— Eh ben, comment tu as passé le congé spécial Garance ?
— Tu parles d’un congé ! J’ai trimé comme une vache !
— Mais pourquoi ? Avec le warning class 3, il n’y avait pas d’école, pas de travail tout le monde était à la maison.
— Ben justement ! Je peux te dire qu’un mari et des enfants enfermés à la maison pendant trois jours, c’est comme un petit confinement.
— Mais c’est sympa de se retrouver en famille, non ?
— Laisse-moi te dire une affaire : un jour ça va, après on est plein de se voir tout le temps. D’autant que j’ai dû me taper tout le travail.
— Ne me dis pas que ton bonhomme et tes enfants ne t’ont pas donné un coup de main, tout de même !
— Ils ont proposé, mais quand j’ai vu qu’il fallait que je passe derrière eux pour tout refaire comme il faut, je leur ai dit de me laisser faire.
— Alors tu as fait comme on faisait avant : menu cyclone, faratas et curry poule ?
— Ce n’était pas possible, la bonne n’était pas là.
— Ah bon ?! Elle était en congé ?
— Elle était en congé Garance, toi ! Dès qu’elle a entendu qu’on allait mettre classe 2 mardi, elle m’a téléphoné pour me dire qu’elle rentrait chez elle, soi-disant pour aller fermer ses fenêtres et ses impostes. On ne la verra que lundi, quand elle va venir chercher sa paye !
— Je croyais que c’était toi-même qui faisait les faratas et le curry, moi.
— Je supervise, mais c’est la bonne qui fait. Tu sais, ça prend du temps d’écraser la farine pour faire des faratas, alors j’achète des frozen que je fais chauffer au micro-ondes. C’est plus pratique.
— Et le curry poule, c’est la bonne même qui fait ?
— Franchement te dire, oui. Parce que j’ai pas le temps, bonne femme, avec tout ce qu’il faut éplucher, trancher, frire tout ça. Et puis, quand tu fais un curry, il faut tout de suite après prendre un douche et faire un shampoing à cause des odeurs. La bonne fait ça deux minutes quatre et je garde au freezer pour les temps durs, mais là j’avais pas.
— Mais alors, qu’est-ce que tu as donné à manger à ta famille pendant le cyclone ?
— Pendant qu’on attendait le cyclone qui n’est pas venu, tu veux dire ! J’ai fait prendre des take-aways : un jour pizzas, après des mines frits, ensuite du briyani et après des burgers. Avec un peu de ketchup, de sauce l’ail et de piment kraze, et le tour est joué, et tout le monde est content.
— Finalement, tu as passé un bon congé précyclone alors ?
— Oui, si tu mets de côté tout le travail de la bonne que j’ai eu à faire et le fait que je vais avoir à travailler double au bureau pour rattraper le retard de ces trois jours de congé forcé.
— Arrête de grogner donc. Tu as eu le temps de passer trois jours avec tes enfants et ton bonhomme quand même !
— Ils n’étaient pas là.
— Mais tu viens de me dire que vous avez eu comme un petit confinement chez vous.
— On était dans la même maison, mais on n’était pas ensemble. Les enfants étaient dans leurs chambres avec leurs PC et leurs portables, et mon bonhomme avait réquisitionné la télévision.
— Mais qu’est-ce qu’il regardait comme ça : il n’y avait pas de tournois de foot ou de tennis, non ?
— Ah il y avait mieux que ça pour lui : Garance.
— Je ne comprends pas ce que tu veux dire par là !
— Tu ne savais pas que mon bonhomme et ses amis, dont probablement ton mari, sont des konntou, qui ont avis sur tout et sont des experts en tout ? Tu ne les as pas entendu analyser un match de foot pendant la Coupe du Monde ?
— Oui, je sais qu’ils aiment discuter et qu’ils sont passionnés mais…
—… ils sont plus que des passionnés : ils sont sûrs de plus savoir que les joueurs et les arbitres qu’ils passent leur temps à critiquer.
— Et alors ?
— Et alors, c’est pareil pour les cyclones. Mon bonhomme a monopolisé la télévision et zappé sans arrêt entre Maurice et La Réunion pour suivre la trajectoire de Garance.
— C’est ce que tout le monde a fait, non ?
— Pas comme mon bonhomme et ses copains. Il avait également à côté de lui son portable sur lequel il a download plein de sites de météo, alors il fait des comparaisons et des analyses qu’il partage avec ses copains, avec excitation. Ils ont fait tellement de prévisions qu’à un moment on aurait dit que Garance allait passer en même temps sur La Réunion, sur Maurice et entre les îles sœurs !
— Ayo, toi ! Tu as passé ces trois jours à le regarder et l’écouter jouer à Monsieur Météo ?
— Tu vas croire toi-même. Le premier jour j’ai essayé de discuter avec lui, mais comme il n’écoutait que ce qu’il disait, j’ai demandé à mon garçon de prêter sa tablette et je me suis allée dans ma chambre.
— Pour faire quoi ?
— Pour regarder toutes les telenovellas que je n’avais pas eu le temps de voir !
— Dans ce sens, tu as eu un good time en attendant l’arrivée de Garance.
— Si tu veux. Mais en ce qui concerne les prévisions, il y a une affaire que je n’arrive toujours pas à comprendre.
— Quelle affaire ?
— Pourquoi il y a plus de mauvais temps, de vents avec rafales et pluies quand on a fini de tirer le warning classe 3 ?
J.-C.A.