Des habitants furieux ont jeté de la boue sur la famille royale espagnole et le Premier ministre dimanche, les obligeant à écourter leur visite dans la ville la plus touchée par les inondations qui ont fait plus de 200 morts.
La foule en colère de la ville de Paiporta a concentré sa colère sur le Premier ministre Pedro Sanchez et le chef de la région de Valence, tous deux rapidement évacués par les services de sécurité.
Le roi Felipe VI et la reine Letizia ont été touchés au visage et sur les vêtements par de la boue alors qu’ils tentaient de calmer la foule en colère, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Diffusées à la télévision espagnole, ces scènes extraordinaires soulignent la profondeur de la colère dans le pays face à la réponse apportée à la pire catastrophe naturelle du pays depuis des décennies, alors que le bilan ne cesse de s’alourdir et que les espoirs de retrouver des survivants s’amenuisent cinq jours plus tard.
Le roi et la reine sont arrivés juste après midi au centre de crise de Paiporta, épicentre d’une catastrophe que Sanchez a qualifiée de deuxième inondation la plus meurtrière d’Europe ce siècle.
Mais de nombreux gardes du corps ont rapidement été appelés pour se placer entre la famille royale, le reste de la délégation et la foule en colère, dont l’ire semblait principalement dirigée contre Sanchez et le chef de la région de Valence, Carlos Mazon, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Alors que Sanchez et les politiciens ont rapidement quitté les lieux, le roi et la reine ont passé une heure à tenter de calmer les esprits avant de partir à leur tour.
Plus tard, la télévision publique a annoncé que leur visite dans la région touchée par les inondations avait été suspendue.
Presque toutes les victimes des inondations sont originaires de la région de Valence, où l’agence météorologique espagnole a émis dimanche un nouvel avertissement de fortes pluies dans la région.
Jusqu’à 100 litres d’eau par mètre carré pourraient tomber par endroits dans la province de Castellon et dans la région entourant la ville de Valence, selon les prévisions de l’agence.
Elle a également lancé une alerte pour des pluies torrentielles pouvant provoquer des inondations dans la province méridionale d’Almeria, conseillant aux habitants de ne pas se déplacer sauf en cas de nécessité absolue.
- « Des villes ensevelies sous la boue » –
Depuis le torrent de pluie et de boue qui a emporté des véhicules et dévasté des villes et des infrastructures mardi, des milliers de services de sécurité et d’urgence ont travaillé d’arrache-pied pour déblayer les débris et la boue à la recherche de corps.
Les autorités ont été critiquées pour les systèmes d’alerte avant les inondations, et les habitants touchés se sont plaints de la lenteur de la réponse au désastre.
Mazon lui-même a été vivement critiqué pour avoir attendu mardi soir pour émettre une alerte téléphonique à Valence, malgré le fait que sa région était placée en alerte météo extrême depuis ce matin.
« Je suis conscient que la réponse n’est pas suffisante, il y a des problèmes et des pénuries graves… des villes ensevelies sous la boue, des gens désespérés à la recherche de leurs proches… nous devons nous améliorer », a déclaré Sanchez.
Alors que les torrents d’eau boueuse ont ravagé des villes et emporté des voitures, la priorité est de rétablir l’ordre et de distribuer de l’aide aux villes et villages détruits, dont certains sont coupés de l’alimentation en eau, en électricité et en nourriture depuis mardi.
Avec le déploiement par l’Espagne de 10 000 soldats, policiers et gardes civils supplémentaires dans la région de Valence, le pays réalise son plus grand déploiement de personnel militaire et de sécurité en temps de paix, a déclaré Sanchez.
« Merci aux gens qui sont venus nous aider, à tous, car de la part des autorités : rien », a déclaré une furieuse Estrella Caceres, 66 ans, à l’AFP dans la ville de Sedavi.
À Chiva, Danna Daniella a déclaré qu’elle nettoyait son restaurant depuis trois jours.
Elle a déclaré qu’elle était toujours sous le choc, hantée par le souvenir des personnes piégées par les eaux de crue déchaînées « qui demandaient de l’aide et qu’il n’y avait rien que nous puissions faire ».
« Cela vous rend fou. Vous cherchez des réponses et vous ne les trouvez pas. »
- « Des autoroutes comme du gruyère » –
Avec les réseaux téléphoniques et de transport gravement endommagés, il est difficile d’établir un chiffre précis des personnes disparues.
Le ministre des Transports, Oscar Puente, a déclaré au quotidien El Pais que certains endroits resteraient probablement inaccessibles par voie terrestre pendant des semaines.
Des citoyens ordinaires transportant de la nourriture, de l’eau et du matériel de nettoyage ont poursuivi leur initiative citoyenne pour aider à la reconstruction, bien que les autorités aient exhorté les gens à rester chez eux pour éviter la congestion.
Dimanche, le gouvernement valencien a limité à 2 000 le nombre de bénévoles autorisés à se rendre dans la banlieue sud de la ville et a restreint l’accès à 12 localités.
Malgré cela, des milliers de personnes sont descendues dans les rues du centre-ville de Valence pour se rendre à pied dans les communes voisines, munis de balais et de pelles pour aider les sinistrés.
Dimanche, le pape François a offert ses prières aux victimes de la catastrophe « qui souffrent tant ces jours-ci ».
L’orage qui a déclenché les inondations mardi s’est formé lorsque de l’air froid a traversé les eaux chaudes de la Méditerranée et est courant à cette période de l’année.
Mais les scientifiques mettent en garde que le changement climatique provoqué par l’activité humaine augmente la violence, la durée et la fréquence de ces événements météorologiques extrêmes.
Les services d’urgence ont porté le bilan à 217 morts dimanche.
On dénombre 213 morts dans la région de Valence, un en Andalousie dans le sud et trois en Castille-La Manche voisine de Valence, où le corps d’une femme de 60 ans a été découvert dimanche.
Les autorités ont averti que le bilan pourrait encore s’alourdir, alors que des véhicules piégés dans des tunnels et des parkings souterrains sont en cours de déblaiement.
Source : AFP