Planteurs de Maurice et Rodrigues touchés de plein fouet par les phénomènes climatiques
Experts, chercheurs et acteurs du développement se sont rassemblés récemment pour un colloque afin de discuter des défis uniques auxquels sont confrontés les petits états insulaires avec les effets du changement climatique et la gestion de l’eau, élément essentiel à la survie humaine. Organisée par le Centre d’Étude du Développement Territorial Indo-Océanique (CEDTI), cette conférence interactive a mis en lumière les approches innovantes adoptées par les territoires insulaires, les stratégies politiques de résilience et les pratiques émergentes en matière d’aménagement territorial durable.
En plus d’explorer les pratiques résilientes, c’était l’occasion de consolider des partenariats et échanges régionaux sur le sujet. Gravitant autour du thème « L’eau dans tous ses états insulaires », cette conférence fait partie de la nouvelle initiative de recherche pluridisciplinaire du CEDTI, axée sur la transformation spatiale des territoires et des régions urbaines des petits États insulaires en développement de l’océan Indien, face aux enjeux environnementaux et climatiques.
Lenteur d’action
L’impact désastreux des catastrophes liées à l’eau dues au changement climatique sur les infrastructures des petits États insulaires est largement connu, mais l’adoption d’actions cruciales aux niveaux macro et micro pour un développement résilient est lente. Les PEID ont des environnements naturels spécifiques et des écosystèmes fragiles. En contexte insulaire marqué par un accès limité aux ressources pour l’urbanisation avancée et leur développement territorial, des pratiques innovantes de base pour s’adapter aux catastrophes climatiques émergent lentement dans les PEID.
La première session des présentations de recherche a été lancée par Pamela Bapoo-Dundoo, coordinatrice nationale du GEF, Programme de Petites Subventions du PNUD, suivi de la présentation de projets de recherche dans les domaines de l’urbanisme, de la géographie, de l’architecture et de l’ingénierie environnementale. Elle a d’emblée souligné que l’eau est source d’inquiétude mais aussi d’espoir pour la survie de l’humanité. Elle a mis en avant tous les défis de développement durable dans les petits états insulaires de l’océan Indien, à commencer par la production énergétique et la gestion des effets du changement climatique. Elle a évoqué certains projets sur lesquels a travaillé le PNUD à ce stade, dont le soutien apporté aux planteurs d’oignons de Petit-Sable et Grand-Sable, « ils sont là depuis plusieurs générations et cultivent l’oignon toupie. La mer est juste à côté et la salinité arrive dans les champs et cela fait un oignon très particulier, avec un goût spécial. C’est un produit du terroir et cette population transmet à ses enfants cette culture si particulière que l’on est en train de perdre, alors que les oignons toupie de Maurice sont pourtant reconnus comme un patrimoine local. »
Marginalisés et découragés
Le site des plantations d’oignons toupie se trouve entre la montagne et la mer et dès qu’il y a de grosses pluies, l’eau dévale de la montagne et balaie tout sur son passage, tout ce qui a été mis en terre. Ces planteurs sont allés à la rencontre des représentants du PNUD à Maurice, car les autorités n’ont rien pu faire pour solutionner ce problème. Ces petits planteurs cherchaient une solution pour empêcher l’eau de tuer leurs cultures, ils voulaient un drain. Le PNUD les a aidés car ils étaient « marginalisés et découragés ». Cette situation représente un défi économique, car les autorités préfèrent introduire de gros oignons à Maurice, qui sont plus rentables. « Un véritable défi économique est attaché à cette culture, et malheureusement beaucoup de ces planteurs d’oignons toupie abandonnent cette culture », explique Pamela Bapoo-Dundoo. Mais avec le soutien du PNUD, ces planteurs ont pu construire leur drain pour canaliser l’eau vers la mer. L’oignon ‘toupie’ c’est 100 ans de savoir-faire indigène des planteurs, et grâce au financement des Nations Unies, ces petits planteurs ont même un bâtiment mettre leurs oignons en conserve, ces oignons sont très prisés par les hôtels et les Mauriciens n’en trouvent pas sur le marché local pour leur propre consommation.
Désertification silencieuse…
La représentante du PNUD explique qu’il y a la même préoccupation pour les haricots rouges et petits piments de Rodrigues, « en grand danger d’être génétiquement modifiés », qui rappelle que « sans eau, il n’y a pas de piment. » Le PNUD apporte son soutien aux planteurs rodriguais pour récolter de l’eau. « J’invite les chercheurs à réfléchir sur cette problématique globale, pour voir comment rapidement aider les populations sur ce que je considère être une désertification silencieuse de Rodrigues, » explique-t-elle, se référant notamment à l’absence de rivières à Rodrigues et aussi à l’énorme problème d’érosion qui affecte grandement l’île.
Elle a également parlé des coulées de boue qui menaçaient une école à Rodrigues. « Les parents d’élèves qui s’y connaissaient en maçonnerie se sont consultés et aujourd’hui un mur a été construit pour sauver l’école. Cela a pu se faire également après beaucoup de sensibilisation auprès des élèves, pour leur faire comprendre les problèmes liés au changement climatique. À chaque fois qu’il y avait des grosses pluies, la boue descendait, à un moment donné, arrivait à hauteur des fenêtres de la classe. Vous imaginez les enfants à l’intérieur… Donc, pour cette école, et avec le soutien du gouvernement australien notamment, nous sommes venus aider. Le problème d’érosion ne concerne pas que cette école, c’est un problème grave à Rodrigues, » poursuit Pamela Bapoo-Dundoo.
Bâtir la résilience des planteurs
De manière générale, tous les planteurs de Maurice subissent de plein fouet les effets négatifs du changement climatique. À chaque grosse pluie, ils perdent près de 80% de leurs plantations, « chaque année, ils attendent que cela se reproduise encore et encore. Rien n’est fait par les planteurs pour pouvoir bâtir et augmenter leur résilience par rapport aux trombes d’eau qui s’abattent sur leurs plantations. En février 2021, il a plu avec des orages pendant 28 jours successifs et les planteurs ont tout perdu. Ils ont attendu jusqu’en juin pour remettre des semences en terre. Peut-on continuer ainsi sans rien faire à attendre des aléas climatiques ? » questionne Pamela Bapoo-Dundoo.
Un expert venu à Maurice pour le compte du PNUD s’est dit choqué, raconte-t-elle, de constater que tous les planteurs « plantent de manière perpendiculaire à la route, et dès qu’il y a une grosse pluie, tout est parti !» alors que la meilleure technique est de faire du « contouring », une technique qui permet aux champs de retenir l’eau. « Sur 80 planteurs, un seul a planté son champ en respectant des contours. Les autres pensent qu’ils vont perdre du terrain. Mais le planteur concerné a également planté du vétiver etc. sur son site et en cas de grosses pluies, il ne perd pas ses calebasses et ses betteraves et réduit également sa consommation de produits chimiques et pesticides. »