Au-delà des commentaires frisant la complaisance au chapitre du taux de croissance économique, de la sempiternelle problématique du vieillissement de la population et de l’absence de volonté de réforme, les dernières conclusions des Article IV Consultations du Fonds monétaire international (FMI) mettent l’accent sur des risques majeurs à l’économie. En marge des huit zones d’ombre majeures, la mission dirigée par Amadou Sy en août dernier s’attarde sur les dangers qui guettent le Global Business Sector, en dépit du satisfecit enregistré dans le secteur en cours de semaine, Maurice étant épargnée d’une relégation dans la liste noire de l’Union européenne de non-compliant jurisdictions pour se retrouver sur la liste grise. Dans le document de 64 pages intitulé Mauritius — Staff Report for the 2017 Article IV Consultation en date du 7 novembre, le FMI met en garde contre des risques de répercussions sur la balance des paiements si l’incertitude planant sur le Global Business Sector n’est pas gérée de manière appropriée vu les pressions intenses qui ne font que s’accentuer avec les International Anti-Tax Avoidance Initiatives. Toujours en ce qui concerne le secteur fi nancier, la dernière analyse du FMI devrait ramener la Banque de Maurice à la réalité. D’abord, presque un carton rouge est servi à la Banque centrale vu que la gestion de la politique monétaire semble très éloignée de l’international best practice. Le FMI est également inquiet du déparage des excès de liquidités et des effets de ce phénomène sur l’économie. L’évolution de la dette publique présente des « major fi scal shocks and increase in public sector vulnerabilities. » Si le FMI prévoit un taux de croissance de 3,9% cette année et un 4% sur le moyen terme, il recommande que l’Exchange Rate Support Scheme, soit la subvention sur le taux de change du dollar américain pour doper les exportations, soit éliminé au plus tard le 20 novembre 2018.
Le chapitre consacré au Global Business Sector sous le titre Implication of International Tax Transparency and Anti-Tax Avoidance Initiatives for Mauritius représente plus qu’un avertissement aux autorités mauriciennes à l’effet que plus rien ne pourrait être comme avant. D’emblée, la mission Amadou Sy affirme qu’un nouveau business model s’impose pour l’offshore devant la levée de boucliers des promoteurs internationaux d’Anti-Tax Avoidance Initiatives. Dans la conjoncture, le mood demeure que « the vibrant Global Business Sector faces pressure from international tax-avoidance initiatives. A significant decline of GBC activity stemming from un favourable changes to the tax framework would pose risks to external and financial stability. »
Et pour cause, le poids du Global Business Sector au sein de l’économie est non négligeable. Les derniers détails du balance sheet data des Global Business Companies indique qu’à la fin de 2015, ces sociétés opérant dans le secteur offshore disposent d’assets pour un montant de $ 594 milliards, soit 50 fois le Produit intérieur brut (PIB) de Maurice. Ce pilier économique contribue 6% au PIB chaque année et 6,5% aux recettes fiscales engrangées par le gouvernement. Le nombre d’emplois, davantage dans des secteurs professionnels, est dans la fourchette de 15 000 à 20 000, soit 3% du total des emplois. Le FMI note que, jusqu’ici, « thanks to Mauritius’ favorable business environment, Global Business Sector has become a pillar of the economy », tout en ajoutant que « major factors in the development of the sector have been a beneficial environment featuring political stability and legal certainty as well as high-quality professional services by bilingual workfoce. Furthermore, for many years, reporting and substance requirements were rather limited. »
Mais depuis, le temps s’est mis à changer de manière drastique avec la « favourable tax framework offering benefits (15% of Corporate Income Tax and Foreign Tax Credits) in part being challenged. » Poursuivant à ce sujet, le FMI rappelle que « in addition, there are a number of additional favorable characteristics of the tax framework. Some of these benefits are now at risk under the international and tax transparency fairness initiatives, making prospects for a continued expansion of the GBC sector uncertain and likely prompting reforms towards an updated business model for the offshore sector. »
Une première dérogation à ce régime fiscal favorable dans le Global Business Sector est intervenue en mai 2016 avec la renégociation au forceps du Double Tax Avoidance Treaty indo-mauricien, qui devra être complètement démantelé à la fin de mars 2019. Avec l’imposition de la Capital Gains Tax sur les transactions dans l’offshore, des répercussions devront se faire sentir concrètement car « India is the single largest destination for outbound investment for Mauritius, accounting 4% of the total in 2015. »
Conséquences
Quelles seront les conséquences des amendements majeurs dans le cadre fi scal ? Les conclusions des Article IV Consultations s’appesantissent sur le fait que « a secular decline in GBC activity amid removal of tax benefi ts could have spillovers to the economy unless the sector transitions to higher value-added activities. » Plus précisément par rapport au traité indo-mauricien, en dépit de la résilience dans les dealings jusqu’ici, le FMI craint une réduction substantielle à l’expiration de la granfathering period. N’en déplaise aux papes locaux du Global Business Sector.
« It is not unreasonable to assume that Global Bussiness Companies’ investments into India will recede in the long run after full expiry of the grandfathered tax shield on income from equity investment, at least in terms of the share of total GBC investment abroad. If, in addition, changes to the tax regime, as prompted by international tax transparency and fairness initiatives, made channeling investments through the GBC sector less attractive, there would be a measurable impact on the Mauritian economy », lit-on à la page 6 de la documentation offi cielle soumise aux membres du board du FMI il y a un mois.
Par ailleurs, l’impact devra également se faire sentir dans d’autres secteurs stratégiques de l’économie, notamment le secteur bancaire, vu que des « important macro-financial linkages between the Global Business Sector and the fi nancial sector present vulnerabilities need to be managed carefully. » L’offshore joue le rôle d’un important pourvoyeur de fonds (inexpensive funds) aux banques, même si ces dépôts sont considérés comme étant extrêmement volatiles. À titre d’exemple, il y a une banque qui a perdu jusqu’à 15% des dépôts des Global Busness Companies en un mois. En contrepartie, les banques allouent à ces opérateurs plus de 15% de leurs crédits au secteur oroivé. À la fi n d’octobre dernier, les banques avaient avancé des crédits de Rs 54 milliards au Global Business Sector, soit juste derrière le secteur économique le plus endetté, la construction. De ce fait, le dernier rapport du FMI fait ressortir que « apart from lower bank deposits, spillovers could include a fall in employment at both management companies and other associated service providers. »
Vigilance
L’urgence se fait sentir sur la nécessité d’élaborer un nouveau business model pour que l’offshore puisse survivre à ces pressions, pour ne pas dire ces attaques, avec le drafting du Financial Sector Blueprint, actuellement engagé au niveau de la Financial Services Commission, assumant toute son importance. L’une des voies qui pourraient être empruntées dans le cadre de cette transition est que « the sector may have to move gradually to higher value-added activities such as consulting services and tap new markets such as Africa, a region that has received an increasing amount of direct investment by GBC1s during the last years. Although still dwarfed by FDI going into India, Africa is generally viewed as a promising destination for GBC investment and services. »
Mais à moyen terme, le FMI préconise des réformes encore plus profondes de ce secteur économique pour préserver sa compétitivité sur le plan international. « Removing certain tax benefits — such as exemption of taxation of capital gains from sales of shares in India, possibly making some other DTAs somewhat less favorable under the BEPS initiative, and upgrading the substance requirements (particularly for the GBC2s) — may lessen the attractiveness of the GBC sector for current and prospective investors », s’appesantit le FMI, qui prévoit un « concerted effort by the authorities and the business to revisit the business model of the Global Business Sector. »
Toujours en ce qui concerne l’offshore, la pression venant de l’Europe et en particulier de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), devra s’accentuer avec les engagements pris par Maurice avec ses covered tax agreements. Au moins 19 double tax avoidance treaties conclus par Maurice avec des pays tiers devront être revus et corrigés. Cet exercice devra être entrepris dans un court laps de temps, avec Maurice faisant preuve de vigilance pour ne pas mettre en péril ce pilier économique émergent.
« Depending on the outcome of its bilateral negotiations, Mauritius may be able to include more detailed Limitation-On-Benefits (LOB) provisions in combination with grandfathering clauses which limit the scope of new provisions to newly established firms. Renegotiating the non- Multilateral Instrument (MLI) treaties will need to commence within 18 months, and the revised agreements would likely be vetted by the OECD for consistency with the MLI », se fait un devoir de rappeler la mission Amadou Sy.
Toutefois, la partie est loin d’être finie, car pour le FMI « the GBC2 sector has come under scrutiny of the OECD. » À ce stade, le Forum on Harmful Tax Practices de l’OCDE aurait identifié des zones à rsiques, dont « le ring-fencing of the GBC2 sector from the domestic economy and insufficient substance requirements. » « The OECD’s Forum on Harmful Tax Practices (FHTP) has yet to examine the tax system in more detail and then to determine whether this preferential regime — and also Mauritius’freeport regime — are indeed harmful », relève le FMI, alors que le régime fiscal préférentiel accordé sous les Global Headquarters Administration Global Treasury Activities, Shipping and Investment Banking est à la satisfaction de l’OCDE.
Une autre difficulté se pointe à l’horizon, car « the future of the GBC2s appears uncertain considering the explicit scrutiny by the OECD on the GBC2 sector’s framework. This thrust may foreshadow a wider clampdown on this type of GBC that features lower substance and reporting requirements, including limited information on ultimate benefi cial owners. » La solution pourrait se révéler sous la forme du phasing out de la GBC2 Licence et la création d’une unique GBC Licence.
Et tout cas, les conclusions des Article IV Consultations du mois d’août auront atteint un objectif : faire comprendre qu’à ce stade le Global Business Sector n’est pas à l’abri d’aucune turbulences et que la plus grande prudence s’impose car tout dérapage pourrait se répercuter sur l’external and fi nancial stability ou encore sur la balance des paiements.