régulièrement dans cette région : « Ce faubourg n’est pas un cas isolé. Se voiler la face et ignorer cette misère au prétexte qu’elle est loin de tout regard n’est certainement pas la meilleure attitude à adopter. Nombreuses sont les personnes sensibilisées à ces situations désespérées. L’ampleur de la tâche est immense, mais rien n’est infaisable avec une mobilisation de gens motivés ». Elle ajoute : « N’hésitez pas à vous rapprocher des associations comme PAWS Care UK ou The Paw Pack, et ainsi d’apporter votre contribution, aussi modeste soit elle. Il n’y a pas de petits gestes ».
Quant aux familles du village, elles reçoivent une assistance régulière d’un grand charity. Vendredi dernier, certaines de ces familles, qui seront bientôt relogées, ont reçu, à travers une ONG, des dons matériels du Charity Centre de Tamarin ainsi que des dons en nourriture d’une bénévole de Flic-en-Flac.