Pravind Jugnauth : « Vishal Shibchurn doit avoir rencontré le fantôme de Manan Fakoo (pour les besoins de son affidavit) »
Le leader de l’opposition forcé de se rétracter en parlant de « Massive Cover-Up » dans le meurtre du chef agent du MSM au No 8
Les vacances parlementaires, avec très probablement la dissolution avant les prochaines élections générales, ne sont que partie remise. En effet, le gouvernement joue les prolongations (Extra-Time) avec une nouvelle séance convoquée pour lundi après-midi. Très probablement à l’agenda : les débats sur la Motion of No Confidence déposée par l’opposition contre le Speaker, Adrien Duval. Ce ne sera qu’après cet Unfinished Parliamentary Business que les parlementaires pourront être libérés de toute contrainte au sein de l’hémicycle.
La séance d’hier après-midi a été dominée par la Private Notice Question du leader de l’opposition, Arvin Boolell, au Premier ministre et Leader of the House, Pravind Jugnauth, avec en toile de fond le Tell-All Affidavit de Vishal Shibchurn. Pravind Jugnauth s’est attardé à discréditer la teneur de l’affidavit en soulignant que « Vishal Shibchurn doit avoir rencontré le fantôme de Manan Fakoo ». Il faisait allusion au paragraphe 30 de l’affidavit, où il est question d’une rencontre avec Manan Fakoo en janvier 2022 alors que celui-ci avait été abattu par balle le 20 janvier 2021 devant son domicile, à Beau-Bassin. Il s’est aussi acharné contre Simla Kistnen en citant de larges extraits du jugement de la Cour intermédiaire contre elle.
De son côté, le leader de l’opposition a dû se rétracter quand il a qualifié l’enquête sur le meurtre de Kaya Kistnen de Massive Cover-Up. Par contre, le Speaker n’a pas eu la partie facile avec les interruptions de l’hémicycle. Il s’est cependant gardé d’emboîter le pas à son prédécesseur, Sooroojdev Phokeer, se contentant de menacer d’agir aux termes des dispositions des Standing Orders au lieu d’ordnner des expulsions Les échanges lors de la PNQ auront duré exceptionnellement 43 minutes.
Dans sa Private Notice Question (PNQ), le leader de l’opposition était en quête d’un Update des enquêtes initiées sur le meurtre de Soopramanien Kistnen survenu en octobre 2020. Dans sa réponse liminaire, Pravind Jugnauth, est revenu sur les éléments de réponses des précédentes PNQs du 18 octobre 2022 et du 14 mai 2024 aussi bien que la PQ du 9 mai 2023. Il reprendra la chronologie avec la découverte du corps calciné de Kaya Kistnen dans un champ de cannes à Telfair, Moka, le 18 octobre 2020.
L’autopsie devait conclure que le défunt était décédé d’un œdème pulmonaire, dit le Premier ministre, qui ajoute qu’un Reward de Rs 400 000 devait être versé à toute personne, susceptible de fournir des informations à la police en vue de résoudre cette énigme.
Pravind Jugnauth a par ailleurs indiqué que le commissaire de police l’avait informé au cours de l’enquête que l’épouse du défunt avait déclaré que son mari était entrepreneur, mais qu’il ne travaillait plus depuis un mois, car ayant subi une intervention chirurgicale majeure. L’homme faisait en outre face à des difficultés financières et était incapable de rembourser plusieurs dettes contractées dans les derniers mois précédant sa mort.
Simla Kistnen avait par ailleurs expliqué que son défunt époux était parfois accompagné d’un certain S.C. Ainsi, le 16 octobre 2020, celui-ci avait récupéré Kaya Kistnen en voiture. Son époux n’est jamais rentré. Finalement, le 18 octobre 2020, vers 22h, Simla Kistnen a été informée par la police de la découverte du cadavre de son mari.
Le Premier ministre a aussi indiqué qu’une enquête judiciaire sur le décès Soopramanien Kistnen s’est déroulée devant le tribunal du district de Moka du 4 décembre 2020 pour prendre fin le 21 novembre 2021.
Sur la base des Findings du tribunal de Moka, le Directeur des Poursuites Publiques a conseillé à la police de mener une enquête approfondie avec la plus grande diligence et professionnalisme sur ce décès, prenant en considération l’emploi de la veuve comme Constituency Clerk, les irrégularités présumées lors des dernières élections générales, en référence au carnet de Soopramanien Kistnen, soit les Kistnen Papers, le chantage présumé du défunt envers l’ex-ministre Yogida Sawmynaden concernant l’attribution de contrats par la STC et d’autres organismes pendant le confinement dû au Covid-19, en 2020, et, finalement, sur l’autopsie du défunt pratiquée par le médecin légiste.
Au chapitre de l’emploi de la veuve de Soopramanien Kistnen en tant que Constituency Clerk, qui a fait l’objet d’un procès devant la Cour intermédiaire, le Premier ministre a cité de larges extraits du jugement prononcé par le magistrat le 30 mai dernier, et qui a rejeté les accusations de Simla Kistnen. S’appuyant sur les attendus du jugement de la Cour intermédiaire, Pravind Jugnauth s’est lancé dans une virulente offensive de dénigrement de la veuve de Kaya Kistnen.
À ce stade, des interventions et des protestations du leader de l’opposition et d’autres membres de ce côté de la Chambre ont interrompu de fait l’intervention du Premier ministre, estimant que cela ne faisait pas partie de la PNQ et que le Premier ministre s’attaquait à la personnalité de la veuve Kistnen. Pravind Jugnauth a dû reprendre à plusieurs reprises, au moins trois fois, les extraits de ce jugement, alors que des avertissements étaient administrés par le Speaker aux membres de l’opposition, dont Patrick Assirvaden, Shakeel Mohamed et Rajesh Bhagwan, qui faisait son retour dans l’hémicycle après sa suspension, menaçant de prendre des sanctions contre eux.
Alors que la situation était tendue au sein de l’hémicycle, des échanges hostiles fusant entre les députés PTr-MMM-ND et le camp du MSM, un clash a éclaté entre les deux Senior MLA Rajesh Bhagwan et le leader du PMSD Xavier-Luc Duval. Les deux hommes ne se sont pas ménagés et ont haussé le ton entre eux.
Le secrétaire général du MMM devait faire comprendre au Speaker Adrien Duval que « to pir ki Phokeer » alors que ce dernier tentait de faire régner l’ordre lorsque Pravind Jugnauth et Shakeel Mohamed s’échangeaient sur la question de pratique en tant qu’homme de loi. Agacé par le commentaire passé sur son fils, Xavier-Luc Duval aurait demandé à Rajesh Bhagwan de se taire.
« Pa rod lamerdman ar mwa », lui aurait répondu le député du MMM. Adrien Duval a alors averti à Rajesh Bhagwan de bien se tenir alors qu’il revenait dans la Chambre après une longue suspension. « Ask your father, he has been threatening me », a fait comprendre l’élu du MMM. XLD aurait par la suite été aperçu tentant de calmer le jeu, s’excusant auprès de Rajesh Bhagwan.
De son côté, reprenant le fil de sa réponse, le Premier ministre s’est évertué à faire la démonstration que la version de Simla Kistnen était truffée d’incohérences et de contradictions substantielles. Le magistrat avait donc rejeté l’information sur les deux chefs d’accusation contre l’ancien ministre Sawmynaden.
Quant aux allégations de malversations lors des dernières élections générales, en référence aux Kistnen Papers, une enquête, qui a été ouverte au CCID suite à une correspondance de ReA au commissaire électoral, est en cours. Cette affaire portant sur des violations présumées de certaines dispositions de la loi sur la Representation of the People Act, 11 déclarations de neuf personnes ont été enregistrées. L’affaire avait été renvoyée à la défunte Independent Commission Against Corruption (ICAC) pour enquête, et a maintenant été reprise par la Financial Crimes Commission.
Enfin, concernant la manière dont l’autopsie du défunt avait été pratiquée par le médecin légiste de la police, le Premier ministre a indiqué que l’enquête a déjà été bouclée. Toujours en ce qu’il s’agit de l’autopsie, des échantillons ont été transmis par la police à un laboratoire français pour examen. Laboratoire qui, rappelle Pravind Jugnauth, a confirmé le rapport initial du médecin légiste.
Par ailleurs, dans le cadre de l’enquête initiale sur le meurtre de Kaya Kistnen, 98 personnes ont été interrogées par le CCID. Jusqu’à présent, aucune arrestation n’a eu lieu et l’enquête est toujours en cours.
Le Premier ministre a conclu sa réponse liminaire en affirmant qu’il est aussi impatient que les proches de feu Soopramanien Kistnen de voir l’enquête policière se terminer rapidement, ajoutant être désireux de voir « le ou les auteur(s) de ce crime odieux traduit(s) en justice et obligé(s) de payer » pour le crime commis.
D’autre part, en des termes à peine voilés, Pravind Jugnauth a ajouté que « let me also restate in unequivocal terms that I will see to it that the rule of law prevails and that any individual or group of persons who directly or indirectly have conspired to tarnish the image and reputation of innocent people or institutions through this case will have to assume their responsibilities and bear consequences of their action. Nonetheless, Police enquiry will pursue and action will be taken without fear or favour ».
Boolell : Le Premier ministre a déclaré qu’il souhaitait voir une conclusion rapide de l’enquête policière sur cette affaire. Quelles mesures ont été prises pour mener à bien l’enquête policière ?
Jugnauth : J’ai toujours maintenu la même position, à savoir que la police enquête sur l’affaire. Et je ne suis pas enquêteur, je ne suis pas l’institution chargée d’enquêter. Je dépendrai donc et je compterai sur tout progrès réalisé par la police. L’enquête n’est donc pas encore terminée.
AB : Permettez-moi d’en venir aux séquences vidéo. Toutes les séquences du Safe City Network sont stockées sur un système Cloud. Est-ce que le Premier ministre peut prendre l’engagement que ces images seront récupérées ?
PJ : Je pense qu’il a la tête dans les nuages. S’il sait où se trouvent les images, il peut toujours consigner une déposition à la police et dire qu’il a la preuve qu’il y a des images et qu’elles sont dans un nuage. D’après ce que m’a dit la police, toutes les images possibles des caméras du Safe City Network ont été sécurisées. Ils ont dû visionner toutes ces images. Et quelles que soient les preuves dont ils disposent, ils s’en serviront.
AB : Venons-en maintenant au spécimen qui a été envoyé en France. Le Premier ministre peut-il déposer l’avis de l’institut concerné ?
PJ : Certainement pas, parce que l’enquête n’est pas terminée. Comment puis-je déposer des documents issus d’une enquête en cours ?
AB : Le Premier ministre peut-il dire si d’autres échantillons, y compris des prélèvements au cou de la victime, ont été envoyés pour enquête afin de confirmer qu’il s’agissait d’un meurtre par strangulation ?
PM : Je ne peux pas dire quel genre de spécimen a été envoyé.
AB : Cover-up!
PJ : Le leader de l’opposition doit retirer le terme Cover-Up !
Speaker : L’honorable chef de l’opposition doit retirer qu’il s’agit d’un Cover-up.
Arvin Boolell obtempère et passe à une autre question, laquelle est relative au deuxième avis.
PJ : Des spécimens ont été envoyés au laboratoire en France et ils ont confirmé les conclusions du rapport d’autopsie du médecin légiste. Maintenant, je ne peux pas dire quel spécimen ou quel prélèvement leur a été envoyé. Bien sûr, je peux essayer de trouver cette information Si on me demande de donner davantage d’informations à ce sujet, bien sûr que je le ferai. Mais c’est une question relative à une enquête en cours. Et je ne pense pas qu’il serait approprié que je donne des détails particuliers sur le rapport d’autopsie.
AB : Le Premier ministre a-t-il été informé par le commissaire de police de deux correspondances de Vishal Seechurn en date du 25 octobre 2021 et novembre 2021 adressées par courrier recommandé au commissaire de police puis à Herman Jankee concernant le meurtre de Kaya Kistnen ?
PJ : Le leader de l’opposition s’appuie sur des soi-disant allégations ou témoignages d’un certain Seechurn. Il a mentionné son nom. C’est pourquoi je peux citer son nom. Savez-vous qui est cette personne ?
Le Premier ministre cite les nombreuses affaires pénales dans lesquelles ce dernier a, selon la police, été impliqué. Il ajoute qu’il vient de faire une déclaration sous serment, rédigée par un avocat qui n’est autre qu’un membre actif du Parti travailliste).
AB : Sait-il que la police avait interrogé Vishal Seechurn dans le passé et qu’il avait déclaré qu’il ne savait rien, qu’il n’était pas impliqué dans cette affaire et qu’il ne savait rien non plus sur le meurtre de Kaya Kistnen. J’ai également lu cet affidavit qu’il a juré, qui contient un tissu de mensonges. Au paragraphe 30, il dit : « Vers début janvier 2022, j’ai rencontré Manan Fakoo pour discuter de certaines activités religieuses et sociales… » Savez-vous que Manan Fakoo est décédé le 22 janvier 2021.
Bruits au sein de l’hémicycle.
PJ : Il a dû rencontrer le fantôme de Manan Fakoo. Et c’est sur ce genre de personnes que le chef de l’opposition compte pour poser ses questions.
Shakeel Mohamed : J’aimerais poser la question suivante au Premier ministre. Pourquoi et comment se fait-il qu’une force de police en qui nous sommes censés avoir confiance ne puisse en aucun cas expliquer comment des caméras de vidéosurveillance du Safe City Network, présentes à moins de 300 mètres d’où le cadavre de Kaya Kistnen a été trouvé, ont été purement et simplement retirées, et que les images de cette caméra particulière aient tout simplement disparu ? Est-ce une coïncidence ?
PJ : Je ne sais pas quelles images la police a en sa possession lorsqu’elle a récupéré des images d’une caméra qui, selon elle, seraient probablement pertinentes pour cette affaire. Comment puis-je le savoir ? Je ne suis pas en possession de ces images. Mais permettez-moi de dire une chose, et surtout à l’honorable Mohamed, parce que vous savez, je dois dire que c’est un cas très regrettable que jusqu’à présent, alors que l’on soupçonne qu’un meurtre a été commis, la police continue d’enquêter et qu’elle n’a même pas pu identifier au moins un suspect.
À ce stade, le Premier ministre affirme que ce n’est pas la première fois que cela se produit et cite le cas de Rajeshwar Indur, agent du parti Travailliste, dont la mort n’a pas encore été élucidée. Il s’est ensuite dit prêt à citer d’autres cas, malgré les protestations de membres de l’opposition. Répétant encore que, dans le passé, des cas n’ont pas été élucidés, Pravind Jugnauth reconnaît néanmoins que cela ne justifie pas que des cas où il y a eu des soupçons de meurtre ne soient pas tirés au clair.
AB : Aujourd’hui, son entourage est accusé d’avoir orchestré les meurtres.
Speaker : C’est tout à fait inapproprié. Vous imputez maintenant des accusations. Vous lancez des calomnies, des calomnies très graves. S’il vous plaît, reformulez votre question !
AB : Le Premier ministre a ouvert la porte en faisant référence à l’affidavit. de Vishal Shibchurn
Il cite une partie de l’affidavit où il est question d’une somme de Rs 325 millions avec les noms de Bassoo Seetaram et de Kobita Jugnauth faisant partie des allégations.
La séance de PNQ s’est alors terminée dans la confusion. Le Speaker a rappelé à l’ordre l’opposition avant de passer la parole à Salim Abbas Mamode pour intervenir sur la motion privée, alors que les membres de l’opposition, y compris Xavier-Luc Duval, quittaient l’hémicycle.