Mettant fin à des années de dispute : Maurice retrouve sa souveraineté historique sur les Chagos mais…

L’île stratégique de Diego Garcia abritant une base militaire conjointe entre le Royaume-Uni et les États-Unis restera sous contrôle britannique sur la base d’un bail de 99 ans

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Les deux parties doivent encore finaliser un traité pour officialiser dans le détail l’accord

C’est un Pravind Jugnauth réjoui et heureux qui a officiellement annoncé la nouvelle à la nation : « Notre République est en train de vivre un moment historique. Je viens d’avoir une conversation téléphonique avec le Premier ministre britannique, sir Keir Starmer, et nous sommes parvenus à un accord sur les Chagos. Je suis fier de vous annoncer que l’Angleterre, à travers cet accord, reconnaît notre souveraineté sur les Chagos, incluant Diego Garcia.… Le verdict de la CIJ en 2019 était sans appel. Ils ont reconnu que l’excision des Chagos du territoire de Maurice était illégale. Et ils avaient demandé que Maurice puisse exercer sa souveraineté sur les Chagos au plus vite. Depuis 2022, nous avons eu des discussions avec l’Angleterre. J’ai participé à des sessions de travail et des négociations avec le gouvernement britannique. Cela n’a pas été facile. Je suis fier et ému d’avoir réussi dans notre combat… Aujourd’hui, 56 ans après notre indépendance, notre décolonisation est complétée. Aujourd’hui, notre hymne national résonne encore plus fort sur tout notre territoire. Aujourd’hui, c’est avec beaucoup d’émotions que je dis à tous les Mauriciennes et Mauriciens : merci et vive la République de Maurice ! »

Un sentiment de bien-être national a traversé le pays à ce moment-là. Pravind Jugnauth a alors accueilli Olivier Bancoult dans son bureau pour une accolade historique en présence d’autres Chagossiens. Ceux qui avaient attendu si longtemps auront maintenant la possibilité de retourner sur leur terre natale. C’est sans doute ce moment émouvant qui a poussé le Premier ministre à accélérer le processus de dissolution de l’Assemblée nationale, annonçant des élections générales pour le 10 novembre.

Cela dit, après les premières émotions, des voix se sont élevées pour critiquer certains aspects de l’accord, notamment celle de l’ancien président Cassam Uteem qui exprime dans cette édition sa déception : « Maurice est en train de reperdre – cette fois-ci avec le plein accord du gouvernement mauricien – une partie des Chagos. Au lieu de retrouver son entière souveraineté sur l’ensemble de l’archipel, Maurice est en train d’en offrir une partie importante aux États-Unis à travers la Grande-Bretagne… »

L’opposition, initialement sceptique, a retrouvé toute sa verve dès l’annonce des élections, transformant cet accord en sujet de débat politique. Elle critique notamment le droit du Premier ministre à décider seul d’une question aussi capitale pour le pays, soulignant la perte définitive de Diego Garcia. D’autres préfèrent attendre la finalisation du traité avant de se prononcer et de donner un avis plus éclairé.

13 séries de négociations

et de pressions internationales

Pour revenir à la nouvelle principale, le Royaume-Uni a accepté de restituer les îles Chagos à Maurice, mettant fin à des décennies de différends houleux concernant cette dernière colonie africaine britannique. Cet accord, fruit de 13 séries de négociations et de pressions internationales, marque un tournant historique pour les Chagossiens expulsés de leurs terres dans les années 1960 et 1970. Ces expulsions, qualifiées de crime contre l’humanité, restent l’un des épisodes les plus honteux du colonialisme post-Seconde Guerre mondiale.

Le Premier ministre britannique, Keir Starmer, et Pravind Jugnauth ont salué cet accord, le qualifiant de « moment charnière dans notre relation et une démonstration de notre engagement commun à résoudre pacifiquement les conflits et à respecter l’État de droit ». Le président américain Joe Biden a également applaudi ce « Historic Deal », déclarant qu’il s’agissait d’une « démonstration claire que, par la diplomatie et le partenariat, les pays peuvent surmonter des défis historiques de longue date pour parvenir à des résultats pacifiques et mutuellement bénéfiques. »

Un communiqué conjoint des gouvernements britannique et mauricien indique que l’accord vise à « réparer les torts du passé » et à soutenir le bien-être des Chagossiens. Le secrétaire britannique aux Affaires étrangères, David Lammy, a souligné que l’avenir de la base militaire de Diego Garcia était assuré. Malgré ces appuis, l’accord a été critiqué par les quatre candidats à la direction du Parti conservateur, qui estiment qu’il nuit aux intérêts du Royaume-Uni.

L’accord permettra aux Chagossiens de revenir sur leurs terres, bien que l’île stratégique de Diego Garcia, abritant une base militaire conjointe entre le Royaume-Uni et les États-Unis, restera sous contrôle britannique. La création de cette base avait motivé la séparation des îles Chagos du reste de Maurice lors de l’indépendance en 1968, entraînant le déplacement forcé d’environ 2 000 personnes.

Un traité à finaliser

Les négociations, entamées en 2022, représentent un changement radical après des années de résistance britannique face aux décisions judiciaires et aux résolutions des Nations Unies, notamment l’avis consultatif de la Cour internationale de Justice en 2019. Les deux parties doivent encore finaliser un traité pour officialiser l’accord. En vertu de ce traité bilatéral à signer, Port-Louis se verrait accorder un « package de soutien financier » de Londres, comprenant un « paiement annuel indexé pour la durée de l’accord. »

Olivier Bancoult, président du Groupe Réfugiés Chagos, a accueilli la nouvelle avec satisfaction. Lui-même expulsé à l’âge de quatre ans, il qualifie cette journée de « grande victoire ». « C’est une reconnaissance des injustices subies par les Chagossiens », a-t-il déclaré. Il espère que les Chagossiens pourront être prioritaires pour des emplois sur la base militaire de Diego Garcia.

Toutefois, certains membres de la communauté chagossienne, notamment au Royaume-Uni, ont réagi avec plus de réserve. Selon The Guardian, certains ne voient pas d’un bon œil que la souveraineté soit transférée à Maurice et n’envisagent pas de retourner sur les îles. Human Rights Watch a également exprimé des inquiétudes. Clive Baldwin, conseiller juridique senior de l’organisation, a déclaré : « L’accord ne résout pas entièrement les torts subis par les Chagossiens, car il ne garantit pas leur retour et semble explicitement les interdire de Diego Garcia pour un siècle encore. » HRW insiste sur la nécessité de consulter la communauté chagossienne de manière significative et de prévoir des réparations complètes pour les souffrances infligées.

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