Oui, l’idéal aurait certainement été de donner tout à tout le monde tout de suite. Mais la réalité des chiffres est toujours plus implacable que les promesses les plus folles et que cette insupportable surenchère préélectorale. Après avoir effectué un état des lieux des finances publiques, le gouvernement est venu avec une triple décision, le paiement du 14e mois aux salariés touchant moins de Rs 50 000 en deux temps, une compensation salariale de Rs 610, qui représente les 3,7% du taux d’inflation pour l’année en cours, à tous les salariés percevant jusqu’à Rs 50 000 et une baisse de Rs 5 sur l’essence et le diesel.
C’est un package raisonnable et il n’y a que les esprits chagrins, ceux qui sont dépités depuis que leur « bondié » a été terrassé le 10 novembre dernier, qui se lamentent sur un ton aussi risible que méprisable. Les pensionnés auront leur 14e mois dans son intégralité la semaine prochaine ainsi que les Rs 1 000 annoncées par l’ancien gouvernement, en janvier prochain, ce qui est bien aussi dessus du taux d’inflation. Ceux qui sont dans la catégorie des plus vulnérables auront au moins un peu de répit.
Que des salariés qui reçoivent un salaire de plus de Rs 50 000 soient un peu frustrés, cela se comprend, mais ils sont dans la catégorie des cadres moyens. Ceux-là sont souvent en couple. Ce qui fait qu’ils ont des revenus combinés de Rs 100 000 et un boni équivalent à Rs 200 000 en décembre. Et s’ajoutent souvent à cela des primes en tous genres, de performance notamment, et une gratification supplémentaire tributaire des résultats financiers des groupes où ils évoluent.
Avec la baisse de Rs 5 sur le prix de l’essence, ils économisent également parce que ce n’est pas la catégorie d’automobilistes qui roulent en petite citadine reconditionnée. Ce sont de gros rouleurs qui avalent des kilomètres en un mois et qui font plusieurs pleins de carburant. Au final, leur facture d’essence accusera une baisse non-négligeable.
De toute façon, il y a 67% de Mauriciens de tous les horizons et de toutes les classes sociales qui ont plébiscité l’Alliance du Changement et, dans leur majorité, ils vous diront qu’ils n’ont pas voté pour obtenir un 14e mois ou pour des avantages pécuniaires. Ce plat qui leur avait été servi par l’ancien gouvernement avec les conséquences que l’on sait, ils n’en voulaient plus.
Ils en avaient marre d’un régime tyrannique, autocrate, despote, corrompu et confisqué par une clique. Et cela surprendra peut-être les pleurnicheurs contrits et permanents de savoir que les plus démunis ont souvent pour devise qu’il vaut mieux être pauvre mais libre.
Que c’est préférable pour eux qu’ils soient bien traités dans le service hospitalier public, que leurs enfants ne soient pas broyés par un système d’éducation qui les exclut et avoir des prix à la consommation abordables que de roupies supplémentaires qu’ils rendront ensuite au double au supermarché.
Et ils ont raison. La mentalité du tout fric infusé par le Sun Trust a pu contaminer et pourrir certains cerveaux bassement matérialistes, mais ce n’est heureusement pas le cas de la majorité des Mauriciens honnêtes, travailleurs et qui, avant tout, aiment leur pays.
Le débat sur les dernières annonces du gouvernement ne doit pas nous faire oublier l’essentiel. Que nous avons eu affaire à une bande de « bangoleurs » inégalés dont les « exploits » ont été récemment révélés. La Mauritius Investment Corporation est le symbole même de ce que la gestion du gouvernement MSM a représenté ces dernières années.
Il y avait, certes, une urgence à sauver les entreprises, touristiques surtout, mises sous cloche par le Covid et la fermeture des frontières, mais qui peut comprendre qu’Avinash Gopee, qui loue ses bâtiments au gouvernement et qui occupe des postes clés dans divers organismes publics, aurait été un des heureux bénéficiaires de la manne de la MIC à hauteur de Rs 350 millions pour son projet à Réduit ?
Qui peut trouver acceptable que le transfuge Sham Mathura, celui qui a fait pratiquement tous les partis avant de rejoindre ses semblables au MSM, obtiendrait Rs 55 millions de la MIC pour sa BSP School pendant que Pravind Jugnauth exerçait des pressions sur son ministre Joe Lesjongard pour que son électricité ne soit pas coupée pour défaut de paiements ? Pendant que des consommateurs modestes sont, eux, immédiatement sanctionnés.
Lorsque, sur les enregistrements audio des Moustass Leaks, on entend un Premier ministre plaider auprès de son ministre des Services publics pour que l’école de son agent Sham Mathura ne soit pas privée de courant et qu’il précise que « nou pe ed li, li pou gagn so bann finansma », on ne peut que déduire que c’est de la MIC qu’il s’agit. Il est évident qu’il y a eu intervention politique pour que celui qui a inventé les nouvelles mathématiques de « 3 km allé, 3 km vini » pour justifier le coût exorbitant d’un projet routier à Chebel obtienne un financement public conséquent pour son école privée et payante.
Et dire que l’ancien Premier ministre avait osé affirmer qu’il veillait à l’utilisation de l’argent public comme il l’aurait fait pour ses deniers personnels. Et c’est celui-là même qui n’avait rien trouvé de plus judicieux que de faire bifurquer le tramway par Réduit au coût de Rs 4,5 milliards sur un kilomètre, juste parce qu’il fallait que ce nouveau mode de transport traverse une partie de sa circonscription.
Et comme si tout cela n’était pas déjà assez scandaleux, il avait, un temps, projeté de prolonger la desserte du tram jusqu’à sa structure de prédilection, le complexe de Côte d’Or. Et le bilan de cet éléphant blanc vient d’être rendu public : des chiffres qui donnent le tournis, des dettes de Rs 17,2 milliards au 30 juin 2024, des pertes de Rs 3 milliards sur les taux de change ces cinq dernières années, un déficit annuel de Rs 300 millions et des pertes de Rs 2,1 milliards annuellement sur les prochains dix ans.
Mais le tramway n’est, malheureusement, pas le seul boulet laissé par l’ancien gouvernement. Où que l’on regarde c’est la catastrophe : Air Mauritius, Airports Holdings Ltd, CEB, Wastewater Management Authority. Et dire que c’était ça la toute dernière version du « boom économique ».
JOSIE LEBRASSE