Fin du processus de décolonisation — Chagos : Course contre la montre et vagues politico-diplomatiques

Londres déterminé à boucler « as quickly as possible », soit avant le 20 janvier ; cette étape avec la conclusion du traité anglo-mauricien au sujet de la souveraineté et le bail initial de 99 ans de Diego Garcia

- Publicité -

   Probable mission en janvier à Londres confiée à l’Attorney General, Gavin Glover, pour arracher des Anglais un Much Better Deal que le Draft Political Agreement du 3 octobre

   Le chiffre magique du Chagos Deal : 6,5% du PIB annuellement, considéré comme le Benchmark pour la location des bases militaires dans le monde

À J-30 de la cérémonie d’investiture du président Donald Trump à la Maison-Blanche, les regards politico-diplomatiques sont rivés sur le prochain move conjoint du Premier ministre, Navin Ramgoolam, et de son homologue britannique, sir Keir Starmer, avec en toile de fond le Chagos Deal. Londres a abattu ses cartes : le traité anglo-mauricien portant sur la restitution de la souveraineté de Maurice sur l’archipel des Chagos et le bail initial de 99 ans de la base militaire et nucléaire de Diego Garcia, doit être finalisé avant le come-back de Donald Trump à la présidence des États-Unis. Ce message a été transmis officiellement par Londres à Port-Louis au cours de la semaine écoulée. Sauf que le nouveau gouvernement de l’Alliance du Changeament veut à tout prix obtenir un much better deal que celui arrêté entre les deux parties sous le Draft Political Agreement du 3 octobre dernier. Jusqu’ici, le Premier ministre n’a pas transigé sur ce point en marge du ballet diplomatique au Treasury Building depuis l’installation du gouvernement.

Compte tenu de l’échéance du 20 janvier pour la conclusion de ce traité, tenant en ligne de compte les attendus de l’Advisory Opinion de la Cour internationale de Justice du 25 février 2019, Maurice et le Royaume-Uni sont engagés dans une course contre la montre avec les vagues politico-diplomatiques se voulant être de plus en plus menaçantes. Ainsi, avec la déclaration conjointe émise vendredi en début de soirée par le Foreign, Commonwealth and Development Office (FCDO) de Stephen Doughty et David Lammy, la rupture des négociations anglo-mauriciennes, brandie au cours de la semaine écoulée, s’est estompée.

La partie britannique fait clairement état de la volonté des deux pays de conclure ces discussions enclenchées depuis bientôt un mois. «Mauritius and the UK have held a series of productive, ongoing conversations and exchanges on finalising a historic Treaty on the exercise of sovereignty over the Chagos Archipelago», note ce dernier communiqué, accessible depuis vendredi soir sur le site du Foreign, Commonwealth and Development Office.

Cette communication ajoute que «both countries reiterated their commitment to finalising a treaty as quickly as possible, whose terms will agree to ensure the long-term, secure and effective operation of the existing base on Diego Garcia and that Mauritius is sovereign over the Archipelago. » Du côté de Port-Louis, les autorités ont confirmé à Week-End que le Premier ministre, Navin Ramgoolam, a donné son accord à la teneur de ce communiqué conjoint.

D’ailleurs, un peu plus tôt vendredi après-midi, le Premier ministre et Leader of the House, qui intervenait lors des débats à l’Assemblée nationale sur le paiement du 14e mois avec un cap de Rs 50 000, avait donné des indications sur l’état des négociations, en signifiant l’intention du Royaume-Uni de sceller hermétiquement ce traité avant le 20 janvier, soit l’avènement du président américain Donald Trump.

Du côté de Maurice, la principale objection porte sur la nécessité de convaincre la partie britannique pour un much better deal sur les Chagos pour conclure le processus de décolonisation de Maurice, après bientôt 57 ans d’indépendance. À ce jour, les milieux autorisés se gardent de révéler le moindre détail des contre-propositions soumises par Navin Ramgoolam à sir Keir Starmer. Néanmoins, la possibilité que les Anglais puissent continuer à exercer la souveraineté sur une partie de l’archipel, soit l’île principale de Diego Garcia avec la base militaire et nucléaire des Américains, n’est pas accueillie favorablement par la partie mauricienne.

Puis, la question du montant du loyer pour le bail de Diego Garcia continue à hanter les esprits de ceux engagés dans les échanges politiques et diplomatiques. À ce stade, face aux multiples questions de l’opposition conservatrice à la Chambre des Communes, les ministres travaillistes ont tenu ferme : pas question de révéler le moindre détail au sujet de ce volet monétaire.

La même posture est notée du côté de l’Hôtel du Gouvernement, même si des milieux officieux n’hésitent pas à faire comprendre que l’apport de ce bail à l’équation budgétaire s’apparente à une contribution de 6,5% du Produit intérieur brut (POB). «C’est le benchmark international pratiqué pour l’installation des opérations des bases militaires américaines à l’étranger», laisse-t-on entendre à Week-End.

Sans entrer dans les détails, le Deputy Prime Minister, Paul Bérenger, lors des débats toujours à l’Assemblée nationale, mardi dernier, s’est permis le luxe d’un jeu de mots à ce sujet. «La Grande-Bretagne a finalement été obligée de reconnaître notre souveraineté. Une souveraineté que nous avons depuis 1965/1968 et ils ont offert enn ti kas. Anfin, inpe enn gro ti kas ! Enn ti kas ! Quoi? Parce qu’on est en difficulté, on va sauter dessus ?! Maintenant qu’ils ont reconnu notre souveraineté, nous trouverons d’autres moyens si les négociations n’aboutissent pas, parce que les négociations sont toujours en cours. Et nous avons besoin de cet argent pour sortir de l’economic mess dans lequel le gouvernement précédent nous a mis. Mais pas à n’importe quel prix! Pas à n’importe quelle condition», devait-il faire comprendre.

Sur le front diplomatique, la visite du Foreign Secretary de l’Inde, Vikram Misri, aura permis aux deux pays de procéder à une exercice de comparing notes sur les Chagos, dans la mesure où la Grande-Péninsule a également des vested interests dans la conclusion du Chagos Deal. De par un accord de défense pour contrer l’influence de la Chine dans cette partie de l’océan Indien, la marine militaire indienne est en mesure de bénéficier des facilités des installations logistiques à Diego Garcia.

Mais les communications officielles ne soufflent mot sur ce volet des échanges entre Navin Ramgoolam et Vikram Misri, qui regagne New Delhi aujourd’hui. N’empêche que le poids de l’Inde dans les négociations sur les Chagos et l’élaboration du Draft Politcal Agreement du 3 octobre est des plus prépondérantes, tout comme l’a été la visite de Dr Subrahmanyam Jaishankar, ministre des Affaires étrangères, les 16 et 17 juillet dernier, débouchant sur la rencontre en tête-à-tête du 25 juillet au No 10 Downing Street entre sir Keir Starmer et Pravind Jugnauth, débloquant le deadlock d’alors sur les Chagos.

Après la série de rencontres depuis la victoire du gouvernement de l’Alliance du Changement, et des missions de haut niveau du Royaume-Uni se succédant à Port-Louis, les informations parvenues à Week-End indiquent que le prochain round, probablement parmi les derniers, devrait se dérouler dans la capitale britannique au début de janvier 2025.

L’Attorney General. Gavin Glover, qui se trouve ces jours-ci à l’île de La Réunion pour les fêtes de fin d’année, devrait être de retour juste après Noël en vue de mettre au point un déplacement de première importance sur le dossier des Chagos à Londres. Il serait alors porteur d’un message spécial du Premier ministre à son homologue britannique.

À l’Hôtel du gouvernement, l’on se montre extrêmement prudent pour confirmer l’agenda, car la résistance diplomatique et politique contre le Chagos Deal au niveau de la Chambre des Communes ne fait que monter crescendo.

Dans cette perspective, en fin de semaine dernière, la Shadow Foreign Secretary du parti Conservateur, Dame Priti Patel, est revenue de force sur le contrôle de Dieg -Garcia avec la signature du traité sur les Chagos. Parlant de monumental failure of Statecraft, la Shadow Foreign Secretary avance «if the deal is so good, why has the government been so secretive about the details? Will we and the US still have full autonomy of operation? What safeguards will be in place to stop other countries, including China, from potentially trying to establish themselves on the base or near the military base on Diego Garcia?»

Face à ces préoccupations, la position du gouvernement britannique, défendue devant la Chambre des Communes et la House of Lords, est invariablement la même. D’abord, par rapport au commitment de Maurice, Baroness Chapman of Darlington, Parliamentary Under-Secretary of State, Foreign, Commonwealth and Development Office, a souligné, mercredi, que «we welcome yesterday’s reiteration by Prime Minister Ramgoolam of his willingness to conclude a deal with the UK. We are confident that the agreement is in both sides’ shared interests, and we will continue working with the new Mauritian Government to finalise the deal. Prime Minister Ramgoolam’s comments follow his commitment to completing the negotiations, following his election, in an exchange of letters with the Prime Minister.»

Poursuivant son intervention devant la House of Lords, elle affirmera, selon la version du Hansard, que «I am confident, however, that we have agreed a good and fair deal that is in both sides’ interests. It protects the base at proportionate cost; it has been supported across the national security architecture in the United States and by India for those very reasons. As I have said a number of times in this House, the treaty will contain clear commitments on robust security arrangements, including preventing the presence of foreign security forces on the outer islands and ensuring the base can continue to operate securely and effectively.»

De son côté, l’ultraconservateur, le leader du UK Reform Party, Nigel Farage, qui tente depuis le 3 octobre dernier de faire obstruction au Chagos Deal, continue de brandir le spectre de Donald Trump. De retour d’un séjour aux États-Unis, notamment au QG du prochain président américain, il a déclaré lors des échanges à la Chambre des Communes que « there is very deep disquiet amongst all of them as to what this may mean for the long-term future of Diego Garcia and whether such deal would hold, given the precedent of the deal break over Hong Kong», devait-il prévenir en prélude à l’ultime étape menant au traité anglo-américain avant le 20 janvier prochain…

 

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -