Dans le cadre des 55 ans d’indépendance de Maurice, cette semaine, pour notre rubrique itinérante dédiée à la diaspora mauricienne, nous débarquons à Melbourne en Australie. Nous allons à la rencontre d’un jeune couple qui a fait de sa passion pour la cuisine mauricienne sa mission. Girish et Simla Ramjuttun, fondateurs de l’enseigne La Case Mama, qui ne se présente plus, paraît-il, auprès des Mauriciens vivant en Australie, nous confient leur rêve de retourner au pays.
Avec un pied-à-terre à Maurice, leur mère patrie, La Case Mama pourra s’exporter dans les cuisines de Mauriciens du monde entier. Animés par ce premier amour qu’ils ont du mal à oublier, Girish et Simla Ramjuttun savent qu’ils ne sont pas les seuls… Rencontre.
« Alo ! Ki manier ? » nous lance Girish Ramjuttun dans un kreol mauricien immaculé. Malgré ses vingt années passées en Australie, le jeune entrepreneur n’a rien perdu de son accent mauricien.
Pour cause, il le cultive cet accent, par nostalgie, mais aussi par pur chauvinisme, car un Mauricien extraterritorial est fier d’être Mauricien, et cela s’entend. Simla Ramjuttun, son épouse, elle aussi d’origine mauricienne, nous rejoint pour notre entretien à des milliers de kilomètres d’ici. Assis l’un à côté de l’autre, le couple Ramjuttun nous raconte les débuts de La Case Mama, qui distribue aujourd’hui une centaine de produits mauriciens dans 80 points de vente en Australie, et qui depuis peu a même fait son apparition sur les étagères des supermarchés mauriciens.
« Nous faisons partie de la troisième vague d’immigrés mauriciens en Australie, majoritairement composés d’étudiants », nous dit d’emblée Girish Ramjuttun. Arrivé en 2002 pour ses études, il fera la rencontre de Simla quatre ans plus tard, à la fac. Depuis, ils ne se sont plus jamais quittés.
En effet, La Case Mama a commencé de manière fort sympathique. Girish Ramjuttun nous raconte que pendant la grossesse de son épouse, il se réveille un matin avec une forte envie de briani. Cette envie-là, nos lecteurs, qui ont déjà été à l’étranger pour quelque temps, ils la reconnaîtront… Poussé donc par cette envie viscérale de briani, il dévalise sa buanderie. Ô désespoir ! Il découvre que son précieux stock d’épices, soigneusement envoyé par sa mère, est épuisé.
« J’ai roulé 30 minutes pour aller en chercher dans une supérette qui n’en avait plus, et encore 1h30 pour arriver dans un deuxième qui n’en avait plus ! » se souvient Girish Ramjuttun. Dépité et affamé, il rentre se confier à Simla. « Nous nous sommes dit qu’on ne devait pas être les seuls à chercher ce genre de produits, d’autant que nous sommes près de 12 000 Mauriciens à Melbourne pour un total de près de 25 000 Mauriciens dans toute l’Australie. Et c’est ainsi qu’est née l’idée de créer l’enseigne La Case Mama. »
« La cuisine mauricienne est un élément unificateur »
En effet, depuis le début de cette rubrique, nous avons eu l’occasion de rencontrer des Mauriciens d’ailleurs, de grands amoureux qui « ont réussi leur vie », mais surtout de grands nostalgiques qui arpentent les rues et les souks à la recherche d’épices, de piments, de mines pour avoir ne serait-ce qu’un petit bout de leur île dans leur assiette. « La cuisine mauricienne est un élément unificateur, il n’y a pas de doute à ce sujet. Depuis que La Case Mama existe, nous en avons fait l’expérience ici. Rien ne peut égaler un bon briani ou une paire de dholl puri, surtout lorsque vous êtes loin de chez vous ! » dit Girish Ramjuttun.
Ainsi, de fil en aiguille, la petite entreprise familiale Lakaze Mama grandit. En 2012, les Ramjuttun distribuaient déjà plusieurs produits secs dans quelques points de vente australiens. « La demande était là. On avait créé, sans s’en rendre compte, un marché mauricien », dit Simla Ramjuttun qui, elle, a fait des études de finance.
Ce qui était jadis des produits que le père de Girish ramenait à bout de bras dans ses valises est aujourd’hui un warehouse, un restaurant, une marque. Très vite, après les épices et autres produits secs, La Case Mama se lance dans l’importation et la vente de produits congelés, dont les fameux dholl puri et les boulettes. Des produits qu’aucun étudiant mauricien ne rate avant de reprendre le chemin de l’aéroport après des vacances à Maurice. Puis, en 2015, lors d’un festival de musique en Australie, où les plats mauriciens se vendent à la vitesse grand V, le couple Ramjuttun réalise qu’il y a une demande pour des produits mauriciens « chaud chaud ». Ils décident alors d’ouvrir le restaurant La Case Mama, au marché de Dandenong en Australie, et y proposent des plats mauriciens préparés sur place !
La diaspora ambassadrice de la culture mauricienne
Par ailleurs, fort de leur succès en Australie, et toujours épris de leur île, le couple Ramjuttun décide d’ouvrir en 2019 une petite usine de dholl puri à Maurice, plus précisément à Curepipe. Malheureusement, avec le décès de la mère de Girish Ramjuttun la même année, les opérations ralentissent avant de reprendre en 2020. « Nous ne pouvions pas laisser tomber. C’est par amour pour la nourriture mauricienne, sortie des cuisines de nos mamans, que nous avions tout commencé », confie le jeune entrepreneur. Depuis les dholl puri et boulettes de la marque se vendent aussi à Maurice. « Nous avons voulu faire profiter cette facilité de manger des dholl puri sans se déplacer aux Mauriciens de Maurice aussi ! Et maintenant, nous voulons atteindre la diaspora mauricienne dans son ensemble. »
La prochaine étape est donc de s’installer à Maurice. « Nous avons l’expérience qu’il faut et surtout nous savons ce que cela signifie émotionnellement de manger mauricien quand on se retrouve seuls dans un pays étranger », explique Girish Ramjuttun.
Après tout, il n’y a rien de mieux que sa « La Case Mama », quand le cœur est triste… Il est ainsi persuadé que ce nouveau projet, mais surtout cette nouvelle mission, fonctionnera. « Nous avons pu faire flotter le drapeau mauricien en Australie. Les gens maintenant reconnaissent notre cuisine, comme ils reconnaîtront la cuisine indienne ou thaïlandaise, par exemple. Nous voulons maintenant rendre au pays ce qu’il nous a donné », ajoute Simla Ramjuttun.
« Nous la diaspora, sommes les ambassadeurs de notre île, nous ne devons pas l’oublier, et surtout nous devons continuer à la valoriser, à parler d’elle, à partager nos valeurs, notre culture, notre cuisine. D’ailleurs, je dis toujours que ma tête est ici, mais mon cœur, il est resté à Maurice. » En tout cas, le couple Ramjuttun ne rate pas une occasion pour faire l’éloge de leur île ou pour faire goûter les spécialités mauriciennes aux Australiens. Une success-story qui met du baume au cœur.
D’ailleurs, si vous avez vous aussi une histoire à nous raconter, contactez-nous à Week-End. On fera le voyage, volontiers.