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PROJETS D’AQUACULTURE À TRAVERS L’ÎLE : Est-on en train de morceler nos eaux?

Après le scandale du Fish Auction Market où Rs 24 millions venant des contribuables européens ont été jetées à la mer, les récents règlements apportés par le ministère de la Pêche au Fisheries and Marine Resources Act et qui sont entrés en vigueur le 15 avril donnent froid dans le dos. Le ministère, dans le cadre de son projet d’élevage de poissons en cage à travers l’île, soit de fermes aquacoles, a désigné une liste de 20 sites qui devraient être alloués à une quarantaine de coopératives ou autres personnes intéressées par l’aquaculture. Une nouvelle avec effet de bombe à retardement pour les pêcheurs, plaisanciers, plongeurs, amateurs de la mer, défenseurs de l’environnement, hôteliers tenant compte de la menace que représentent ces projets sur le plan social et environnemental, soit sur 1340 arpents de la mer entourant Maurice, mis à la disposition de qui souhaiterait exploiter l’aquaculture. Pire, avec ce projet, tout porte à croire qu’après l’allocation des plages de l’île à tout-va, les autorités « morcellent » également nos eaux, en projetant d’allouer des portions de la mer, à tout quidam.
Une véritable menace écologique guette nos eaux. Du Nord au Sud, de l’Ouest à l’Est, dans le lagon et en dehors des récifs, 1340 arpents ont été earmarked pour des projets d’aquaculture. Soit 67 arpents pour chaque zone, selon les indications GPS révélées dans la Government gazette, portant ainsi, selon un calcul scientifique à 1340 arpents (565 hectares), le total de portions de nos mers qui seront « morcelées » en marge des fermes aquacoles envisagées par le ministère de la Pêche. Une donne qui interpelle les défenseurs de l’Environnement et observateurs avertis, interloqués de voir qu’avec ce projet de « morcellement », le ministère va à l’encontre du principe du domaine public qui est un bien commun d’après l »article 538 du code civil.
En effet, en déclarant une portion de lagon ou de l’océan comme une zone aquacole, c’est permission donnée à un promoteur d’installer ses bouées (bornes) dans ces zones mentionnées, certaines dans le lagon, d’autres en dehors du lagon, dans un rayon de 300 mètres selon le tableau publié dans la Government gazette et de l’exploiter à un usage exclusif. « Après nos plages allouées à des petits copains, maintenant on donne aussi nos mers », déplorent les défenseurs de l’environnement. D’aucuns s’interrogent de même sur l’intention réelle des autorités à travers la publication de cette notice hautement technique avec notamment des coordonnées GPS, dans la Government gazette, difficilement accessible à la compréhension du layman.
Forte concentration des zones ciblées dans le Sud-Est
Ce qui est sûr, c’est que 565 hectares serviront prochainement à des fins de fermes aquacoles. Si les zones ciblées sont réparties autour de l’île, on note, outre la zone de Bambous, Le Morne, Anse-la-Raie et Trou-aux-Biches, une forte concentration des zones, près d’une quinzaine, dans le Sud-Est de l’île. Ce alors même que la catastrophe provoquée par la ferme aquacole de Mahébourg, installée dans les années 2002-2003 (à l’origine sur une base pilote) s’est amplifiée au fil des années. D’ailleurs, il y a trois ans, une quinzaine de pêcheurs de la région avaient été arrêtés pour avoir endommagé un filet d’élevage et enlevé plusieurs kilos de poisson Bar des cages de la ferme marine de Mahébourg, qu’ils considéraient comme une menace pour l’écosystème marin.
L’océanographe et expert en Environnement, Vassen Kauppaymootoo, fait ressortir que les projets de fermes aquacoles autour de l’île représentent un véritable danger écologique et social. L’aquaferme de Mahébourg est une fois de plus citée en exemple, car alors qu’elle disposait, à l’origine, uniquement d’une autorisation administrative du gouvernement pour l’élevage à titre expérimental afin qu’il n’y ait aucun conflit avec les activités des pêcheurs et plaisanciers et tout autre usager de la mer dans la région, aujourd’hui la situation s’est dégradée et la ferme a été agrandie et occupe une grande partie du lagon, si bien que les pêcheurs ont fini par en avoir assez. La catastrophe écologique qui se joue dans cette partie de l’île est encore plus conséquente, dit-il, tenant compte de l’aggravation de la situation avec des eaux polluées autour du parc marin de Blue Bay déjà mal en point.
Menaces sociales et écologiques
Relevant les dangers potentiels que représentent ces fermes aquacoles autour de Maurice, Vassen Kauppaymootoo rappelle que ces fermes sont sources de pollution pour nos eaux et attireront inévitablement les requins. « Ce fut d’ailleurs le cas à la ferme de Mahébourg », rappelle-t-il, insistant que la dégradation écologique qui s’ensuivra, avec en l’occurrence l’introduction de produits chimiques ou autres nourritures dans le lagon. Ces projets feront inévitablement surgir des conflits sociaux, notent les observateurs, soulignant que les pêcheurs, plaisanciers, plongeurs, et autres amateurs de la mer, ne pourront avoir accès sur une zone de 300 mètres, limitant et bloquant leurs activités. « Qu’adviendra-t-il de ces personnes et de leur emploi? », demandent-ils. Pour l’océanographe et ingénieur en environnement, ce projet de fermes aquacoles à travers l’île est en conflit avec l’objectif d’une Ile Maurice Durable et la vocation touristique de Maurice. Il cite en exemple les deux zones du Morne désignées pour ces projets, indiquant qu’en dépit du fait que ces sites se trouvent à l’extérieur des récifs, il s’agit de zones faisant partie d’un périmètre unique à Maurice, dépendant du patrimoine mondial, et représentant un site touristique incontestable, avec notamment des activités nautiques d’envergure pour les touristes, dont le seakart, le catamaran ou le dolphin wathcing, ou encore un lieu où des pêcheurs artisanaux de Rivière-Noire et La Gaulette posent leurs casiers.
Appel au sursaut citoyen
« On ne peut pas faire de l’aquaculture et du tourisme haut de gamme », estime Vassen Kauppaymootoo. Et de faire ressortir que Le Morne, par exemple, est un site utilisé comme zone de référence sur la qualité de nos coraux et de l’océan. « Avec toute la pollution que provoqueront les fermes aquacoles, de quelle référence parlerons-nous désormais en parlant du Morne », demande l’océanographe. Devant le danger qui guette nos eaux et en soulignant l’intention du gouvernement de morceler nos mers, il lance un appel à la mobilisation des pêcheurs, plaisanciers, association de plongeurs, hôteliers et chaque Mauricien pour mettre en garde les autorités d’aller de l’avant avec ce projet. Réclamant que les autorités fassent marche arrière sur ce projet, il espère un sursaut général visant à empêcher le ministère de la Pêche d’enclencher une machinerie qui mettra notre écosystème en danger.

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