FESTIVAL INTERNATIONAL: Le pays de la poésie a pour nom Trois Rivières

La poésie trouve dans la multiplicité des rythmes et la puissance du souffle l’énergie nécessaire au maintien de la parole malgré les menaces… dont celle du silence. Sedley Assonne s’acharne à faire entendre la musique de la langue depuis 1994. Cette année, il a participé au Festival International de Poésie au Québec et a découvert sa capitale, Trois Rivières. L’hommage que le poète rend aux auteurs qu’il a rencontrés et qu’il aime fait suite à la découverte d’un patrimoine culturel qu’Assonne partage avec nous dans le texte ci-dessous.
Trois Rivières ! Ce nom restera pour toujours ancré dans ma mémoire de poète. Car c’est en cette ville magique, poétiquement présidée comme par Gaston Bellemare, que la poésie s’est affirmée dans toute son essence à mes yeux. Dans cette ville, j’y ai rencontré 24 autres poètes, venus du Mexique, de la Russie, de la Nouvelle-Zélande, de l’Australie, d’Haïti, de la Belgique, de la France, de l’Italie, des États-Unis, d’Israël, de la Palestine, de la Colombie, de l’Argentine, du Brésil, des îles Shetland, de la république Dominicaine, du Japon et du Canada bien sûr.
Grâce à Trois Rivières, j’ai découvert que la poésie est toujours aussi vivace, quelle que soit la latitude. En Nouvelle-Zélande, pays du rugby, il y a des poètes ; au Mexique, malgré les sinistres trafiquants de drogue, la poésie est là ; et Ronny Someck, poète d’Israël, et Nathalie Handal, poétesse de la Palestine, ont démontré que ces deux pays pouvaient cohabiter poétiquement.
J’ai rencontré Pierre Demers, un poète québécois dont les poèmes ressemblent à des histoires de Stephen King, tellement ils sont ancrés dans la réalité de son pays. Comme autant de Tranchées saignantes de ce quotidien qui fout le camp dans des pays de partout. J’ai d’ailleurs ramené plein de livres, les plus beaux des cadeaux en fait, de ce périple Trifluvien. Écoutez ces titres, plus parlants que jamais : Lointain écho de la petite histoire, d’Olivier Labonté, Les Urbanishads de Serge Lamothe, littéralement le sosie d’Ennri Kums ! Confidences d’un rocher de Guylen Béland-Tessier, D’aussi loin que l’impossible de Sylvie Bouchard, Un corps de femme, tiède et doux… de José Luis Dominguez, Constat de beauté de Ronny Someck, et Khnkka c Kaptnhkamn, de la poétesse Olga Khokhlova, qui porte incidemment le même nom que la première femme de Picasso. Et dont la beauté est à couper le souffle !
J’ai rencontré Louis-Philippe D’Alembert, poète et romancier haïtien, Rodney Saint-Eloi, Haitien du Québec, Dimitry Legeza, poète mais aussi médecin à Saint-Petersbourg, Christine de Luca, une petite dame qui ressemble à un personnage des livres d’Agatha Christie, et écossaise jusqu’au bout des ongles !, Carlo Bordini, qui dénonce « le gouvernement criminel » de Silvio Berlusconi, un épicurien qui célèbre l’amitié, Marius Popescu, dont les textes à l’ironie mordante et l’humour dévastateur lui ont valu des applaudissements nourris partout où il s’est produit. Chauffeur d’autobus dans le civil, ce sympathique monsieur a connu l’enfer en Roumanie, alors dictature de l’Est, et s’épanouit finalement en Suisse.
J’ai aussi rencontré Nouréini Tidjani-Serpos, un poète du Bénin, ancien haut cadre de l’UNESCO, et qui connaît très bien notre Armoogum Parsuramen, « un bon garçon », aujourd’hui posté en Inde. Nouréini est venu dans notre île en deux fois, et il connaît plus que bien notre Edouard national. Et puis, il y a Rei Berroa, un virtuose des mots, de la République Dominicaine, dont l’enfant a le bonheur de connaître « une lune de laine ». Il y a également Serge Lamothe, poète et homme de spectacle, qui a notamment travaillé sur le récent Immortal Tour du Cirque du Soleil.
J’ai aussi vu qu’au Canada, et plus particulièrement au Québec, le gouvernement soutient à cent pour cent ses poètes et écrivains. Ils sont subventionnés pour l’édition de leurs livres. Ce qui fait le dynamisme de l’écrit canadien. Et aussi de l’édition. La maison d’édition Les Ecrits des Forges édite ainsi le récent prix Nobel de littérature, un poète suédois, traduit en français au Québec. C’est dire combien les Québécois pouvaient être fiers de leurs maisons d’édition à l’annonce de ce prix !
Quant à la ville de Trois Rivières, il y a des leçons à en tirer. Alors que chez nous des affiches criardes enlaidissent nos murs, là-bas, c’est la poésie qui est placardée sur les murs, au travers de plaquettes en vers. Dans la cour de l’hôtel de ville, l’équivalent d’une mairie chez nous, une corde à linge expose les poèmes des habitants et étudiants de la ville. De même, tous les commerces vivent pratiquement au rythme du festival, et où que l’on déambule, la poésie vous accueille. Vous voulez un exemple de l’implication de hautes personnalités dans le festival de poésie de Trois Rivières ? Lors du récital de Ronny Someck, poète israélien, à l’hôtel de ville de Trois Rivières, le consul israélien est venu présenter le poète, et a aussi dit un poème pour le public présent !
Je rêve d’un koz koze de la poésie dans notre île. Où j’aurais eu l’occasion d’inviter mes 24 amis poètes du monde entier. Et aussi Gaston Bellemare et Maryse Baribeau. Les poètes rêvent beaucoup et embellissent le monde avec leurs mots. Je ne doute pas que Trois Rivières viendra à moi, un jour.

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