Selon un pilote expérimenté, l’ATR-72-500 « qualifié d’avion impitoyable » qui ne pardonne pas en cas d’erreur grave du pilote
Pourtant, l’ATR a un « très bon bilan » sur un total de 1800 avions livrés à travers le monde et des milliers de vols malgré 18 crashes causant 579 morts
MK avait en octobre dernier rassuré sur l’entretien et la navigabilité de ses ATR-72 après de graves accusations concernant la corrosion de ses avions
L’avion reste le moyen le plus sûr pour voyager
Le crash pendant la semaine écoulée d’un ATR72-500 de Yeti-Airlines à une minute de son atterrissage sur le nouvel aéroport de Phokar au Népal a choqué le monde parce que ce crash a pratiquement été vécu en direct grâce à un passager qui filmait avec son téléphone les dernières minutes du vol sans savoir qu’il en serait une victime quelques secondes plus tard. L’avion était en approche finale de l’aéroport international de Pokhara lorsque l’appareil a décroché. L’ATR72 s’est écrasé à 2 km de la piste. Les 72 personnes, à bord ont été tuées sur le coup.
Alors qu’il était en approche finale, le bi-turbo propulseur a soudainement cabré puis a décroché, entraînant un roulis à gauche d’environ 90°. L’altitude de l’avion était trop basse pour permettre une sortie de décrochage. L’avion s’est écrasé dans les gorges de la rivière Seti, entre l’ancien et le nouvel aéroports et a pris feu.
L’accident d’avion au Népal dimanche dernier s’ajoute à la réputation du pays himalayen comme l’endroit le plus dangereux pour voler sur la planète. Abritant huit des 14 plus hautes montagnes du monde, le Népal a une histoire d’accidents d’avion. Selon les données de la Safety Matters Foundation, il y a eu 42 accidents mortels au Népal depuis 1946. Rien qu’en mai dernier, 22 personnes sont mortes lorsqu’un vol de Tara Air est tombé en route de Pokhara vers la base de trekking de Jomsom.
Beaucoup a été écrit à travers le monde sur ce dernier crash de l’ATR-72 de la Yeti-Airlines et des pilotes professionnels sous le couvert de l’anonymat s’interrogent sur cet accident en prenant à témoin les images vidéo prises du sol.
L’avion a-t-il décroché ?
Les pilotes disent que le Népal peut être un endroit difficile à voler, mais les conditions au moment de ce dernier accident étaient bonnes, avec un vent faible, un ciel dégagé et des températures bien au-dessus du point de congélation. Alors, qu’est-ce qui a pu causer le crash de l’ATR 72 ?
Une vidéo dramatique enregistrée sur un smartphone depuis le sol montre les derniers instants avant que l’avion ne s’écrase dans une gorge près du nouvel aéroport international de Pokhara. Le nez de l’avion est visiblement haut avant que l’aile gauche ne tombe soudainement et que l’avion ne soit plus visible sur la vidéo, indiquant un décrochage probable, a déclaré un pilote expérimenté de la fondation indienne Safety Matters.
« Si vous voyez la trajectoire de l’avion, le nez de l’avion monte et le cabré serait associé à une réduction de la vitesse », a-t-il déclaré. « Quand ils ont des décrochages, généralement une aile descend et les ailes génèrent essentiellement la portance. Ainsi, à mesure que le flux d’air diminue, la portance générée n’est pas suffisante pour soutenir l’avion en vol, l’aile tombe et l’avion pique du nez ».
Le professeur Ron Bartsch, expert en sécurité aérienne a, lui, déclaré qu’il pensait également que l’avion semblait avoir décroché. Sa proximité avec le sol a peut-être fait croire aux pilotes que leur vitesse était supérieure à ce qu’elle était. L’avion est entré dans un décrochage aérodynamique selon la vidéo juste avant le crash. Peut-être une erreur de pilotage, ajoute-t-il.
Questions sur l’ATR-72
L’ATR-72 a été introduit à la fin des années 1980 par une entreprise franco-italienne, nommée ATR, qui se définit ainsi « Nous sommes passionnés par la connectivité régionale et travaillons pour fournir les meilleurs produits et le meilleur support possible à nos clients. Depuis 1981, nous avons construit et livré des avions à plus de 200 compagnies aériennes, dans 100 pays à travers le monde, et avons aidé ces mêmes compagnies aériennes à fournir des liaisons essentielles pour les passagers et les communautés. Nous sommes une joint-venture entre deux poids lourds aéronautiques européens, Airbus et Leonardo. Nous sommes fiers de partager notre innovation et notre expertise avec le monde. »
Sur 1800 avions livrés par cette compagnie franco-italienne depuis son origine en 1981, 18 ATR ont été impliqués dans des accidents mortels, dont 11 avec des ATR-72 et 7 avec des ATR-42, totalisant le chiffre de 579 morts.
Mais selon le professeur Bartsch, même s’il a été impliqué dans plusieurs accidents mortels au fil des ans, plusieurs en raison de problèmes de givrage, l’ATR a généralement un « très bon bilan ». Il estime que les facteurs humains seront un élément que les enquêteurs examineront pour voir s’il y a eu ou non une formation adéquate mais normalement, les avions ne tombent pas du ciel, en particulier les avions modernes.
Il est possible qu’une sorte de panne technique avec les instruments de l’avion ait donné de mauvaises données aux pilotes, mais même dans ce cas, il est possible de se remettre d’un décrochage, a par ailleurs déclaré le pilote qui parle sous le sceau de l’anonymat. Pour lui, « Les pilotes sont formés pour gérer de telles pannes techniques. »
Il rappelle que l’industrie aéronautique du Népal a de mauvais antécédents en matière de sécurité et de formation malgré ses « aéroports et conditions difficiles ». Même s’il s’est amélioré, il a noté que les avions de Yeti sont interdits de vol dans l’espace aérien européen.
Un pilote qui pilote régulièrement un avion ATR-72-500 de l’Inde au Népal a déclaré que la topographie de la région, avec ses sommets montagneux et ses vallées étroites, augmente le risque d’accident et oblige parfois les pilotes à voler à vue plutôt que de se fier aux instruments. Ce pilote, qui travaille pour une compagnie aérienne indienne privée et ne voulait pas être identifié en raison de la politique de l’entreprise, a qualifié l’ATR-72-500 «d’ avion impitoyable » qui ne pardonne pas en cas d’erreur grave, si son pilote n’est pas hautement qualifié et familier avec le terrain et le vent de la région.
La compagnie ATR a déclaré que ses spécialistes étaient « pleinement engagés pour soutenir à la fois l’enquête et le client » et que ses « premières pensées vont à toutes les personnes concernées par cela ». La société n’a pas voulu commenter à ce stade.Il faudra attendre les conclusions de l’enquête officielle pour en tirer les vraies conclusions des conclusions.
Et les ATR de MK ?
Air Mauritius possède dans sa flotte trois ATR 72-500. Le premier immatriculé 3B-NBG et nommé Port Mathurin a été livré à Air Mauritius selon les données d’ATR le 1er juin 2002 et porte une remarque du fait qu’il aurait été « stored de mars 2020 à septembre 2022 ». Le deuxième nommé Île aux Aigrettes et immatriculé 3B-NBN a été reçu par Air Mauritius le 18 décembre 2010 et enfin le tout dernier qui porte le nom évocateur de son lieu d’action, Les Mascareignes, porte le matricule 3B-NBO et a rejoint la flotte d’Air Mauritius depuis le 23 juin 2016, quoi qu’en location-bail de la compagnie NAC. Ces avions font plusieurs rotations par jour entre Plaisance et La Réunion, soit à St-Denis, soit à St Pierre, ou de Plaisance à Rodrigues à l’aéroport de Plaine Corail.
Si la compagnie Air Mauritius et ses ATR ont développé une réputation de retards répétitifs pour plusieurs raisons, dont des pannes récurrentes ou des phases entretiens obligatoires et une flotte insuffisante, les ATR de la compagnie ont une solide réputation en termes de sécurité, au point où nos avions ne sont interdits nulle part dans le monde comme l’étaient Yeti-Airways et d’autres compagnies aériennes du sud-est asiatique, qui ont vu certains de leurs avions crasher par manque d’entretien technique, faute de moyen financier.
À une série d’articles d’un confrère en octobre dernier sur les pannes récurrentes, dénoncées par le public voyageur sur ses avions en direction de Rodrigues et La Réunion, Air Mauritius avait même émis un communiqué de presse le 15 octobre dernier sur la navigabilité de ses avions ATR.
MK assurait à ce moment là que seuls deux de ses trois ATR étaient en service et que l’autre (3B-NBN) était effectivement en révision complète suivant à la lettre les procédures établies par le constructeur ATR et que dans certains cas la remise en service de l’avion pouvait être différé. Air Mauritius confirmait aussi que « tous les avions d’Air Mauritius sont sujets à des révisions complètes programmées à des intervalles réguliers selon un calendrier bien précis. Et que les programmes de maintenance développés par Air Mauritius pour ses avions ATR 72-500 sont issus de documents officiels publiés par le constructeur ATR. »
Elle confirme assurer la navigabilité de toute sa flotte selon un système réglementaire hautement contrôlé et établi par les autorités compétentes, en l’occurrence le Département de l’Aviation Civile (DCA) de Maurice. Air Mauritius disait alors détenir toutes les approbations requises pour faire voler ses avions en toute sécurité et saluait « le professionnalisme de l’ensemble du département Technical Services qui travaille sans relâche pour que la remise en ligne des avions qui sont en maintenance soit effective au plus tôt tout en respectant les normes établies. » Enfin, comme à chaque fois que la sécurité de ses avions est remise en question, Air Mauritius rappelait que la sécurité de ses passagers et de l’ensemble de son personnel restait sa priorité absolue.
Pas d’ATR pour la MBC
Il est bien entendu que de telles déclarations sont de nature à rassurer. Mais les potentiels usagers des avions de MK souhaitent être informés clairement des tenants et aboutissants des pannes et des manques d’avion. Il y va de leur sécurité.
« Il serait plus réconfortant pour tous les usagers des avions de la compagnie aérienne que des informations importantes concernant nos avions soient plus du domaine public que laissée à la rumeur ou de l’information cachée. Elles sont alors divulguée par le personnel, souvent inquiet, d’une impression de manque de rigueur interne, au point où le besoin se fait sentir de fuiter certaines informations pour contraindre à un retour aux normes. Il fut un temps où la compagnie aérienne nationale était affublée du slogan de « non-stop scaring airline ».
À l’heure de ce crash malheureux, nous ne souhaitons pas que la réputation et la vérité d’aujourd’hui de MK revienne à celles de cette époque. Surtout après le near-miss de l’année dernière en janvier au-dessus de l’Éthiopie », déclare un passager régulier vers Rodrigues notamment.
Bizarrement, dans le principal bulletin du soir sur la MBC-TV, lundi et mardi derniers, les deux présentateurs ont réussi l’exploit d’évoquer le crash de l’avion de Yeti-Airlines au Népal sans citer à aucun moment le type de l’avion. Le mot ATR ou ATR-72 n’a jamais été prononcé sur les ondes, alors que toutes les télévisions, radios et journaux du monde entier ont abondamment parlé de l’aéronef lui-même sous toutes les coutures. Serait-ce des instructions venues d’Airports Holdings Ltd ou de Lakwizinn ? Pour ne pas effrayer ses éventuels passagers. Pourtant, MK a un bon track record et s’est toujours montré rassurant….
Enfin, il convient de rappeler que malgré tout ce qui est écrit plus haut, l’avion est le moyen de transport le plus sûr au monde devant le train, et loin devant l’autocar, le bateau, la voiture et la moto avec un accident mortel tous les 5 millions de vols… Embarquez sans peur !