Il y a 50 ans… : Maurice à genoux sous les terribles rafales de l`intense cyclone Gervaise

10 morts ; plus de 11 000 logements détruits ; 1 500 sinistrés et US$ 200 M de dommages 280 km/h à Mon Désert Alma : une rafale cyclonique jamais égalée 

5-7 février 1975/5-7 février 2025 : cela fera exactement 50 ans cette semaine depuis le passage sur l’île du terrible cyclone Gervaise de triste mémoire. Une catastrophe météorologique qui avait fait 10 morts ; endommagé 11 320 logements et contraint quelque 1 500 sinistrés, dont des enfants, des personnes âgées et des femmes enceintes, à trouver refuge dans des centres d’accueil. Sans parler des réseaux d’électricité, de fourniture d’eau potable et de téléphone complètement endommagés et des champs de canne et de cultures vivrières entièrement dévastés. Bilan global du sinistre : US$ 200 millions de dommages. Soit, l`équivalent de… Rs 9 milliards de nos roupies mauriciennes actuelles !

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Un demi-siècle plus tard après le passage du méchant météore, Gervaise hante encore les esprits de tous ceux qui, aujourd`hui, ont au moins 55-60 ans ou plus. De cette génération qui se rappelle encore comment, en ce temps-là, il fallait grimper sur le toit de la maison à la moindre alerte cyclonique pour démonter et mettre en lieu sûr les précieuses antennes « rateaux » qui servaient à capter les seules images disponibles de la MBC/tv ou, pour les plus chanceux, celles de la télévision réunionnaise.

C’était, en effet, longtemps avant l`ère des chaînes satellitaires et de la Télévision Numérique Terrestre (TNT). Juste quelque temps seulement après l’introduction à Maurice de la télévision couleur. Un luxe qui avait permis à l’époque à des happy few de suivre en direct pour la première fois dans des images en couleur la folle épopée vers la victoire finale de Franz Beckenbauer et de ses camarades de la sélection allemande lors de la retransmission de la Coupe du Monde de Football de 1974 en République Fédérale d’Allemagne (RFA)…

Nous étions encore en ce temps-là au règne tout puissant de « King Sugar ». En effet, l’économie nationale était toujours à l’époque essentiellement dépendante de la monoculture de la canne. Et l’idée de savoir que jusqu`à 40% de cette culture avait été détruite par les violentes rafales cycloniques donnait à elle seule la pleine mesure économique de ce qu`avaient été les dégâts. Des pertes tout autant substantielles sur le plan infrastructurel.

Bicoques en tôle ; case en bouse de vache…

Même si depuis Carol (1960), des efforts avaient été entrepris pour construire davantage en dur, en 1975, de très nombreux logements étaient toujours de vieilles bicoques en poutres délabrées recouvertes sommairement de feuilles de tôle entièrement vétustes. Pire : en ce temps-là, les ménages locataires et les mal-logés se comptaient par milliers, notamment en milieu urbain. Alors que dans les régions rurales, les camps sucriers en ruine étaient encore occupés par des familles d’ouvriers.

Et que d’autres familles dans les villages vivaient toujours dans de petites constructions fragiles faites de bouse de vache et recouvertes d’un rudimentaire toit de chaume. Sur le plan infrastructurel toujours, les crues et autres pluies diluviennes de Gervaise associées aux vents cycloniques violents avaient littéralement lavé l`asphalte. Du moins, là où les routes avaient été préalablement enrobées. Mais nous étions encore au temps révolu de l`enrobement à froid de la chaussée avec du simple cold tar. Enrobement qui se faisait même, à l`époque, à l`aide d’un rudimentaire… balye fatak !

Maintenant que la chaussée est revêtue à chaud grâce à des équipements et des techniques modernes, nous pouvons réaliser combien en ce temps-là les fortes intempéries pouvaient causer des dégâts immenses aux infrastructures routières. Même si de nos jours aussi, sous les effets pervers du changement climatique, souvent les infrastructures ne tiennent pas mieux… En parlant de l`état des routes au lendemain de Gervaise, comment ne pas aussi évoquer l`obstruction des voies passantes par les très nombreux arbres qui avaient cédé sous le poids des rafales cycloniques.

Même de majestueux banians centenaires que nous croyions inébranlables se retrouvèrent à terre en travers de routes passantes. Des localités, notamment, celles les plus excentrées en régions rurales se retrouvèrent même enclavés et coupées du reste de l`île pendant de longues semaines. Les vents cycloniques furent d’une telle violence qu`à travers le pays, tout le réseau de pylônes électriques tomba tel un château de cartes ! Si bien que dans de nombreuses régions, des abonnés du Central Electricity Board (CEB) furent privés de fourniture d’électricité, certains, pour une durée aussi longue que de trois mois…

La fourniture d’eau potable fut l`autre service essentiel qui fut aussi très largement interrompu pour un temps infini. Dans plusieurs localités, des femmes et des jeunes filles furent contraintes par la force des choses de recommencer à faire la lessive à la rivière ou autre cours d’eau.

Et alors que le commerce de l`eau embouteillée n`était pas encore dans les mœurs mauriciennes en ce temps-là, matin et soir, les membres de la famille, jerrycans ou seaux en main, se mettaient en file indienne pour faire patiemment le plein d’eau potable à l`une ou l`autre rares fontaines publiques encore en opération çà et là. Pour cause : dans de nombreux endroits, l’interruption de la fourniture d’eau potable par le robinet à domicile durera aussi longtemps que six longs mois…

Reconstruction : la US Army en renfort 

Devant un tel champ de ruines et alors que Maurice était littéralement à genoux, le gouvernement d’alors de sir Seewoosagur Ramgoolam n`avait eu d’autre choix que de recourir à l`aide étrangère pour la reconstruction nationale. C`est ainsi que toutes celles et ceux qui avaient déjà, à l`époque, atteint l`âge de raison se souviennent certainement de l`arrivée rapide en rade de Port-Louis de navires militaires de l’armée américaine, par exemple, dont celui du très réputé porte-avions USS Enterprise.

Munis de tout leur matériel sophistiqué, ces milliers de soldats de la US Army et ceux d’autres pays amis aidèrent largement à déblayer les routes, à reconstruire les bâtiments publics endommagés comme les écoles et les hôpitaux, et à restaurer les réseaux d’électricité, d’eau et de téléphone. Ils apportèrent aussi une assistance médicale aux blessés du cyclone ainsi qu`à tous ceux dans le besoin. Depuis les bagarres raciales de janvier 1968, qui vit l`arrivée de soldats britanniques pour des besoins de maintien de l’ordre et de la paix, Maurice n`avait alors jamais eu à recourir à de l`assistance militaire étrangère.

Au lendemain du passage catastrophique de l’intense cyclone Gervaise, une sorte de légende urbaine a surgi de nulle part pour accréditer une « thèse » selon laquelle un cyclone intense traverserait l`île à chaque intervalle de 15 ans. Les tenants de cette « thèse » largement diffusée dans la presse citaient comme « preuve » supposée à l`époque le fait que le pays avait été notamment visité par trois violents cyclones en 1945, 1960 (Carol) et 1975 (Gervaise).

La suite de l’histoire météorologique de Maurice a toutefois apporté un démenti catégorique à cette fameuse « thèse » du cycle dit « des 15 ans ». Celle-ci demeure, donc, une légende qui n`a jamais passé le test d’une étude scientifique rigoureuse ! Ce qui est en revanche établi, c`est que Gervaise est l’intense cyclone tropical qui aura occasionné à Maurice la plus forte rafale cyclonique : 280 km/h à Mon Désert Alma… On n`avait même pas vu ça avec Carol. Carol qui demeure pourtant, dans l’imaginaire collectif des Mauriciens, le cyclone le plus violent ayant visité le pays !

H.A.

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