Rapport du Dr Paligadu, directeur de l’Audit : des lacunes majeures dans la gestion des finances publiques

Le dernier rapport du Directeur de l’Audit, le Dr Dharamraj Paligadu, sur les comptes du gouvernement pour l’année financière 2023-2024 met en lumière une série de lacunes structurelles dans la gestion des finances publiques, qui se répètent année après année. Ce document souligne des dépassements budgétaires massifs, des retards systémiques dans l’exécution des projets et un contrôle insuffisant des dépenses publiques. Il met également en avant les défis liés à la transformation digitale, un chantier amorcé mais encore insuffisamment exploité.

- Publicité -

Dans son introduction, le Directeur de l’Audit insiste sur le fait que de nombreuses lacunes relevées dans ce rapport ont déjà été mentionnées à plusieurs reprises dans les précédentss audits, sans que des mesures correctives ne soient réellement mises en œuvre. Parmi ces problèmes récurrents figurent des projets financés mais jamais réalisés, des dépassements de coûts mal justifiés et une mauvaise gestion des ressources publiques.

Des irrégularités budgétaires et des projets à l’arrêt

Par exemple, la modernisation des laboratoires scientifiques dans plusieurs collèges, un projet de 208,5 millions de roupies, a été maintes fois reportée. En 2023-2024, seuls 5 millions de roupies avaient été budgétisés, mais une seule évaluation a été effectuée, celle du John Kennedy College, laissant plusieurs autres établissements en attente.

La gestion des infrastructures de drainage, essentielle pour prévenir les inondations, illustre aussi cette mauvaise planification. Sur 988 projets prévus, seuls 5,9 % ont été achevés malgré une allocation budgétaire de 1,2 milliard de roupies. Cette inertie se retrouve également dans la protection côtière, où des chantiers comme celui de Bois des Amourettes sont en attente depuis plus de 25 mois.

D’autres anomalies budgétaires concernent les fonds publics alloués à des entités privées. 45 millions de roupies ont été versés à une entreprise pour la gestion d’un complexe de loisirs et d’un hippodrome à Côte d’Or, sans que l’entreprise ne fournisse les justificatifs requis. Dans le secteur immobilier, le gouvernement a acheté une résidence diplomatique à Washington en 1995 pour 1,43 million de dollars, mais faute d’entretien, sa valeur a chuté de 30 %, obligeant l’État à payer 18 millions de roupies en loyers pour d’autres résidences.

Le gaspillage budgétaire s’observe aussi dans la gestion du parc automobile gouvernemental. En trois ans, 92 voitures VIP ont été achetées pour un total de 209,4 millions de roupies, avec des cas où des fonctionnaires ont bénéficié de deux véhicules simultanément, en violation des règles.

Transformation digitale : un chantier mal exploité

Le Directeur de l’Audit souligne également que la transformation digitale des services publics peine à se concrétiser, bien qu’elle ait été plusieurs fois annoncée par l’ancien gouvernement. Malgré des investissements conséquents, de nombreux logiciels de gestion acquis par l`administration restent sous- utilisés en raison d’un manque de formation ou de compatibilité entre les systèmes des différents minitères.

Le rapport relève aussi des dépenses excessives pour des services informatiques, parfois redondants ou inadaptés, qui constituent une perte financière pour l’État. Par ailleurs, les infrastructures numériques ne sont pas mises à jour suffisamment rapidement, ce qui limite leur efficacité et freine l’amélioration des services aux citoyens.

Le Directeur de l’Audit recommande une accélération des réformes numériques, une meilleure rationalisation des dépenses et un renforcement des contrôles afin d’éviter que ces projets ne deviennent des gouffres financiers. Il plaide aussi pour une meilleure transparence dans l’utilisation des fonds publics, en insistant sur l’urgence d’un cadre plus rigoureux pour la gestion des projets digitaux.

Une gestion déficiente des fonds publics et des dettes mal maîtrisées

Le rapport du Directeur de l’Audit met en lumière une mauvaise gestion des emprunts contractés par l’État, avec un endettement public qui a explosé au fil des années. Par exemple, en 2023-2024, le gouvernement a contracté un emprunt de 3,5 milliards de roupies pour financer des infrastructures routières, mais seulement 1,2 milliard a effectivement été utilisé, tandis que le reste des fonds est resté inutilisé pendant plusieurs mois, générant des intérêts inutiles​.

De plus, des dettes ont été contractées pour des projets qui n’ont jamais vu le jour ou qui ont été annulés, entraînant des pertes pour les finances publiques. C’est le cas du projet de construction d’un centre sportif à Flacq, qui a été abandonné après avoir englouti 56 millions de roupies en études préliminaires et plans​.

L’État a également engagé plus de 400 millions de roupies dans des contrats de maintenance pour des équipements médicaux dans les hôpitaux, mais certains appareils sont restés inutilisés faute de formation du personnel, mettant en péril la qualité des soins offerts aux patients​.

Des infrastructures laissées à l’abandon malgré des investissements massifs

Le rapport dénonce aussi la détérioration rapide de certaines infrastructures publiques à cause d’un manque d’entretien et de suivi. Des ponts et routes récemment construits se sont rapidement dégradés en raison de travaux de mauvaise qualité. Par exemple, la route reliant Pointe aux Sables à Baie du Tombeau, qui a coûté 800 millions de roupies, présente déjà de nombreuses fissures et doit faire l’objet de réparations urgentes​.

Par ailleurs, plusieurs projets d’infrastructures scolaires ont été mal planifiés, retardant leur mise en service. Trois nouveaux collèges, qui auraient dû être opérationnels en 2023, restent inachevés faute de coordination entre les différents ministères, tandis que des écoles existantes souffrent d’un manque criant de rénovations​.

Un gaspillage préoccupant dans l’achat d’équipements publics

Le rapport souligne des acquisitions inutiles ou mal planifiées qui ont conduit à des pertes financières importantes. Parmi les exemples cités, l’achat de scanners de sécurité pour les aéroports et les ministères a coûté 320 millions de roupies, mais certains de ces équipements restent inutilisés faute de formation du personnel pour les opérer​.

Autre aberration relevée : plusieurs millions de roupies dépensés pour des équipements informatiques obsolètes. Par exemple, 200 ordinateurs achetés pour les bureaux de l’administration publique n’étaient pas compatibles avec les logiciels existants, rendant ces acquisitions inutiles​.

Des entreprises privées favorisées sans justification

Le rapport mentionne des contrats alloués à des entreprises privées sans appels d’offres clairs et transparents, ce qui a conduit à des dépenses excessives. C’est notamment le cas du contrat accordé pour la rénovation des bureaux de la State Trading Corporation (STC), qui a coûté plus de 110 millions de roupies, alors qu’une estimation indépendante avait évalué ces travaux à 75 millions seulement​.

De plus, des fonds publics ont été accordés à certaines entreprises sans justification précise, notamment 42 millions de roupies versés à une société pour la gestion de logements sociaux, sans qu’aucun audit n’ait été réalisé pour vérifier l’utilisation de ces fonds​.

Face à ces constats, le rapport appelle le gouvernement à prendre des mesures concrètes pour assainir les finances publiques, rétablir une gestion budgétaire plus efficace et accélérer les réformes numériques. La mise en place d’un suivi rigoureux des projets publics et d’un contrôle renforcé des dépenses est essentielle pour garantir une administration plus efficiente et éviter que les erreurs du passé ne se répètent.

Consultez l’intégralité du rapport de l’audit sur les comptes du gouvernement pour l’année financière 2023-2024 ici.

EN CONTINU

l'édition du jour