- Gaëtan Souavé, 50 ans, aussi connu sous le nom de Ti-Démon, agressé mortellement par les frères Leung To Chun, âgés respectivement de 68 et de 66 ans lors d’une tentative de cambriolage dans la nuit de jeudi à vendredi
- Annie, la mère de la victime, le jour de ses 83 ans : « Guette ki kado mon gagné pou mo laniverser »
Une tentative de cambriolage au Restaurant Marlen à Sainte-Croix dans la nuit de jeudi à vendredi a tourné au drame. Un habitant de la région, Gaëtan Souavé, âgé de 50 ans, alias Ti-Démon, a été agressé mortellement par les gérants de ce restaurant, les frères Leung To Chung, soit Leung Sen, aussi connu sous le nom de Marlen, âgé de 68 ans, et Fook Seng, aussi connu sous le nom de Baba, âgé de 66 ans. Ces derniers, qui ont été interpellés par la CID de la Metropolitan Northern Division, menée par le surintendant de police Shyam Bansoodeb, plaident la légitime défense. Le suspect Marlen a été placé en détention provisoire, après son interrogatoire au poste de police d’Abercrombie, et sa comparution devant le tribunal de Port-Louis sous une charge provisoire de meurtre. Son frère Baba a été admis à l’hôpital Jeetoo sous stricte surveillance de la police. L’autopsie pratiquée par le Principal Police Medical Officer, le Dr Maxwell Monvoisin, a attribué le décès de Patrick Souavé à un « shock due to facial and cranial injuries. »
A ce stade de l’enquête, les avocats des deux suspects, dont Me Neelkant Dulloo, ont pris la décision de laisser les enquêteurs de la CID de Port-Louis Nord compléter les procédures préliminaires d’enquête avant de loger une demande de remise en liberté provisoire devant le tribunal. « Toutes les indications sont que nous sommes en face d’un cas de légitime défense suite à une tentative de cambriolage. La police doit procéder à toutes les vérifications sur les lieux du crime et les détails de la version des deux frères. Ensuite, nous aviserons de la marche à suivre », a déclaré à Week-End Me Dulloo.
Du côté de la famille de Patrick Souavé, l’on suit de près l’évolution de l’enquête de la police et l’on affirme vouloir attendre des éclaircissements sur le déroulement de ce drame tout en regrettant cet excès de violence physique et gratuite sur la victime, surprise dans l’enceinte du Restaurant Marlen succombant à ses graves blessures lors de son admission à l’hôpital Jeetoo dans la matinée de vendredi, soit vers les 7 h 30. Le plus à plaindre est la mère de Patrick Souave. Ce vendredi 12, Annie Souave célébrait ses 83 ans. La dernière fois qu’elle avait vu son fils vivant, c’était jeudi soir. Elle n’avait pas raté de rappeler à Ti-Démon, alors qu’il s’apprêtait à sortir : « Gaëtan, mo laniverser demain ».
Annie, qui reste encore inconsolable, se rappelle la réaction de son fils à ce moment précis. « Nu va prepar ene szafer pu twa », avait-il déclaré. Et à la mère d’ajouter : « Guette ki kado mon gagné pou mo laniverser », alors que des proches tentaient de la consoler en vain. Elle ajoutera avec des larmes aux yeux que « li ti promet moi ki li pou repran so travail maçon couma letan retourne normal. Zordi li kit moi li allé pou de bon ». Les proches ne cachent pas leur colère devant cette violence inouïe, tandis que des témoignages avancent qu’aux petites heures du matin des cris de détresse, notamment : « Pyo ! Pa bat mwa ! Pa pil lor mo vant », avaient été entendus.
« Nous voulons savoir »
En marge de l’enquête confiée au SP Bansoodeb et à ses hommes, tout ce que les proches veulent, c’est connaître la vérité et les circonstances dans lesquelles Gaëtan Souavé a trouvé la mort. Ils contestent la version des faits des frères Leung To Chun quant au caractère violent de Gaëtan Souave. «Gaëtan se droguait et il était un voleur. C’est bien vrai. Ce n’était pas un secret pour ceux qui le côtoyaient. Mais une chose est sûre. Il n’avait jamais montré de signes d’agressivité envers nous. Jamais. Nous voulons savoir », ne cessent de répéter ceux qui sont affligés par la disparition brutale d’un des leurs.
« Nous voulons savoir si Gaëtan était en possession d’une arme quelconque, si oui, de quel type ? Etait-il seul ou était-il accompagné pour commettre ce vol », rajoute V. une proche de la victime. « On aimerait bien avoir toutes ces réponses », insiste-t-elle. Une autre proche, qui connaît la victime et qui avait participé à la fête la semaine dernière à l’occasion de ses 50 ans, rétorque que les deux frères n’auraient pas dû se faire justice eux-mêmes. Ils auraient dû le livrer à la police : « Pou ki li paye so santans. Pa ti bizin bate li ziska touye li. » « On va suivre de très près l’évolution de l’enquête », soutiennent-ils, convaincus que les propriétaires du Restaurant Marlen auraient dépassé la limite.
Interrogé par les limiers du CID (Port-Louis Nord) sous la supervision du surintendant de police Shaym Bansoodeb, Leung Sen, plus connu comme Marlen, a reconstitué le film des événements dans la nuit de jeudi à vendredi. Il a fait ressortir que son frère Baba était rentré tard dans la nuit après avoir visité son épouse, qui a été admise à l’hôpital. Il avait suivi la retransmission d’un match de football à la télévision.
« Sinon li ti pou touye nou »
A un certain moment, vers 2h du matin, Baba s’est réveillé en soutenant avoir entendu des bruits suspects au rez-de-chaussée. De son côté, Marlen affirme n’avoir pas fait grand cas de ces bruits. Mais Baba, voulant avoir le coeur net, est descendu muni d’une torche. Dans sa version préliminaire, consignée par la police sur son lit d’hôpital, Baba maintient : « Mo senti kuma dir ena en dimoune en bas. Mo ine rode avek mo tors. »
Puis Baba s’est retrouvé presque nez à nez avec l’intrus. Avec les cris d’alarme, « voler ! voler », Marlen n’a eu choix que de sauter hors du lit pour aller prêter main-forte à son frère. Il parviendra à maîtrtiser l’intrus de l’arrière. Selon la version de Marlen, le voleur ne devait pas pour autant s’avouer vaincu. « Li litté ar nou. Li ine menas pou touye. Li kryé larg mwa sinon mo pou touye zotte », dira-t-il en s’appesantissant qu’ils avaient agi en légitime défense dans ce cas de cambriolage. « Sinon li ti pou touye nou », dit-il.
Quand Gaëtan Souavé a voulu prendre la fuite, il n’a pu le faire, car il s’est écroulé dans une mare de sang après avoir fait quelques pas. Peu après, la police d’Abercrombie fut avertie par les gérants du restaurant d’un cas de cambriolage et une fois sur place, a transporter le cambrioleur agressé à l’hôpital où il devait rendre l’âme.
Sur les lieux du crime, la police a récupéré des pièces à conviction pour les besoins d’enquête, dont une barre de fer, qui était en possession de Patrick Souave, un sac, une serpillière avec des taches de sang, de même que les vêtements des deux frères Leung To Chun à des fins d’analyses. Baba a été admis à l’hôpital Jeetoo en vue de soigner des blessures qu’ils auraient essuyées lors de la lutte avec la victime. Il sera interrogé dès qu’il quittera son lit l’hôpital.
L’enquête policière se poursuit en vue de déterminer si la thèse de légitime défense tient la route…