Neuf mois déjà que l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) a initié une enquête sous le Prevention of Corruption Act (POCA) pour faire la lumière sur le scandale du siècle. Tout semble indiquer que le recours au forceps sera plus que nécessaire en vue de soumettre au Directeur des Poursuites publiques, Me Satyajit Boolell, Senior Counsel, les conclusions du dossier MedPoint le mois prochain. Mais avant cette ultime étape, le bras de fer prévu entre l’ICAC et l’ancien vice-Premier ministre et ministre des Finances, Pravind Jugnauth, se jouera sur le terrain de l’Official Secrets Act. Le leader du MSM a annoncé que toute sa défense aux questions de l’ICAC, jeudi, s’articulera autour des délibérations et des documents de la réunion du Conseil des ministres du 16 juin de l’année dernière. D’autre part, il devient de plus en évident que l’ICAC pourra opter de tenir à l’écart la version des faits de l’« ultimate beneficiairy of the MedPoint tainted transaction »compte tenu des difficultés à surmonter pour réaliser cet objectif.
Avec le rendez-vous reporté au jeudi 22 de Pravind Jugnauth, l’ICAC semble s’acheminer vers la fin des séances d’interrogatoire Under Warning des principaux protagonistes dans le scandale MedPoint avec des dépenses de Rs 144,7 millions pas encore sanctionnées par l’Assemblée nationale. Même si au cours de la semaine, le directeur général de l’ICAC, Anil Kumar Ujoodha, s’est refusé à évoquer de date pour la fin de cette enquête, dans des milieux bien informés le mois d’octobre est donné comme l’échéance pour la conclusion de cette affaire.
Si jusqu’ici, l’inculpation provisoire de l’ancienne ministre de la Santé, Maya Hanoomanjee, dans l’affaire MedPoint, avait débouché sur la cassure de l’Alliance de l’Avenir, fragilisant du même coup la majorité parlementaire du Premier ministre, Navin Ramgoolam, les répercussions sur le plan politique du prochain rendez-vous de Pravind Jugnauth à l’ICAC, jeudi, font l’objet de conjectures privées, même si l’on évite soigneusement jusqu’ici d’inclure publiquement la présidence de la République dans tout scénario possible.
« En attendant les conclusions de l’interrogatoire de Pravind Jugnauth par l’ICAC, les différentes options restent ouvertes. Nos militants sont mobilisés et restent vigilants sur le terrain et en particulier pour la semaine prochaine », indique-t-on du côté du Sun Trust, où l’on affirme respecter scrupuleusement la démarcation avec la State House. Néanmoins, la direction générale du MSM se dit consciente de l’enjeu du jeudi 22 septembre, qui dépasse le cadre de l’affaire MedPoint, avec d’éventuels changements dans le paysage politique.
Lors d’un point de presse, hier, en fin de matinée, Pravind Jugnauth a levé un bout de voile de la stratégie qu’il compte adopter face aux questions des limiers de l’ICAC. Il compte engager la bataille sur le plan des dispositions contraignantes de l’Official Secrets Act pour assurer sa défense devant les délits allégués de conflits d’intérêts privilégiés par l’ICAC.
« Depuis jeudi, j’ai adressé une correspondance au secrétaire du Cabinet pour solliciter son autorisation en vue de pouvoir bénéficier des documents et des extraits des délibérations du Conseil des ministres, plus particulièrement de la 18e Cabinet Meeting, qui s’était déroulée le 18 juin de l’année dernière. Ces informations sont cruciales pour ma défense, qui sera axée sur ces matériels et décisions. Elles sont très révélatrices », a soutenu le leader du MSM, qui s’attend à être en présence de la réponse officielle du gouvernement avant jeudi prochain.
« Je m’attends à voir le gouvernement, en particulier le Premier ministre, respecter mes droits constitutionnels. L’ICAC m’a convoqué pour être entendu Under Warning. L’ICAC m’a également fait comprendre que la question de conflits d’intérêts pourrait surgir. Les preuves pour étayer ma défense existent au niveau du Cabinet. Je ne fait que réclamer que mes droits constitutionnels en tant que citoyen soient respectés. J’attends de prendre connaissance de la réponse officielle », a poursuivi Pravind Jugnuath.
« J’espère que le Premier ministre aura l’élégance de me répondre avant le 22. J’espère également qu’il respectera mes droits constitutionnels au-delà des impératifs de l’Official Secrets Act« , a ajouté l’ancien vice-Premier ministre et ministre des Finances, qui n’a pas voulu s’étendre sur les détails de conflit d’intérêts qui lui sont reprochés en vue de ne pas commettre d’outrage sous l’Official Secrets Act, ou encore sur tout autre recours en cas de refus du gouvernement. Mais d’autres sources avancent que le dossier d’appel d’offres, avec les quatre cotations, dont celle de MedPoint, et la possibilité de faire l’acquisition d’une clinique médicalement équipée pour le projet de National Geriatric Hospital étaient à l’agenda des délibérations du Conseil des ministres du 16 juin 2010. Lorsque ce dossier fut évoqué, Pravind Jugnauth s’était retiré de la salle de délibérations.
Les recoupements d’informations effectués par Week-End auprès des sources ministérielles avisées indiquent que le « Cabinet Manual » comprend les paramètres en vue d’entretenir des requêtes comme celle fomulée par Pravind Jugnauth. « Une telle demande d’accès ou de divulgation d’informations portant le sceau du secret du Conseil des ministres doit être portée devant le Cabinet. Seule cette dernière instance détient la prérogative de lever le sceau du secret et ce n’est même pas une Cour de justice, qui peut intervenir et trancher », font ressortir des spécialistes de la question confirmant que la balle demeure dans le camp du Premier ministre.
D’ailleurs, dès le début de l’enquête sur le scandale MedPoint, le Legal Advice tendered by the State Law Office est des plus explicites : pas question de déroger aux dispositions de l’Official Secrets Act. La question avait été soulevée suite à des démarches initiées par l’ICAC pour verser des documents du Conseil des ministres dans le dossier à charge. Un autre obstacle légal à surmonter est que le Conseil des ministres ne tombe pas sous le Prevention of Corruptionn Act vu que cette instance ne fait pas partie de la liste de Body Corporate formulée par le législateur et avalisée par l’Assemblée nationale en février 2002 ou après.
Avec ou sans « Cabinet Memo » de la réunion du 16 juin 2010, Pravind Jugnauth pourrait être entendu sur un point qualifié d’extrêmement délicat dans le dossier du projet de National Geriatric Hospital. L’ICAC compte confronter l’ancien vice-Premier ministre et ministre des Finances à sa signature sous l’expression Approved en date du 23 décembre 2010 en vue de l’émission du Departmental Warrant en faveur du ministère de la Santé pour le paiement des Rs 144,7 millions lors du rachat de la clinique MedPoint.
Les explications de Pravind Jugnauth au sujet de cette signature ministérielle dans le dossier confidentiel du ministère des Finances « at this late hour » s’avèrent être cruciales quant à la décision (inculpation provisoire ou pas) que pourrait entériner l’ICAC à son égard. Jusqu’ici, le secrétaire financier, Ali Michael Mansoor, le directeur au Budget, Patrick Yip et le Senior Management and Financial Analyst, Chanlokumar Ramchurn, ont été longuement entendus au sujet des échanges dans le dossier MedPoint, aussi bien que du Doctored Minute Sheet (procès-verbal trafiqué).
Lors de son point de presse d’hier, Pravind Jugnauth s’est gardé de dire s’il refusera de payer la caution au cas où l’ICAC décide de loger une inculpation provisoire contre lui en Cour de troisième instance de Port-Louis. « Nou a guetté. Dépandan dévelopma, nou ava pran désisyon ki bizin », a-t-il déclaré à une question de la presse.
Toujours en ce qui concerne le scandale MedPoint, Pravind Jugnauth est revenu sur des questions adressées au ministre Rajesh Jeetah, au Premier ministre adjoint Rashid Beebeejaun et au Premier ministre. « Malpropté kapav kuver. Loder pou vini et li santi mari pi ! « , devait-il soutenir en soulignant que les principaux concernés ne font qu’esquiver ces questions.
« J’ai demandé au Premier ministre trois questions, à savoir qui est intervenu pour réclamer une deuxième évaluation de la clinique MedPoint? Qui a pris la décision de favoriser la clinique MedPoint du Dr Malhotra et comment avait-il su que Paul Bérenger avait cité le nom de Shawkutally Soodhun à l’ICAC. Je n’ai pas eu de réponses à ces questions ou bien li ine gagn trou de memwar kuma Bissessur », s’est-il appesanti.
Au Premier ministre adjoint, Pravind Jugnauth veut obtenir confirmation que Rashid Beebeejaun était présent aux discussions du Conseil des ministres du 16 juin 2010 et s’il avait signé une résolution au nom de la société MedInvest, actionnaire de MedPoint en vue de mettre un terme aux activités de la clinique en prévision de la vente.
Au ministre Jeetah, Pravind Jugnuath veut obtenir confirmation si lors d’une réunion au ministère de la Santé le 4 janvier 2010, il aurait indiqué qu’une « private clinic still in operation in the region of Phoenix » avait été identifiée pour le projet du ministère, s’il avait donné subséquemment des instructions pour une site visit de la clinique MedPoint par des médecins et administrateurs du ministère, ou encore si le Dr Gopee, présenté comme « un proche du Premier ministre », avait présenté la clinique MedPoint comme la « preferred option ». Egalement sur des spécifications contenues dans l’appel d’offres lancé avant les dernières élections générales, pour soutenir ses dires quant à un « tailor-made bid » en faveur de MedPoint sans oublier la polémique sur l’Unsollicited Bid de Malhotra.
Le leader du MSM a également dénoncé les tergiversations de l’ICAC par rapport à sa convocation et le traitement qui lui est réservé comparativement à celui à Rashid Beebeejaun et à Rajesh Jeetah. « Mo pa per. Ine kalkilé pu intimid mwa. Mo éna pou dire bann zafer pu ékler lanterne l’ICAC. Bagasse fer élektrisité pu ékler lampoule l’ICAC », devait-il faire comprendre en guise de conclusion au chapitre de la séance d’interrogatoire de jeudi.
« SCANDALE DU SIÈCLE » — MedPoint : L’ICAC au forceps !
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