Le Premier ministre dénonce la campagne de désinformation orchestrée à l’international portant sur le soutien allégué de Maurice à des bases de la Chine dans d’autres îles de l’archipel
Avec la cérémonie d’investiture dans la nuit de ce lundi à mardi à Washington de Donald Trump en tant que 47e président des Etats-Unis, le dossier de la restitution de la souveraineté de Maurice sur les Chagos et de la base américaine de Diego Garcia traverse l’Atlantique, soit de Londres à Washington. Mais Port-Louis maintient le cap sur la question de l’exercice de sa souveraineté. Peu importe le scénario qu’adoptera le nouveau président des Etats-Unis, qui s’est affublé, selon les thuriféraires d’Outre-Atlantique, d’un droit de veto sur le Chagos Much Better Deal, le gouvernement mené par Navin Ramgoolam maintient que le combat engagé depuis 1965 en faveur de la souveraineté de Maurice sur les Chagos se poursuivra.
Dans le même souffle, il a tenu à balayer d’un revers de main la campagne de désinformation orchestrée sur le front international tentant d’accréditer la thèse d’un axe Port-Louis/Pékin avec la mise en opération de bases ou autres installations militaires en faveur des Chinois. C’est ce qu’a soutenu le Premier ministre dans une Full-Fledged Interview accordée à Jean-Claude Antoine, de Week-End, et où il s’est appesanti sur le fait In No Uncertain Terms que l’option de No Rush avant l’investiture de Donald Trump revient à Maurice depuis la fin de l’année dernière. Ce qui laisse supposer que la décision du Premier ministre anglais, sir Keir Starmer, de tout geler dans la soirée de mardi dernier avait été Politically Discounted par le Conseil des ministres.
En parallèle, l’Attorney General, Gavin Glover, avec les conseils légaux mauriciens et étrangers, poursuit des échanges avec la partie britannique dans l’objectif de mettre au point les derniers détails de l’accord sur les Chagos. À ce stade, aucune confirmation officielle quant au retour à Maurice de l’émissaire ministériel dépêché à Londres depuis mercredi dernier. Techniquement, après le Chagos Special Cabinet de mercredi, les membres du gouvernement ont gardé leur agenda de mercredi prochain libre de tout Commitment officiel.
Néanmoins, tout dépendra de l’évolution de la situation à Washington. Indépendamment d’un signal politico-diplomatique du président Trump, Navin Ramgoolam a donné des indications à Week-End au sujet des négociations avec Londres sur la demande pour un Chagos Much Better Deal : « En résumé, il y a neuf points de différence entre l’accord accepté par le précédent gouvernement (Draft Political Agreement du 3 octobre 2024) et celui que nous avons négocié. Il y a encore des points, des petits points, à négocier, mais nous sommes sur la bonne voie. » Il s’est refusé de donner la moindre indication sur le montant de la compensation, qui se présente comme un aspect extrêmement délicat du deal en discussions.
« Je ne peux le révéler, dans la mesure où la Grande-Bretagne tient à le garder secret pour éviter des réclamations d’autres pays avec lesquels elle a des accords de location », expliquera Navin Ramgoolam. Plus loin lors de cet entretien, il devra être encore plus rassurant à l’égard du Royaume-Uni sur cette même question. « Nous allons rendre publique une partie de l’accord (à être signé avec Londres en conclusion des négociations, Ndlr), mais pas le montant de la location et les parties qui concernent la sécurité et la défense nationales », maintient le Premier ministre à une question portant sur la transparence.
Toujours en ce qui concerne le montant de la compensation devant faire partie intégrante de l’accord anglo-mauricien, Navin Ramgoolam concédera que « ce ne sera pas suffisant, mais ce sera une aide conséquente ». À ce stade, il se fera un point d’honneur de descendre Down Memory Lane.
« Je voudrais rappeler que c’est l’aboutissement d’une bataille qui a commencé dès 1965, quand les Britanniques ont fait du chantage à SSR pour qu’il cède les Chagos contre l’indépendance. On ne le sait pas, mais il a alors posé plusieurs conditions sur les droits que Maurice devrait conserver sur les Chagos. Ces conditions ont été acceptées par les Britanniques et elles ont pesé lourd dans le dossier que nous avons présenté devant plusieurs instances internationales pour que les Chagos reviennent finalement sous la souveraineté mauricienne. Les dossiers sont là pour le prouver », affirme-t-il dans une démarche de Set the Records Straight.
Abordant le volet des tractations autour du droit de regard de Donald Trump et ses conséquences, la position officielle se résume comme suit : « Il faut prendre le temps d’attendre, surtout qu’il y a aux États-Unis une campagne de désinformation qui affirme que nous sommes proches de la Chine, à qui nous allons permettre d’ouvrir des bases, ce qui est une fausseté totale. Maurice est proche de l’Inde, pas de la Chine. Il faut que Donald Trump comprenne qu’en soutenant l’accord, il sécurise la base américaine à Diego Garcia. »
Et si Washington dit non au Much Better Deal de Ramgoolam : « Avant de répondre à cette question, je voudrais déplorer l’attitude antipatriotique de certains, sans doute proches du MSM, qui semblent souhaiter que l’accord n’aboutisse pas ! Si l’accord n’est pas signé pour la raison que vous venez d’évoquer, nous allons continuer le combat mené depuis 1965 pour que les Chagos retrouvent la souveraineté mauricienne », dira tout simplement le Premier ministre.
En amont à ces commentaires sur le dossier des Chagos, Navin Ramgoolam est revenu avec insistance sur l’empressement des Anglais à conclure le Chagos Deal avant la volte-face de mardi dernier. Cet épisode des pressions exercées de Londres remonte aux lendemains de la proclamation des résultats des élections du 10 novembre dernier.
« Avant même que je ne prête serment le 13 novembre comme Premier ministre, le Premier ministre britannique m’a écrit pour demander que nous activions les négociations sur la base de l’accord conclu avec le précédent gouvernement mauricien, avec des discussions avec son envoyé spécial. Je lui ai répondu en disant que je ne pouvais pas discuter d’un accord dont je ne connaissais pas le contenu… », avouera-t-il en lançant une flèche du Parthe à l’encontre de son prédécesseur, Pravind Jugnauth.
« Il n’y a pas eu de passation de pouvoirs. Je n’ai pas eu accès au dossier de l’accord entre Maurice et la Grande-Bretagne sur Diego. Je n’ai eu qu’un résumé des séances de travail et de l’accord, sans les détails. Avec Paul Bérenger, avec qui je suis entièrement d’accord sur ce sujet, nous avons alors mis sur pied des comités ministériels et pris des juristes internationaux pour étudier l’accord, qui n’était pas en faveur de Maurice. Ce qui m’a poussé à dire que de propriétaires de Diego, nous étions en train d’en devenir locataire », ajoutera-t-il.
Avec Londres revenant à la charge depuis la fin de l’année dernière pour conclure les discussions, le Premier ministre réitérera à Week-End : « Londres voulait que l’accord soit signé avant que Donald Trump ne prête serment comme nouveau président des USA. Paul et moi n’étions pas d’accord avec cette approche, et puis Londres a réalisé qu’il serait inélégant que l’accord soit signé la veille de l’entrée en fonction de Donald Trump, qui pourrait le prendre mal. Tout comme j’ai très mal pris le fait que le gouvernement britannique sache, avant les Mauriciens, la date des dernières élections générales. »
Et les points de désaccord entre Port-Louis et Londres après les dernières élections générales ne constituent nullement un secret. « Le premier point de désaccord, le plus important pour nous, c’était la question de souveraineté. Il fallait que la Grande-Bretagne reconnaisse l’entière souveraineté de Maurice sur l’ensemble des Chagos. Venait ensuite la question de la durée du bail, qui était, selon l’accord précédent, de 99 ans, avec un renouvellement de 40 ans qui serait décidé unilatéralement par la Grande-Bretagne. Et puis venait la question du montant de la location qui avait été accepté par le précédent Premier ministre, et qui était sans indexation. Il y avait aussi la question du taux de change par rapport au montant de la location à revoir à intervalles réguliers, ce qui a été accepté », confirmera-t-il si besoin dans la conjoncture politico-diplomatique, la balle étant désormais dans le camp du président Donald Trump.
DE LONDRES
Glover : « Labour (UK) had reneged
on the deal at the last minute »
L’Attorney General, Gavin Glover, trouve qu’après des rounds de négociations entre le Royaume-Uni et Maurice sur le Chagos Deal, il faudra s’en remettre à la décision du nouveau président des États-Unis, Donald Trump. C’est ce qu’il a laissé entendre dans une déclaration hier au quotidien britannique The Telegraph. Ce quotidien ajoute qu’en contrepartie, « UK will lobby for climate change funding for Mauritius under Chagos deal ».
Le quotidien britannique note : « As part of the agreement, the UK will assist the Indian Ocean country to gain money for climate change initiatives and the development of its infrastructure. It comes as the Attorney General of Mauritius suggested Labour had reneged on the deal at the last minute, and said it was “unfortunate” that Donald Trump now had the final say. »
The Telegraph cite la déclaration de l’Attorney General pour étayer ses dires au sujet de l’état des négociations sur le Chagos Much Better Deal. « We understand why Mr Starmer wants Mr Trump to review the document before it is signed, and we are unfortunately dependent on what the Americans will say to the British, which is somewhat unfortunate », déclare-t-il. Ajoutant : « But we remain confident that the agreement can be signed in the weeks to come. The timeline depends on the discussions that will take place between the British and American governments. »
Les indications de Londres et de Washington sont que « Mr Trump is expected to review the deal after he retakes office on Monday and is fully briefed on security concerns surrounding Chinese influence over Mauritius, a former British territory ». L’entourage du Premier ministre britannique, sir Keir Starmer, fait état de contacts avec la nouvelle administration Trump. « We’ve had conversations with the incoming Trump administration. It’s only right that they look at it, and we look forward to having those conversations about a range of details in the deal », confirment ces sources, selon The Telegraph.