Lutte contre la drogue : Des familles en détresse face à la drogue synthétique

Un appel à la légalisation du cannabis pour freiner la drogue synthétique était au centre du discours du Kolektif 420, les organisateurs de la marche dans les rues de Rose-Hill, samedi. En effet, les ravages des drogues de synthèse ont plongé de nombreuses familles dans la détresse totale. Deux témoignages poignants lors de cette manifestation ont illustré l’ampleur du drame qui se joue dans les foyers.

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D’abord celle de Françoise, présente à la marche, qui n’a pas pu contenir ses émotions en évoquant la descente aux enfers de son fils. « Il était un brillant élève, il a eu son diplôme et j’étais si fière de lui. Mais aujourd’hui, il préfère se droguer que se nourrir », confie-t-elle. En montrant une photo de lui en toge universitaire, elle a fait comprendre à l’assistance l’ampleur du changement. Quelques minutes avant de témoigner au micro, son mari lui a appris que leur fils venait de tomber d’un arbre alors qu’il essayait de cueillir des fruits à revendre pour s’acheter sa dose quotidienne. «Je suis désemparée », a-t-elle ajouté, avant de quitter la manifestation, les larmes aux yeux.

Ensuite Bruno, habitant de Pointe-aux-Piments, vit une situation similaire. « Mon fils de 27 ans est tombé dans le piège de la drogue synthétique. Il fume du matin au soir, je ne le reconnais plus. Ma vie a basculé », raconte-t-il. Désespéré, il a tenté d’inscrire son fils au centre de méthadone de Sainte-Croix, mais la liste d’attente compte 3 000 demandes. « Je joue mon va-tout pour le sauver, mais peine perdue », a-t-il ajouté, l’air abattu.

Le tabou du cannabis

Face à cette situation alarmante, le Kolektif 420 milite depuis plusieurs années pour un changement radical de politique en matière de drogue. Son message est clair : « La guerre contre toutes les drogues est une illusion. La légalisation du cannabis peut freiner la drogue synthétique », a déclaré Danny Philippe lors de la marche. Selon lui, de nombreux anciens consommateurs de cannabis se sont tournés vers les drogues synthétiques car le prix de l’herbe est devenu prohibitif.

Le collectif s’inspire de l’expérience thaïlandaise. Jameel Peerally, l’un des fers de lance du mouvement, en mission en Thaïlande, a transmis un message aux manifestants: « La Thaïlande a légalisé l’usage récréatif du cannabis. Plus de 6 000 dispensaires ont vu le jour en un an et demi. Un million de Thaïlandais ont obtenu une licence de culture. Cette politique a réduit la consommation de drogues plus dures. »

Interpeller le gouvernement

Une centaine de personnes se sont réunies à Rose-Hill, scandant des slogans tels que « Aret touy nou zanfan ! » et « Marsan lamor out ! ». De nombreux artistes, dont Bruno Raya et Azaria Topize, le fils du regretté Kaya, ont apporté leur soutien à la cause. « En tant qu’artiste, je fais passer des messages à travers ma musique. Aujourd’hui, je suis ici pour montrer mon soutien à ceux qui souffrent », a expliqué Emelyne Marimootoo.

La manifestation a aussi attiré l’attention de figures politiques,  dont Annabelle Savabaddy (PTr), Tania Diolle (MPM) et Patrick Belcourt (EN AVAN MORIS). « Il est temps que le gouvernement prenne des mesures concrètes », a déclaré Bruno Raya, soulignant que les promesses électorales doivent être tenues.

Impunité des trafiquants

Le travailleur social Ally Lazer, invité par le Kolektif 420, a dénoncé l’impunité dont bénéficient les dealers. « Pravind Jugnauth ti dir li pou kas lerin trafikan ladrog. Mwa mo dir li’nn kares lerin trafikan », a-t-il déclaré, critiquant l’absence d’action réelle contre les barons de la drogue. Il a également indiqué que le rapport de la commission d’enquête sur la drogue, présidé par l’ex-juge Paul Lam Shang Leen, a été ignoré.

Épuisés mais déterminés, les membres du Kolektif 420 comptent poursuivre leur mobilisation à travers l’île. « Nous sommes au fond du trou, mais nous n’allons pas nous arrêter là. Nous organiserons d’autres marches pour faire entendre notre voix », a déclaré Pamela Congo.

Au-delà du combat pour la légalisation du cannabis, la nécessité d’un soutien psychologique aux familles touchées par ce fléau est une urgence. Comme le rappelle Françoise, la voix brisée par l’angoisse et la détresse: « Nous avons besoin d’aide. »

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