Les derniers ajustements du Special Witness, au nom de code George, avec sa déposition en date du 18 décembre et ses huit kilos de ciment, intriguent toujours
Contacts de la dernière chance cette semaine pour le témoin George après l’épisode du ciment présenté comme de l’héroïne d’une valeur marchande de Rs 200M
Qui est la dénommée Queency, opérant à partir de la Grande île, dans un réseau ayant pour nom de code UNITER, avec des connexions avec un trafiquant purgeant une longue peine à la prison et aspirant à prendre la place de Peroumal Veeren en tant que parrain des parrains
Le patron de Gloria Fast Food, Dade Azaree, devra compléter ses explications devant la commission, avec également au programme en ce début d’année Me Rex Stephen et ses d’honoraires de Rs 1,5 M sur des instructions de Peroumal Veeren
Navind Kistnah, le Star Witness-in-Waiting dans l’enquête sur la triple saisie d’héroïne de 157 kg d’une valeur de Rs 2,5 milliards, interrogé de nouveau cette semaine
En ce début d’année et après plus de 25 mois d’auditions, la commission d’enquête sur la drogue aborde la dernière ligne droite. En effet, avec le président de la commission d’enquête, l’ancien juge de la Cour suprême Paul Lam Shang Leen, s’évertuant à respecter le calendrier revu et corrigé pour la soumission des recommandations officielles à la présidente de la République, Ameenah Gurib-Fakim, au plus tard en mars prochain, soit autour du 50e anniversaire de l’indépendance, la reprise des auditions de cette semaine marquera l’ultime étape. Toutefois, ces prochaines semaines continueront à être monopolisées par les ajustements du Special Witness de la commission, au nom de code George, surtout avec le sinistre épisode du colis contenant soi-disant huit kilos d’héroïne pour une valeur marchande de Rs 200 millions, alors que selon les conclusions des analyses du Forensic Science Laboratory cette substance n’est que du ciment. En tout cas, un argument en béton pour ceux qui veulent remettre en cause la crédibilité du Témwin Sok Samachar et démonétiser les travaux de la commission d’enquête sur la drogue, qui veut franchir le simple cap de name and shame. En marge des prochaines auditions, l’ancien juge de la Cour suprême abordera l’étape de la validation des différents chapitres et propositions, avec ses deux plus proches collaborateurs, l’ancien ministre Sam Lauthan et le directeur aux Services de la Santé, le Dr Ravind Domun. Néanmoins, en ce début d’année, il y a l’énigme de ce Special Witness qui a été entendu à deux reprises par la commission, dont la première à huis clos à la mi-octobre et la seconde le lundi 18 décembre dernier, avec des directives du président de la commission pour un black-out médiatique de la teneur de cette déposition autour du colis des Rs 200 millions d’héroïne, le temps de permettre à l’Anti-Drug and Smuggling Unit (ADSU) d’initier des enquêtes et de procéder à des arrestations. Le dénouement de la dernière séance a été, contre toute attente, du ciment découvert à la place de l’héroïne. Jusqu’ici, la commission Lam Shang Leen, qui a déjà été informée de ce contretemps, n’a pas encore réagi officiellement. Mais tôt ou tard, le dénommé George, présenté comme The Man from Inside (de la mafia), devra être sermonné par la commission pour ce « coup raté » pour ne pas dire ce « coup monté. »
Tout indique qu’une nouvelle convocation du Special Witness ne devrait pas intervenir dans l’immédiat, à moins d’une urgence. Avec la reprise des séances publiques de cette semaine, la commission d’enquête prévoit de compléter les explications du patron de Gloria Fast Food, Dade Azaree, qui est en détention provisoire suite à son arrestation par l’ADSU. Cet homme d’affaires, qui avait déjà été interpellé par l’Independent Commission against Corruption (ICAC) dans des enquêtes de blanchiment, a été dénoncé formellement par le constable Basanta-Reddi, affecté au Passport and Immigration Office, dans des cas d’importation de 1,2 kilo d’héroïne de Madagascar. Son audition devra être une formalité en vue de ne pas porter atteinte à l’intégrité de l’enquête de l’ADSU. Cette étape devra être bouclée en début de semaine.
Très probablement, pour les auditions subséquentes, la commission d’enquête sur la drogue devra rouvrir le chapitre des VVIP, notamment celui des Senior Members at the Bar. Au moins deux, soit Me Rex Stephen et Me Kailash Triliochun, sont donnés comme banker pour des auditions avant la fermeture de la commission. Dans le cas de Me Stephen, l’ancien juge pourrait s’intéresser à la connexion de cet homme de loi et le dénommé Peroumal Veeren, qui purge une peine d’une trentaine d’années pour des délits de trafic de drogue. La question qui se pose dans la conjoncture porte sur la marge de manœuvre de la commission pour aborder le volet des legal fees de Rs 1,5 million versés au clerc des Chambers dirigées par Me Stephen au nom de Peroumal Veeren.
Il y a déjà huit mois que l’ICAC s’est saisie de cette affaire, avec des délits potentiels sous les dispositions de la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act. Depuis le 5 mai de l’année dernière, sous des directives de l’Office of the Director of Public Prosecutions, relayées par les Police Headquarters des Casernes centrales, l’inculpation provisoire préconisée par l’ICAC contre Me Stephen, qui a retenu les services de Me Gavin Glover, Senior Counsel, n’a pu être mise à exécution. En effet, la condition préalable avant de loger des accusations demeure la confirmation que ces Rs 1,5 million sont « tainted » au terme de loi. Cet élément dans le dossier à charge devrait compter à l’item du weightage of evidence au cas où le procès est instruit formellement devant les instances judiciaires compétentes contre Me Stephen.
Énigme
À ce jour, les limiers de l’ICAC ont déjà entendu tous les membres de la famille et de l’entourage de Peroumal Veeren au sujet de ce versement de frais honoraires pour des procès à venir. Mais aucun d’entre eux n’a été en mesure de révéler la moindre indication au sujet de la provenance de cette importante somme d’argent en liquide, en infraction à la loi portant sur la limitation of cash. Quasiment le même délit reproché à l’ancien Premier ministre, Navin Ramgoolam, dans l’affaire des Rs 220 millions. Sauf que le montant est différent.
L’énigme à résoudre dans le cas de Me Rex Stephen, soit le dossier portant le matricule FIR 343/17 à l’ICAC, est de confirmer l’identité de la personne qui a remis ces Rs 1,5 million au clerc Nawaz des Astor Chambers. Les faits établis sont que ce Legal Clerk a accusé réception de ces Rs 1,5 million, montant qui a été remis à Me Stephen, avec une somme de Rs 748 500, dont des coupures de Rs 1 000 et de Rs 500 saisies lors d’une perquisition de l’ICAC dans une armoire à l’étude de l’homme de loi, avec la clé de ce meuble dans la poche de Me Stephen. Les dernières informations glanées de sources concordantes indiquent qu’une conspiration du silence s’y est installée. D’ailleurs, le dénommé Nawaz n’est pas parvenu à ce stade à identifier l’intermédiaire qui est venu déposer les Rs 1,5 million à l’étude de Me Stephen.
L’une des dernières pistes à être explorées par l’ICAC en vue d’établir les tenants et aboutissants de ce réseau demeure les appels téléphoniques. Avec des Judge’s Orders en bonne et due forme, les hommes du commissaire Navin Beekarry ont passé au peigne fin les appels téléphoniques pertinents à cette transaction louche et en vue de déterminer « ki sene la ine donne sa kas-la » ou encore « kot sa Rs 1,5 M là sorti. » Mais cet exercice a donné très peu de résultats probants. Dans la majorité des cas, les appels émanaient de téléphones cellulaires avec des cartes SIM émises au nom de ressortissants du Bangladesh en poste à Maurice. Dans d’autres enquêtes sur le trafic de drogue, ctte séquence avec des cartes SIM au nom des Bangladais venus à Maurice est signalée. Une astuce pour couvrir les cerveaux.
De ce fait, le volet de l’enquête de l’ICAC sur les tainted monies saisies au bureau de Me Stephen constitue un handicap quasi insurmontable, même si dans l’immédiat le Legal Clerk Nawaz ne devrait pas échapper à des poursuites au pénal vu son rôle de pivot dans cette remise de fonds et ses aveux à l’ICAC au démarrage de cette enquête en mai de l’année dernière. Dans cette perspective, le prochain passage de Me Stephen devant la commission Lam Shang Leen pourrait se résumer à un coup d’épée dans l’eau car la problématique des tainted monies est encore entière.
Rencontre de la dernière chance
Mais le cas de Me Stephen n’est pas la préoccupation majeure de la commission Lam Shang Leen dans la conjoncture. Le casse-tête à régler est ce qu’il adviendra du témoignage en deux volets du dénommé George, auquel la commission s’apprêtait à accorder la protection de Special Witness. Le sac à dos contenant soi-disant Rs 200 millions d’héroïne est venu porter un coup dur à ce témoin, qui avait déjà communiqué des informations au sujet du modus operandi de ce réseau de drogue opérant dans cette partie de l’océan Indien, avec Madagascar comme maillon fort. Le président de la commission d’enquête et ses deux assesseurs tentent de comprendre ce qui aurait pu se passer avec ce colis d’héroïne. « Sur le marché, valeur actuelle, cette cargaison d’héroïne vaut Rs 200 M. Elle ne sera pas vendue par dose mais par gramme. Eh oui, elle est très pure », avait déclaré avec une assurance déconcertante ce témoin suite à une question de Sam Lauthan en fin de séance du 18 décembre. Pourtant, en ce début d’année, le rapport d’analyse du Forensic Science Laboratory à la demande de l’ADSU a conclu le contraire.
L’explication première avancée par le principal concerné attend encore de convaincre les membres de la commission d’enquête, en particulier l’ancien juge de la Cour suprême. Même si la commission d’enquête laisse une porte ouverte à l’effet que le Témwin Sok Samachar aurait pu être piégé par les cerveaux de la mafia, qui avait tout à gagner à discréditer The Man from Inside, devenu trop bavard entre-temps. En contrepartie, la commission d’enquête a entrepris de vérifier des informations au sujet du train de dépenses du dénommé George entre la fin de l’année dernière et le Nouvel An. Il semblerait qu’il aurait réveillonné en compagnie d’autres membres de son entourage dans des établissements hôteliers de renom et qu’il envisageait d’entreprendre des déplacements à l’étranger dans les premiers jours de 2018.
À cet effet, une rencontre de la dernière chance pour des explications sur ces ajustements du principal concerné est annoncée dans les prochains jours en vue de décider s’il y a lieu de lui accorder le bénéfice du doute dans cette affaire d’héroïne au ciment. Dépendant des retombées de cette rencontre, il n’est pas exclu que le dénommé George soit convoqué formellement pour « un savon royal » pour cette tentative délibérée ou non de mener la commission en bateau ou de se servir de cette plateforme pour des règlements de compte entre gangs ennemis au sein de la mafia. La mise à l’écart du témoignage de George équivaudrait au fait que le mystère de l’identité de la femme derrière le prête-nom Queency restera entier. Les recoupements veulent accréditer la thèse que Queency serait cette Mauricienne recherchée par la police depuis octobre 1995 dans une importante affaire de drogue.
Lors de la déposition à huis clos du 11 octobre dernier devant la commission d’enquête, le Special Witness avait communiqué des inside informations accablantes, avec photos des protagonistes à l’appui, sur un réseau de trafiquants de drogue à Maurice et à Madagsacar avec pour nom de code UNITER, dont ferait partie la dénommée Queency, avec pour partenaire à Maurice, Curly Chowrimootoo, alias Ti-Nana, actuellement en prison, et ambitionnant de remplacer Peroumal Veeren. Des copies de messages WhatsApp des plus clairs quant aux dealings exécutés sont en possession de ce témoin devenu quelque peu encombrant. Dans l’un des messages, la dénommée Queency souligne « pena problem pour Kall li k fr koner mais Nana ine dire fauder pna erreur.» Ou encore des informations au sujet des paiements exigés par un autre partenaire « 700k to kiter jordi » et en retour son interlocuteur lui rappelant dans la seconde qui suit que « Micky ine kit nek ti billet si ok mo sent tout de suite. » L’affaire avait été conclue avec le message suivant : « saufer pur prend li après contak moi. »
Crédibilité
Pour sa part, dans ces mêmes échanges WhatsApp ce jour-là, la dénommée Queency avait laissé percevoir son extrême nervosité en écrivant « apres dire ban ramasse kass lah vite vite akoz nous bizin nous ozi.» Comme pour calmer Queency, celui à qui revenait la responsabilité de la coordination du réseau UNITER devait se montrer rassurant à son égard avec le message qui suit : « Ine Dja sent pou changer pour ou ena 3000 euro en billet 2000 30 000 rands en billet 200 et 5000 $ mix. » La présence d’une VVIP politique, qui peut prétendre également être Zanfan Lakaz, au même titre que Geeanchand Dewdanee, au sein de ce groupe UNITER, risque de ne pas être dévoilée avec la marginalisation du témoignage de George devant la commission.
D’ailleurs, lors de sa déposition à visage découvert devant la commission d’enquête le lundi 18 décembre, le témoin avait confirmé la provenance de la cargaison de drogue. « Madagascar. La personne dont je vous ai communiqué le nom l’autre fois fait le nécessaire chaque 15 ou 20 jours. Ce sont des transactions à hauteur de millions dont je vous parle. Ce que je vous ai montré là, c’est trois fois rien en comparaison », avait-il déclaré, en ajoutant que « comme je vous l’ai dit, j’ai le petit nom de cette personne Son nom de code. Je n’ai pas son nom de famille. »
L’opération du 17 décembre à FUEL, avec la remise de ce colis d’héroïne de Rs 200 millions, devait s’inscrire dans la stratégie visant à consolider la crédibilité de ce Special Witness en prélude au déclenchement de l’opération de démantèlement du réseau UNITER à Maurice et dans la Grande île. Avec les huit kilos de ciment au lieu des Rs 200 millions d’héroïne dans le sac à dos, les données ont changé du tout au tout, l’ancien juge Lam Shang Leen ayant à décider si le volet du Témwin Sok Samachar fera partie ou non du unfinished business du rapport de la commission d’enquête, avec le disbanding de l’ADSU recommandé et son remplacement par une autre unité vu que la Dangerous Drugs Act n’est nullement la propriété exclusive de ce département de la police du commissaire Karl Mario Nobin.
En tout cas, cet épisode y va non seulement dans le sens de la crédibilité du dénommé George mais également, et surtout, de celle du rapport en voie de rédaction.
Scepticisme au sujet des suites de la commission
Si Ally Lazer ne cache pas son scepticisme et dit ne pas se faire d’illusions, il salue toutefois le travail de la commission d’enquête sur la drogue. « Mais quand je vois quel traitement les recommandations de sir Maurice Rault avaient reçu dans le sillage de la première commission d’enquête, je me demande ce qu’il adviendra du rapport que Lam Shang Leen présentera à la présidente de la République », nuance-t-il, avant de poursuivre : « Une des recommandations de la Commission Rault avait été que le patron de l’ADSU de l’époque, Harish Mungroosingh, trouvé coupable entre autres de toucher des pots-de-vin de Rs 25 000 par mois des barons de la mort de Plaine Verte, soit mis derrière les barreaux pour au moins 20 ans et que ses richesses mal acquises soient saisies. Et il n’en a rien été en réalité ! Donc, comprenez que je sois moins excité que tout le monde parce que je pense que la Commission Lam Shang Leen va certainement venir avec des éléments importants. Mais qu’adviendra-t-il de ses recommandations ? Vont-elles finir au fond d’un tiroir ou seront-elles détournées ? Seront-elles mises en application afin de prouver qu’il y a une véritable volonté d’en finir avec le trafic ? »
Même son de cloche de la part d’Imran Dhanoo, Cadress Rungen et Danny Philippe. Les trois hommes sont d’avis que « les trouvailles de la Commission Lam Shang Leen sont trop importantes pour qu’elles soient reléguées au second plan. » Et de conclure : « Ce serait donner un sérieux coup de pouce à la lutte contre la drogue que de les respecter et les mettre en application. »