Élections : trente-sept jours pour convaincre

Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, a mis enfin fin vendredi après-midi à un suspense qui durait depuis trop longtemps. « Cela fait cinq ans que vous nous avez fait confiance et que nous avons rempli notre contrat avec la population en tant qu’équipe responsable et stable », a-t-il annoncé solennellement dans une déclaration télévisée, avant d’annoncer que, conformément à ses prérogatives, il avait conseillé au président de la République de dissoudre l’Assemblée nationale et de publier le Writ pour les prochaines élections, qui aura lieu le 10 novembre, alors que la date pour le dépôt de candidatures a été fixée au 22 octobre.
À la différence de la partielle qui, comme prévu n’aura pas lieu, le Premier ministre a opté pour une campagne courte, avec seulement 19 jours de campagne officielle. C’est-à-dire entre le dépôt de candidatures et les élections générales. Les services de télévision nationale auront du fil a retordre pour organiser les émissions politiques durant cette courte période.
Un événement tuant un autre, l’annonce de la date des élections a coupé court aux débats autour de l’accord entre Maurice et la Grande-Bretagne concernant l’exercice de souveraineté de Maurice sur les Chagos, y compris Diego Garcia. Toutefois, l’accord prévoit que Maurice devra céder l’exercice de sa souveraineté sur Diego pour une période initiale de 99 ans. Les dés sont jetés et, maintenant, tous les partis politiques se retrouvent sur un pied d’égalité, et chacun devra montrer rapidement ses cartes afin que la population puisse les regarder à visage découvert avant de faire son choix.
Fini donc maintenant les cérémonies de pose de première pierre ou les inaugurations de tout genre; l’heure est maintenant aux débats sur les programmes, les équipes qui seront présentées par les uns et les autres, et le bilan. Le Premier ministre a eu raison hier de lancer un appel pour que chaque patriote fasse son devoir civique et aille voter, et de souhaiter que la campagne électorale se déroule dans l’ordre, la discipline et le respect de la démocratie.
On note également son appel aux médias pour que celles-ci jouent leur rôle avec responsabilité afin qu’il n’y ait pas de dérapage. Il va sans dire que cette remarque s’applique également pour la télévision et la radio nationales, qui seront tenues de revoir leurs pratiques, caractérisées par la partialité.
Le comportement de la MBC pourra être pris en compte pour décider si la campagne électorale s’est déroulée de manière free and fair. Durant cette période délicate nous avons une pensée spéciale pour le commissaire électoral, Irfan Abdool Rahman, et souhaitons qu’il passe sa convalescence dans les meilleures conditions afin qu’il puisse être présent pour ces élections générales, présentées par le Premier ministre comme « un rendez-vous avec l’histoire ». On sait que l’Alliance du Changement, qui se présente comme le principal adversaire de l’alliance gouvernementale, et dont le leader, Navin Ramgoolam, a confirmé qu’il sera candidat dans la circonscription No 5, estime que ces élections seront comparables à celles de 1967.
En tout cas, l’accord sur les Chagos, qui est intervenu à la veille de la dissolution du Parlement, occupera une place dans les débats dans le cadre de la campagne électorale. Pour la première fois, le gouvernement britannique a accepté dans un document que Maurice ait le droit de souveraineté sur les Chagos et accepte de ce fait la résolution adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en faveur de Maurice. Du coup, les BIOT n’existent plus. Certes, il y a encore du chemin à parcourir, aussi bien à Maurice qu’en Grande-Bretagne, avant la signature du traité final, surtout que la cession de la souveraineté mauricienne à la Grande-Bretagne sur Diego Garcia en fait sourciller plus d’un à Maurice.
Cet accord intervient également à un moment où la géopolitique dans la région de l’océan Indien connaît une évolution rapide. Nous assistons en effet à une montée en force de l’Inde, puissance nucléaire, qui, dans le cadre de la politique de multi-alignement, est devenue un partenaire privilégié des Etats-Unis. Ce qui fait soupçonner qu’elle a joué un rôle dans l’accord sur les Chagos. Ce pays a fait de la sécurité dans l’océan Indien une de ses priorités. Il reviendra au prochain gouvernement de s’assurer que Maurice joue pleinement son rôle dans ce domaine dans la région de l’océan Indien.

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Jean Marc Poché

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