Le samedi 23 novembre 2024 est à marquer d’une pierre noire pour les proches de Bibi Sidicka Oozeerow, 26 ans, qui a rendu l’âme ce jour-là, à l’hôpital SSRN, six mois et 16 jours après avoir plongé dans le coma suite à une grave blessure à la tête, dans des circonstances encore troubles, à l’hôtel Victoria Beachcomber, Pointe-aux-Piments, où elle travaillait comme réceptionniste depuis sept ans. Ses blessures auraient été causées par unechute d’une voiture de golf (buggy) en mouvement. La direction de Beachcomber Group, qui se montre très peu loquace sur cette affaire, n’avait jusqu’ici pas produit les images de la scène de l’accident, en dépit de la présence de CCTV couvrant la zone où a eu lieu l’accident. Nul ne sait si les enquêteurs l’ont demandé ou pas. L’établissement hôtelier a-t-il pleinement collaboré avec la police pour dissiper le flou entourant cette sinistre affaire ? Quid de l’enquête policière ? Autant de questions qui taraudent l’époux et les parents de la défunte qui, sur les conseils de leur avocat, Me Rishi Gooriah, s’attellent à percer ce mystère.
Ils peinent, au départ, à mettre des mots sur ce qu’ils ressentent. Installés dans l’une des pièces de leur demeure à Triolet, Subhana Oozeerow, la mère de la défunte, et son époux, Abdool Swallay Oozeerow, ont les yeux rivés sur Azeer Allymamod, leur gendre éploré qui, l’air hagard, s’agite à la première question. « La vérité doit éclater, car cette histoire ne tient pas la route. Un point c’est tout !» dit-il. Sa belle-mère, dont le visage fermé laisse percevoir toute la tristesse et la tension qui animent la famille depuis ce triste épisode, l’interrompt en confiant qu’ « on se bat pour connaître les causes réelles de la mort de ma fille, mais on se heurte à chaque fois à des explications peu convaincantes du type “ou tifi pa ti bizin dan sa buggy-la ou li’nn sote depi buggy-la”. C’est ce que dit un Personal Manager de l’hôtel ! »
Tragique destin que celui de Bibi Sidicka Oozeerow qui, en quittant son domicile en ce fatidique 7 mai 2024 pour se rendre à son lieu de travail (shift de nuit), ne se doutait pas qu’elle venait d’étreindre son époux pour la dernière fois, prostrée quelques heures plus tard… et à jamais sur un lit d’hôpital, incapable de communiquer avec quiconque et livrer quelques confidences sur cette nébuleuse qui hante ses proches. Comment a-t-on pu en arriver là ?
Azeer Allymamod confie que « mon épouse m’a téléphoné durant la journée pour me demander si je pouvais lui apporter un repas. Mo’nn dir li ki mo pou vinn kit so manze kan mo fini travay dan lapremidi. J’ai emprunté un raccourci, connu comme sime disab, qui mène vers l’hôtel. Je lui ai téléphoné quelques minutes auparavant pour lui dire que je n’étais pas loin d’arriver et elle m’a répondu. » Arrivé aux abords de l’établissement hôtelier, où on a une vue imprenable sur la cour et le parcours emprunté par les buggys, Azeer Allymamod souligne être « tombé des nues en constatant que mon épouse, inconsciente, gisait au sol, à quelques mètres d’un buggy, avec du sang partout sur elle. Il y avait un homme qui était derrière elle. C’était le conducteur dudit buggy. J’ai n’a pas perdu une seconde. Je suis sorti de mon véhicule avant d’enjamber la clôture pour rejoindre ma femme. Mo’nn gagn sok mo lavi kan mo’nn trouv li. »
Bibi Sidicka Oozeerow avait une blessure grave à la tête et le sang giclait également de ses oreilles, de son nez et de sa bouche. « Aucun travailleur n’est à l’abri d’un accident. Afin de prévenir l’aggravation des blessures, l’employeur, surtout lorsqu’il s’agit d’un hôtel de renom, doit être en mesure d’offrir immédiatement des premiers secours. Or, mon épouse était livrée à son sort. Le chauffeur du buggy a-t-il daigné appeler à l’aide ? Je me pose encore la question. J’ai alors crié à l’aide et un taxi est arrivé plus tard pour transporter ma femme à l’hôpital. Dans le taxi, j’ai tenté, en vain, de lui soutirer des mots. À l’hôpital, les médecins m’ont informé que mon épouse était plongée dans le coma. Je n’en croyais pas mes yeux et mes oreilles », souligne Azeer Allymamod.
Non seulement les choses semblent mal engagées, mais la colère de la famille atteint désormais le point d’ébullition face à « la légèreté » avec laquelle l’hôtel Victoria Beachcomber traite et communique sur cette affaire. « Pa enn fwa enn responsab, patron ou enn direkter lotel inn vinn get nou pou donn nou bann explikasion plozib lor seki’nn arive. Ils se sont murés dans un silence assourdissant qui irrite la famille. J’ai tenté de mener ma petite enquête auprès de quelques sources à l’hôtel qui m’ont confié que le conducteur du buggy colporterait la rumeur selon laquelle ma femme a sauté du véhicule lorsqu’elle m’a vu arriver. Qui peut croire à de telles inepties, d’autant que je lui ai téléphoné avant d’arriver à l’hôtel ? » soutient notre interlocuteur.
Au sentiment d’impuissance face aux zones d’ombre entourant ce triste épisode s’ajoutent la colère et l’incompréhension face à certains aspects de l’enquête. Au niveau du poste de police de Trou-aux-Biches, on souligne que sans le témoignage de la victime, le statu quo demeure. Les forces de l’ordre ont-elles exigé de l’hôtel Victoria Beachcomber qu’elle lui fournisse les images des caméras CCTV surplombant les quatre coins de l’établissement ? Lesdites caméras fonctionnaient-elles au moment de l’accident présumé ? Ces questions restent sans réponse à ce stade. Les semaines s’égrènent, mais Bibi Sidicka Oozeerow reste plongée dans le coma. Rongée par le chagrin et la colère, la famille s’offre alors les services de l’homme de loi Me Rishi Gooriah dans sa soif de justice. « Je me suis heurté à des explications peu convaincantes de la part de la police qui ne semblait pas prendre au sérieux cette affaire. »
Me Rishi Gooriah soulève un détail troublant qui met à mal le socle même de l’enquête policière : « La police aurait dû sécuriser les vêtements tachés de sang que portait la victime et les remettre au Forensic Science Laboratory (FSL) où des tests ADN plus approfondis auraient pu éventuellement détecter la présence, ou pas, d’autres indices essentiels. Tel n’a pas été le cas. Du coup, l’hôpital a remis les dits vêtements aux parents. Ce n’est que 10 jours après l’accident du 7 mai 2024 que des policiers en civil, ki pa ti pe kondir loto lapolis, sont venus récupérer les vêtements. »
L’homme de loi souligne que « j’avais demandé un rapport médical aux responsables de l’hôpital SSRN, mais ce n’est que le 12 novembre dernier, soit 11 jours avant le décès de Bibi Sidicka Oozeerow, qu’on me l’a faite parvenir. » Dans le rapport medical, qui donne froid dans le dos, on peut lire en substance que « the patient was brought to hospital on 07.05.2024 at 17.36 p.m with an alleged history of fall from a Golf club at the place of work. Poor history available. She had substained trauma to right parieto-occipital region. There was history of loss of conscious, vomitus and bleeding from both ears. CT scan head revealed a scalp swelling in the right temporo-parietal region with underlying right temporal skull bone fracture, involving the right mastoid bone with through and through fracture anteriorly and posteriorly with mild hematoma within and adjacent mild intracranial air leak. There was also a right temporo-occipital bone fracture perpendicular to the mastoid fracture, perpendicular to the mastoid fracture with underlying small extradural hematoma measuring 7mm in thickness ».
Le couperet tombe comme un coup de massue, 11 jours après la réception du rapport médical par Me Rishi Gooriah. Bibi Sidicka Oozeerow rend l’âme, au grand désespoir de ses proches qui croyaient dur comme fer qu’un miracle pouvait survenir. Après une semaine de deuil, c’est désormais le branle-bas de combat du côté de la famille endeuillée, qui entend jouer son va-tout dans une ultime tentative de faire éclater la vérité. Lorsqu’elle est enrôlée par l’hôtel Victoria Beachcomber il y a sept ans, Bibi Sidicka Oozeerow connaît des débuts que tout le monde s’accorde à qualifier de prometteurs, dont ses formateurs qui vanteront les mérites de la jeune femme auprès de ses parents. Submergés par l’émotion, ces derniers se remémorent des jalons importants de la vie passée avec leur fille. « C’était une enfant respectueuse et une travailleuse acharnée, et qui aspirait à une grande carrière dans l’établissement auquel elle était dévouée. Elle était toujours disponible pour remplacer ses collègues qui s’absentaient. Li’nn mor laba mem dan lindiferans ek mepri », soutient Subhana Oozeerow.
Compte tenu des zones d’ombre entourant cette affaire et face à la soudaineté avec laquelle l’irrémédiable s’est produit, les plus sincères condoléances ne suffiront pas à apaiser la douleur de la famille qui n’entend pas, pour autant, jeter l’éponge dans sa quête de vérité. La balle est donc désormais dans le camp de la police, qui devra changer son fusil d’épaule et mener une enquête digne de ce nom pour démêler le vrai du faux dans cette affaire.
La réaction de Beachcomber Group : « Une enquête policière est en cours… »
« Manque d’empathie, silence suspect, propos désobligeants et contre-vérités », sont les adjectifs qui reviennent en boucle du côté des proches de Bibi Sidicka Oozeerow pour qualifier la manière dont la direction de l’hôtel Victoria Beachcomber de Pointe-aux-Piments se comporte face à ce tragique événement. Week-End a questionné la cellule de communication de Beachcomber Group sur divers aspects de cette affaire, dont les rumeurs selon lesquelles les caméras CCTV de l’hôtel ne fonctionnaient pas et le mystère autour de la conduite du chauffeur du buggy, un type de véhicule roulant autour de 10 km à 15 km/h en temps normal. On a eu droit à une réponse laconique : « Nous sommes profondément attristés par ce qui s’est passé. Une enquête policière est en cours et nous ne pouvons malheureusement donner plus de détails. »