Ambiance de rentrée : Entre lerwa-bwar, sorties et une timide reprise du travail

La reprise était difficile le vendredi 3 janvier. Les gens étant encore dans un mood festif. Pour les plus âgés, ils baignaient toujours dans l’esprit de lerwa bwar, une vieille tradition selon laquelle les Mauriciens fêtent royalement avant la grande reprise de janvier. L’occasion de se rendre à la plage avec, au menu, enn bon ti kari-poul et les traditionnels amuse-bouche dans le partage d’un moment véritablement convivial. Entre bains de mer, parties de cartes sous filaos avant de pik enn ti sega sur les plages… si certains se réjouissent que l’an 2025 coïncide avec le week-end, d’autres affichant une attitude morose ont dû reprendre le chemin du travail, alors que les plus malins ont choisi de fer pon.

- Publicité -

Pas si joyeuse cette reprise, et, pourtant les salons de coiffure affichaient complet dès 8h. Pour Emma, c’est la reprise des fonctionnaires et plus d’une veulent avoir le look pour entamer du bon pied la rentrée au sein de la fonction publique ou dans le secteur privé. Smita estime pour sa part : « On reste femme avant tout et il est important de se rendre chez la coiffeuse pour changer de tête, de couleur de cheveux. On démontre par ce geste qu’on est prête à entamer du bon pied l’année. »

Du côté de la banque à Port-Louis, une file d’attente, les gens se sont rassemblés depuis 6h du matin, alors que l’ouverture était prévue vers 9h. Certains n’hésitent pas de vérifier si les salaires, surtout la première tranche du 14e mois, ont été bien versés. « Pa tou les zour Bolom Lane pase, bizin profite, inn travay pou sa », lâche Raj – qui avoue que ce paiement aurait dû être versé en une seule tranche, comme tel est le cas pour le 13e mois.

Une préposée à la banque confie surtout accueillir les clients pour les retraits et les virements car les prêts bancaires n’ont pas encore la côte en ce début d’année.
Du côté d’une enseigne de fast-food, au cœur de la capitale, c’est le rush, les employées derrière le comptoir sont visiblement dépassées par les commandes. Elles crient à tue-tête, et, dans cette valse de chiffres, on s’y perd. « Comment le numéro 3047 peut passer avant le 2633, ki kalite sa ? » lance une dame visiblement agacée. Des boissons atterrissent sur le sol par un mouvement brusque, des chips éparpillés sur le comptoir. Ce vendredi 3 janvier semble prendre tout le monde de court.

Dehors, la chaleur est accablante. Les marchands de rues essaient tant bien que mal de vendre les derniers jouets de Noël sans véritablement trouver preneur. Des parents se sentent plus concernés par la reprise des classes à trouver l’uniforme, les manuels et cahiers de la rentrée.

D’autres mamans sont encore sous le coup du burn-out, avec des enfants en bas âge, et qui doivent gérer à la fois la maison et la reprise du travail. Certains font leurs emplettes en supermarchés car, comme le souligne Alic, « ce sera le rush lundi ; mes jumelles iront en primaire, et mes deux grands enfants seront admis en Form 3 et 4. Même si je suis femme au foyer, un grand boulot m’attend, le ménage, la cuisine, récupérer les petites à l’école. Tout un programme. Mon mari et moi préférons faire nos courses et pendant le week-end, on recevra la famille. »

Les activités ont connu un certain ralentissement dans les grandes surfaces ; ce n’est plus comme en décembre avec des pics de ventes. Davantage des clients qui vont à la mer ou qui optent pour des grillades. Une responsable de supermarché rassure que l’activité reprendra son rythme habituel dès ce lundi.

Il y a aussi ceux qui veulent taquiner Dame chance en achetant son billet de loto : « Je joue toujours les numéros en relation avec des naissances dans la famille. Hier, j’ai regardé le film Charlie et la chocolaterie où il fallait avoir le ticket en or pour visiter la chocolaterie de Willy Wonka, joué par Johnny Depp. Je me suis rappelé qu’il fallait jouer au loto : Qui sait ? La chance peut me sourire…», lâche celui-là avec un sourire.
Bains de mer: rites de passage

Direction : la plage de Pereybère où cette année, les gens se sont sentis à l’aise pour camper. « Nous espérons que le gouvernement nous donnera un jour de congé. Maye, pa’nn tom le 3, avek wikenn ti pou enn zoli program.  Li dwa nou enn konze, pa ankor donze », lance Anoop.  Mme Tang dit avoir choisi Pereybère car elle a entendu que des méduses pullulaient à Mont-Choisy.

Valérie, pour sa part, a choisi de faire le pont. « On n’est que le vendredi 3, suivi du week-end, cela ne fait aucun mal de prolonger le séjour. Le citoyen mauricien est dans un mood festif et les employeurs du secteur public et privé sont conscients que ce vendredi ne doit être un jour morose. Hormis les services essentiels qui seront opérationnels comme les pharmacies, les stations d’essence,… les autres secteurs s’offrent le luxe de se détendre en attendant la vraie reprise du lundi 6 janvier.»
« 14e mwa finn fer so lefet »
Denzia, une étudiante en SC en bord de mer, campe avec sa famille. Elle se réjouit qu’il n’y ait rien à payer pour installer sa tente. « Le gouvernement n’a pas octroyé un jour de congé le 3 et c’est dommage. Le 14e mois a été d’un grand apport et a généré une forme de stabilité de vie financière. Comme jeune, j’ai un rêve, celui de réussir mes études et avoir un bon travail, une voiture, une maison pour pouvoir veiller sur ma mère, qui a beaucoup fait pour moi. » Anaëlle, sa sœur aînée, abonde dans le même sens : « Lot gouvernman ti pe fer dominer. La vie est retournée à la normale, avec Navin au pouvoir. »

Plus loin, la famille Tanner est venue en groupe avec comme devise : « la famille d’abord ! ».  Une complicité s’empare du groupe et Steffie, présentant à tour de rôle des membres de sa famille, annonce le menu du jour composé du fameux kari-poul, une tradition chez eux.  Les gadjacks et les boissons sont aussi au rendez-vous. Un membre de sa famille lance ainsi : «14e mwa inn fer so lefe, bizin pa tarde pou donn lot trans. »

Un autre membre des Tanner dit vouloir s’exprimer en italien : « Quand on fête l’année dans la bonne humeur, on comprend toutes les langues du monde qui deviennent universelles.» Dans ce brouhaha de rires aux éclats, la famille se prête au jeu de la traditionnelle photo de souvenir de l’année.
Les plages, vendredi dernier, étaient bondées et la chaleur ne vient nullement déroger à la règle. « Tranp lipie dan dilo, tir move zer sa beta. Renouvo pou nouvo lane », lance une granny.
À la Cafétéria de Pereybère, Vashish et Annabelle ainsi que d’autres employés vaquent à leurs occupations. Tous ressentent l’épuisement et attendent patiemment leur congé prévu du 6 au 10 janvier.  Pour eux, le changement de gouvernement n’a pas changé leur vie au quotidien. « Rs 5, bes lesans, pena bel sanzman. Rs 10 000 pou tir rasion, ceux qui ont des enfants peinent à joindre les deux bouts. Augmenter les salaires pour faire payer le double, c’est cher payé. Le citoyen mauricien doit avoir ce pouvoir d’achat et arriver à économiser pour les temps durs, mais on est loin du compte », lance Annabelle.

Pour sa part, Jean, agent de sécurité, est sur le front du 1er janvier au 31 décembre. Il a sa propre compagnie de sécurité, Golden Watch, et pour lui en ces temps de festivités, beaucoup de vigiles et de policiers veillent au grain. Il se désole que la drogue synthétique gagne autant de terrain, et se dit peiné quant à ce drame où la petite Catalea a trouvé la mort à Cité-Richelieu : « Drog sintetik danze, bizin trouv enn sistem pou stop sa angrenaz-la. Zenes rant dan yen, la verite brital parfwa kan inosan pe perdi so lavi. »

En 30 ans de carrière, il raconte avoir vécu un hold-up lorsque l’hôtel Appavou était en construction. D’où une sécurité primordiale et une loi devant être plus sévère.

Sur le front des roulottes sur les plages, La Gourmandise gérée par Mme Yo est prisée en ce 3 janvier. Elle avoue que tout a changé depuis le Covid et que la reprise s’est faite timidement. « Avant les gens choisissaient les Shopping Malls, aujourd’hui ce sont les plages qui servent d’ancrage pour l’année.  Moi, je n’ai aucune vie sociale. Je travaille avec mes deux fils de 9h à 20h, mais avec mes fêtes de l’année, nous restons jusqu’à 22h. Par ailleurs, je paye Rs 10 000 d’électricité pour ma roulotte et c’est impossible d’augmenter les salaires car mes revenus ne me le permettent pas. Il n’y a pas beaucoup de touristes sur les plages. » Elle est rejointe dans ses dires par son fils Moorghen, qui dit ne pas trouver de main-d’œuvre locale.

Entre-temps, les Mauriciens ont bien profité des traditionnels bains de mer du Nouvel An, une sorte de rite de passage pour la nouvelle année. De quoi démarrer 2025 dans une bonne humeur potentiellement collective.

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -