Océan Indien — Souveraineté territoriale — Chagos : Maurice à l’heure du Networking panafricain

— À Addis-Abeba, Navin Ramgoolam multiplie les contacts de haut niveau avec des « réparations » des crimes de la colonisation en tant que thème prévu de ce 38e sommet de l’UA

— Derniers préparatifs enclenchés en prévision du premier tête-à-tête Trump/Starmer à Washington devant se dérouler au plus tard avant la fin de ce mois

En ce week-end, alors que se confirme le premier tête-à-tête crucial entre le président des États-Unis, Donald Trump, et le Premier ministre du Royaume-Uni, sir Keir Starmer, avec le dossier du Chagos Deal en toile de fond, le Premier ministre, Navin Ramgoolam, est engagé dans un exercice de consolidation du networking politique et diplomatique au sein de l’Union africaine. La présence de Navin Ramgoolam, qui en est à sa première sortie à l’international depuis son retour au pouvoir après dix ans d’absence, au 38e sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba, est interprétée comme un signal fort de l’importance des liens entre Maurice et l’Afrique. Et surtout de la reconnaissance à l’Union africaine pour le soutien sans compromis, que ce soit lors des délibérations de la Cour Internationale de Justice à La Haye pour les besoins de l’Advisory Opinion du 25 février 2019 ou encore lors de l’adoption par l’assemblée générale des Nations unies de la motion du 22 mai 2019, présentée par le Sénégal et exigeant une évacuation sans condition du Royaume-Uni de l’archipel des Chagos au plus tard le 22 novembre 2019. En parallèle, le président des États-Unis a accepté, lors d’un échange téléphonique impromptu avec sir Keir Starmer dans la soirée de jeudi, de recevoir ce dernier officiellement en tête-à-tête à la Maison-Blanche d’ici à la fin de février avec le Chagos Deal à l’agenda, entre autres.

Dès son arrivée à la tête de la délégation officielle vendredi à Addis-Abeba Bole, le Premier ministre, Navin Ramgoolam, a été reçu avec les honneurs dus à son rang. Il a été accueilli par le ministre de l’Industrie de l’Éthiopie, Melaku Alebel, avec un premier échange de vues dans le salon d’honneur de l’aéroport portant sur l’engagement renouvelé du gouvernement de l’Alliance du Changement en faveur de l’unité et de la coopération africaines.

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Entretien Guteres/ Ramgoolam

Toujours dans l’après-midi de vendredi, Navin Ramgoolam s’est entretenu avec le secrétaire général des Nations unies, Antonio Gutteres, qui a fait le déplacement au siège de l’Union africaine pour participer au 38e sommet, dont l’agenda a été bousculé avec l’escalade militaire dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), avec la prise vendredi d’une ville stratégique par le groupe armé M23 soutenu par le Rwanda. Le secrétaire général des Nations unies devait intervenir à l’ouverture du sommet hier matin.

Un communiqué émis par le service de presse du Prime Minister’s Office en début de week-end indique que le Premier ministre et le secrétaire général des Nations unies ont abordé plusieurs crises géopolitiques majeures, notamment la situation au Proche-Orient, en Palestine et en Ukraine.

Le dossier des Chagos a aussi été évoqué, le Premier ministre exprimant sa gratitude envers Antonio Guterres pour le soutien indéfectible des Nations unies au sujet de la revendication de la souveraineté de Maurice sur cette partie de son territoire et les résolutions adoptées par l’assemblée générale des Nations unies en faveur de Maurice.

Soutien indéfectible

Antonio Guterres a d’ailleurs réaffirmé son soutien indéfectible à Maurice sur ce dossier. Dans la conjoncture, avec le feu vert de Washington se faisant attendre par rapport à l’accord conclu entre Port-Louis et Londres en début d’année avec la restitution de la souveraineté de Maurice sur l’archipel des Chagos et le bail de 99 ans de Diego Garcia pour les besoins militaires des États-Unis dans l’océan Indien, le lobbying politique et diplomatique de Maurice auprès des instances dirigeantes de l’ONU a toute sa pertinence.

Au cas où les États-Unis adopteraient la ligne dure pour accepter les dispositions de l’accord anglo-mauricien de ce début d’année, Maurice peut toujours avoir recours au pouvoir arbitral des instances spécialisées de l’ONU pour trancher le litige. D’ailleurs, l’une des raisons poussant le Royaume-Uni à conclure coûte que coûte cet accord avec Maurice est la crainte que l’International Telecommunications Union, une agence spécialisée de l’ONU, soit appelée à se prononcer au sujet de l’usage exclusif par les États-Unis et le Royaume-Uni des facilités sécurisées de télécommunications par satellite installées à la base de Diego Garcia.

Importance historique

Le gang des Anti-Chagos Deal, mené par le leader du UK Reform Party, Nigel Farage, et les conservateurs britanniques à la Chambre des Communes, dénonce le Premier ministre britannique pour avoir brandi cette menace en vue de faire taire toute opposition au Chagos Deal. En fin de semaine, la presse britannique avançait que « the PM’s reasoning of national security for his Chagos Islands deal has been blown out of the water by one of his own ministers. »

Le ministre des Sciences du Labour, sir Chris Bryant, a affirmé en réponse à une Written Question à la Chambre des Communes que « the ITU cannot challenge the UK’s use of civilian or military spectrum. » Il avait aussi ajouté que « it is possible that one country could challenge another’s spectrum use, for instance if it should cause harmful interference across borders, and if unresolved bilaterally could seek arbitration through an ITU body. »

D’autre part, lors des échanges avec le secrétaire général des Nations unies, le Premier ministre a aussi abordé le cas des États insulaires dans un contexte de changements climatiques extrêmes. Il a aussi dressé un état des lieux de la situation économique léguée par le précédent gouvernement Jugnauth, mettant en lumière les défis à relever pour assurer une croissance durable. Il a fait état du plan élaboré par le gouvernement pour stabiliser l’économie et stimuler l’investissement.

Réparations de la décolonisation

En ce qui concerne le déroulement du sommet de l’Union africaine, outre l’élection d’un nouveau président de la Commission de l’UA pour succéder au Tchadien Moussa Faki Mahamat, les chefs d’État du continent discuteront également des « réparations » des crimes de la colonisation, thème prévu de ce sommet.

De ce fait, il n’est pas exclu que la délégation de Maurice, avec Navin Ramgoolam en tant que principal intervenant, soit appelée à poser sur la table de ce sommet panafricain le dossier de la conclusion du processus de la décolonisation de Maurice avec le retour de l’archipel des Chagos sous le contrôle souverain de Maurice et les obstacles devant être surmontés jusqu’ici que ce soit de la part du Royaume Uni ou encore des États-Unis à cet effet.

Techniquement, la prochaine visite officielle de Sir Keir Starmer à Washington devra apporter plus de visibilité en ce qui concerne le dénouement de ces échanges anglo-américains. En fin de semaine, la confirmation de ce rendez-vous a été fournie officiellement par Donald Trump, qui a déclaré tout simplement que « he (Prime Minister Starmer) asked for a meeting and I agreed to the meeting, we’re going to have a friendly meeting, very good. We have a lot of good things going on. But he asked to come and see me and I just accepted his asking. »

Donald Trump a été évasif quant à la date de cette visite officielle à Washington. « Very soon, I think he wants to come next week or the week after », devait-il ajouter avec une certaine nonchalance. Mais à l’Hôtel du Gouvernement, le moindre détail est suivi et analysé avec une attention accrue vu l’importance historique, politique, stratégique et économique des Chagos.

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