- Grogne et impatience, que ce soit dans le publlc ou le privé, au sujet de la déstabilisation de la relativité des salaires avec l’introduction du Minimum Monthly Wage de Rs 20 000
- Le Grand Argentier tente de Salvage son collègue du Travail, Soodesh Callichurn, avec en appât des consultations tous azimuts sur ce qu’il présente comme le challenge des salaires
- Opération Rs 500 avec la Basic Retirement Pension révisée en deux temps, soit en juillet et janvier 2025 ou encore l’ajustement de la CSG Child Allowance ou la Monthly Child Allowance
C’était anticipé. Pour ne pas dire couru d’avance comme lors des programmes des courses sous le patronage du nouveau patron dévalorisé au Champ-de-Mars. Le dernier budget présenté à l’Assemblée nationale vendredi par le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, au nom du gouvernement dirigé par le Premier ministre, Pravind Jugnauth, allait porter une empreinte électoraliste indélébile. À ce titre, le pari est gagné. Mais le hic demeure ce goût d’inachevé sur le front des salaires avec le Minimum Monthly Wage de janvier dernier, transformer en Minimum Revenu Garanti de Rs 20 000 par mois. Dans le secteur public aussi bien que dans le privé, le budget est venu amplifier la grogne et l’impatience devant l’absence d’un mécanisme visant à rétablir la relativité des salaires, bousculée depuis janvier dernier. Et cela, malgré l’engagement solennel pris par le ministre du Travail, Soodesh Callchurn, à la conclusion des négociations tripartites de décembre dernier pour la compensation salariale. Il avait promis la baguette magique d’un rapport du National Wage Consultative Council pour le mois de mars. Depuis, trois mois s’écouleront. En parallèle, Lakwizinn du Prime Minister’s Office se penche sur les modalités d’un exercice de marketing politique autour de l’opération budgétaire d’augmentation des allocations de Rs 500, que ce soit pour la Basic Retirement Pension en deux temps ou autres Child Allowances.
D’un point de vue générique, avec des revenus projetés de Rs 210,5 milliards pour des dépenses publiques de Rs 237,3 milliards, excluant tout le volet de la pension aux employés du secteur public, le pays devra vivre avec un déficit de Rs 26,8 milliards en 2024-25, représentant 3,4% du Produit intérieur brut (PIB). Ainsi, pour chaque Rs 100 de revenus, Rs 87 seront sous forme de taxes, que ce soit directes ou indirectes.
En 2024-25, les impôts devront rapporter Rs 182,6 milliards, en progression de Rs 53 milliards par rapport à l’exercice financier se terminant au 30 juin 2023, ou plus près encore, soit au 30 juin de cette année, de Rs 29 milliards. La Taxe à la Valeur Ajoutée (TVA) a le vent en poupe avec des recettes escomptées de Rs 65,6 milliards, Rs 10 milliards de plus en une année.
Le budget prévoit des revenus additionnels de Rs 9 milliards au titre des impôts perçus sur les revenus et les profits, notamment un total de Rs 59,8 milliards, dont Rs 38,8 milliards sur les profits des Companies & Corporate Bodies, Rs 23,9 milliards, une hausse nominale de Rs 1 milliard, pour les impôts sur les produits spécifiques, dont Rs 8,2 milliards sur le tabac et autres produits dérivés, Rs 7,1 milliards lors de la vente de boissons alcoolisées et Rs 4,9 milliards de taxe sur la consommation de produits pétroliers.
Avec la buoyancy enregistrée sur le marché de l’automobile depuis ces dernières années, le ministère des Finances s’attend à encaisser Rs 4,2 milliards, dont Rs 2,2 de taxes sur les deux et quatre roues et Rs 2 milliards de Registration Duty lors de ces mêmes transactions.
Chiffre magique
L’autre côté du tableau du budget se présente avec des dépenses de Rs 237,3 milliards, avec Rs 88.50 sur chaque Rs 100 pour assurer le financement des dépenses courantes, principalement les salaires. Mais avec la nouvelle politique en matière de prestations sociales, les dotations budgétaires des Basic Pensions versées à 311 576 Mauriciens répartis comme suit : 266 402 bénéficiaires de l’Old Age Pension, 16 983 veuves, 27 864 au titre de l’Invalidity Pension et 327 orphelins, ont plus que doublé, passant de Rs 30,38 milliards en 2019-20 à Rs 65,4 milliards pour le prochain exercice financier.
À ce chapitre, AXyS avance que “for FY 24, expenditure on social protection escalated to make up for 34,7% of total expenditure from 34,2% in FY 23, mainly induced by the effect of an ageing population and the increase in pensions. With the rise in social benefits announced in the budget, the expenditure is expected to increase by +21,2% Year on Year in FY 25.” Et le Budget Brief d’AXyS arrive à la conclusion que “surprisingly, expenditure in Education, Health and Public Order & Safety account for a combined 25,7% of the total expenditure, less than the expenditure on social protection.”
Ainsi, le gouvernement devra une somme supplémentaire de Rs 13 milliards pour assurer les ajustements au barème de la Basic Retirement Pension en deux temps annoncés dans ce dernier budget, dont
l dès le 1er juillet la Basic Retirement Pension passera de Rs 13 500 par mois à Rs 14 000, avec un réalignement des autres prestations, dont la Basic Widow’s Pension, la Basic Invalid’s Pension et la Basic Orphan’s Pension et
l à partir du 1er janvier prochain, la BRP et autres allocations sociales de base passant à Rs 15 000 par mois avec ceux âgés de 65 ans et plus percevant Rs 16 000, ceux de 75 ans et plus Rs 17 500 ceux de 90 à 99 ans Rs 25 210 et les centenaires Rs 30 210.
Cette augmentation de Rs 500, chiffre quasi magique, sera également applicable pour les autres prestations sociales, dont la CSG Child Allowance, dorénavant à Rs 2 500 par mois pour chaque bébé dès la naissance jusqu’à l’âge de trois ans, la Monthly Child Allowance de Rs 2 000 et cela peu importe le nombre d’enfants par famille ou encore la School Allowance de R 2 000 par mois pour les enfants âgés de 3 à 10 ans, avec quelque 80 000 familles concernées par cette dernière mesure budgétaire.
Au titre du soutien aux revenus, le budget préconise une révision de la CGS Income Allowance en faveur de quelque 500 000 salariés comme suit :
l Rs 3 000 pour 110 000 employés et travailleurs indépendants avec des revenus jusqu’à Rs 20 000 ;
l Rs 2 500 pour 55 000 autres avec moins de Rs 25 000 ;
l Rs 2 000 pour 50 000 salariés avec moins de Rs 30 000 ; et
l Rs 1 500 pour 105 000 individus percevant moins de Rs 50 000.
l Et c’est à ce même chapitre des traitements salariaux que le goût d’inachevé déstabilise le plan électoral de Lakwizinn du Prime Minister’s Office, même si la décision de porter le Revenu Minimum Garanti à Rs 20 000 par mois contre Rs 18 500 en janvier dernier ne souffre pas de contestation.
Signes d’impatience
Cette mesure s’avère une des cartes maîtresses de la campagne du Premier ministre et leader du MSM, Pravind Jugnauth, en quête d’un trois à la file au Treasury Buiding, après les élections de décembre 2014 et de novembre 2019. “Il s’agit d’une augmentation de Rs 7 925, soit de plus de 65% par rapport aux Rs 12 075 accordées en 2022”, dira le Grand Argentier à l’Assemblée nationale comme pour confirmer la stratégie politique sur le terrain du gouvernement sortant.
Mais c’est également là où le bât politique blesse. Déjà avec les Rs 18 500 de Revenu Minimum Garanti de janvier dernier, la relativité des salaires, que ce soit dans le service civil et autres corps paraétatiques ou encore dans le privé, est déstabilisée et les anomalies demandent à être éliminées. Ceux qui se sentent pénalisés par cette mesure avaient entre-temps mis un bémol à leurs revendications, supputant que le budget du 7 juin allait réparer ce préjudice salarial.
Les signes initiaux d’impatience avec l’échéance de la fin de mars dernier, décidée par le ministre Callichurn, pour ce rapport corrigeant les anomalies, allaient trouver un écho encore plus grandissant dans le silence adopté à ce sujet par le ministre des Finances dans le Budget Speech. Renganaden Padayachy a tenté de se rattraper lors du Budget Breakfast Lunch d’hier matin en faisant comprendre que des consultations ont été engagées entre les différents stakeholders pour tenter de trouver des solutions à ce challenge.
Néanmoins, les Top Chefs de Lakwizinn savent pertinemment bien que le feu couve sous les cendres et que le price tag électoral pourrait être onéreux au décompte des voix de la prochaine joute électorale. D’où la tentative du Grand Argentier de venir à la rescousse dans le cadre d’une political salvaging operation de son collègue du Travail, qui aura pour mission de tenir le bastion du MSM au Nord lors des législatives à venir avec l’ancien Premier ministre et leader de l’Alliance PTr-MM-ND, Navin Ramgoolam, donner comme candidat à Pamplemousses/Triolet (No 5) face au même Soodesh Callichurn dans une stratégie de come-back.
D’autres, plus cyniques politiquement, y voient une tactique de la part de l’Hôtel du Gouvernement pour tenir en haleine politiquement cette frange de l’électorat jusqu’au prochain rendez-vous des isoloirs. Étant donné que cette grogne salariale cuts across the public and private sectors, ces mêmes Top Chefs se demandent si le jeu en vaut la chandelle vu les risques d’effets boule de neige avec la contagion du Pay Research Bureau Report-in-Waiting…
Dette : deux faces d’une même pièce
- Les Budget Estimates prévoient un endettement national de Rs 567,5 milliards à juin 2025 (+Rs 43 millards), soit Rs 450 000 par tête d’habitant
- Le ministre Padayachy préfère épouser la thèse que “le ratio sur le PIB s’est établi à 78% en 2023, soit une baisse de 7,7%”
Indépendamment de la rhétorique politico-économique, les prochaines élections législatives s’imposant dans le débat, le volet de l’endettement public, un des points forts du récent Staff Report du Fonds monétaire international (FMI) sur les Article IV Consultations, retient encore l’attention dans le sillage de la présentation du budget 2024-25. Et toujours, la dette se résumera aux deux faces d’une même pièce.
D’abord et avant tout, le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, maintient dans le discours du budget que « le ratio de la dette publique sur le PIB s’est établi à 78% en 2023, soit une baisse de 7,2% ». C’était au début du Budget Speech.
Ensuite, avant d’aborder le chapitre du Père Noël avec des “measures for each and every one”, le Grand Argentier reviendra à la charge en soulignant que “government debt will decline from 69,8% of GDP in June 2023 to 65,4% in June ths year and further to 63% by end of June 2025. Public sector debt is expected to decline from 80,2% of GDP in June 2023 t 74,5% of GDP by June 2024 and further to 74,1% of GDP by June 2025”.
En termes du PIB, la gestion de la dette publique rapporte des dividendes. Mais en chiffres absolus, la nuance est de taille. Ainsi, l’Appendix F: Debt à la page 535 des Budget Estimates confirme qu’au 30 juin 2025 que Maurice accumulera une dette nationale de l’ordre de Rs 567,5 milliards, soit Rs 43 milliards de plus qu’à pareille époque cette année. Pire encore, avec les Rs 118 milliards de plus comparativement à la situation au 30 juin 2022, la dette par tête d’habitant est estimée à Rs 450 000. Un indicateur qui donne des urticaires politiques aux locataires de l’Hôtel du Gouvernement.
Pour la première fois, le montant des Government Securities dépassera la barre des Rs 400 milliards, soit Rs 411,1 milliards, contre Rs 390,4 milliards à la fin de ce mois, dont
l Rs 179,7 milliards de Long Term Bonds
l Rs 109,1 milliards de Five-Year et de Seven-Year Bonds
l Rs 69,2 milliards de Treasury Notes et
l Rs 53 milliards de Treasury Bills & Certificates.
La dette étrangère se rapprochera dangereusement des Rs de 100 milliards, soit Rs 98,7 milliards, en hausse de Rs 14 milliards en une année, et la Public Entreprise Debt contenue à hauteur des Rs 60 milliards.
AXyS tire la sonnette d’alarme
L’analyse d’AXyS sur le budget, notamment au chapitre de la dette, souligne que “since June 2018, public sector debt grew considerably, changing from 63, 4% to 79% of GDP in 2023, representing an increase of 15,6% in a span of six years.” Poursuivant le Budget Brief de cette société d’experts-conseils note que “prior to the pandemic, Gross Domestic Debt was already in an upward trend, led by the increase in Domestic Debt, with Foreign Debt relatively stagnant.”
AXyS tire la sonnette d’alarme par rapport à la dernière tendance enregistrée au tableau de la dette étrangère. “Nevertheless, Foreign Debt grew significantly post-Covid and at June 2023, its level is well above pre-pandemic levels. Higher Foreign Debt in the debt portfolio signifies higher foreign exchange risks, especially, considering the US Dollar accounts for 40% of Foreign Debt, and the depreciating rupee vis-à-vis the US dollar”, ajoute le Brief.
Au sujet de l’évolution du taux de change de la roupie par rapport au billet vert américain, AXyS ne se prive pas pour faire ressortir que “before 2014, an appreciation towards the second half used to make up for the first half depreciation (over the past 24 years), as the rupee fluctuated between Rs 30 to Rs 32 between 2000-2014. Since then, the US dollar has appreciated against the rupee by 8 times over the past 10 years by a total of almost +46% since 2014.”
Concluant à ce même chapitre, AXyS s’appuie sur les dernières recommandations du Fonds monétaire international au sujet de la gestion de la dette. “To be noted that the government expected to decrease the Gross Public Debt to 71,5% in June 2024 in the previous budget, but it was decreased to only 74,5%. Additionally, the IMF claimed that it is more feasible and economically friendly to reduce the Net Public Debt to GDP ratio to 65% by mid-2029 rather the estimated mid-2026 target by the government.”
En tout cas, les prévisions contenues dans les Budget Estimates indiquent qu’au 30 juin 2026, la Public Sector Debt (Gross) sera de Rs 596,3 milliards pour passer à Rs 622,3 milliards en juin 2027. Et pour le ratio au PIB, c’est une autre histoire…