- En 72 heures, il récolte 10 000 euros. Brillant étudiant, il avait réussi le concours en médecine avec mention « grands admis »
Dimanche dernier, à court d’argent, Waleed Hamuth, 18 ans, lance une cagnotte en ligne pour financer ses dépenses afin de poursuivre sa deuxième année d’études en médecine à la Sorbonne Université, la plus prestigieuse en sciences humaines de France. 72 heures plus tard, il récolte 10 000 euros,
de quoi pour assurer ses études à la prochaine rentrée, mais aussi pour amorcer la troisième année. Un an plus tôt, ses demandes de parrainage avaient été refusées par des entreprises et institutions locales. Son père, quincaillier, avait alors rassemblé chaque roupie de ses économies pour lui permettre de passer le concours (première année) de médecine. Waleed Hamuth ne l’a pas déçu. Le jeune homme est classé 91e sur 1 525 candidats avec mention « grands admis ». Waleed Hamuth, qui ambitionne de devenir neurochirurgien, nous explique comment grâce à une idée de ses amis, il peut envisager son avenir.
« Je n’avais pas fait tout ce chemin et mes parents n’avaient pas puisé dans toutes leurs économies pour ma première année à la Sorbonne pour rien. Je ne pouvais pas abandonner, je me devais de trouver une solution pour financer ma deuxième année d’études », nous dit Waleed Hamuth. Rien n’aurait pu arrêter le jeune homme à poursuivre son rêve : devenir médecin, voire plus, « devenir un des plus grands chirurgiens de Maurice. » Bien loin d’être prétentieux, Waleed Hamuth est plutôt pragmatique et surtout extrêmement déterminé. S’il fournit autant d’efforts, c’est pour être à la hauteur, sinon le meilleur. Et c’est d’ailleurs sa détermination qui explique l’admiration et le respect que lui voue son entourage.
Félicitations du jury au Bac
En se classant 91e, sur 1525 candidats avec mention « grands admis » au concours de médecine — déterminant pour ses années d’études à la Sorbonne Université — et sans préparation externe, Waleed Hamuth n’a qu’un souhait : poursuivre sa formation. Ses résultats sont trop prometteurs pour mettre un frein à ses études. De plus, après une année passée dans la plus grande université de sciences humaines de France et de travail assidu, le Mauricien ne veut pas abandonner, et ce, même si l’argent se posait en obstacle.
Connaissant le potentiel académique du jeune habitant de The Vale, ses anciens camarades de classe du Lycée des Mascareignes lui suggèrent alors de lancer une cagnotte en ligne. Tous se souviennent de sa performance aux épreuves de baccalauréat (Bac) et au brevet, où il avait décroché les félicitations du jury. Pas étonnant avec 20 sur 20 en sciences de la vie et de la Terre et 19 en physique/chimie ! Le but de la cagnotte était de collecter le fonds nécessaire pour financer les dépenses à couvrir durant la deuxième année de ses études. Notamment le logement qui revient entre 900 à 1 000 euros par mois, les frais d’inscription de 2 7 00 euros, le transport, environ 400 euros pour l’année. Waleed Hamuth est à ce moment-là de passage à Maurice. Aussitôt proposée, l’idée de la cagnotte est vite adoptée.
Il y a tout juste une semaine, Waleed Hamuth lance un appel sur les réseaux sociaux et y inclut le lien de la cagnotte. « L’objectif de mes amis était de partager le lien de la cagnotte auprès de leurs familles et proches. Mais je me suis rendu compte que cela avait dépassé non seulement le cercle des amis et de leurs proches, mais que le montant dont j’avais besoin, soit 8 000 euros, avait été atteint », confie l’étudiant.
En moins de 72 heures, il récolte un peu plus de 10 000 euros. Pour des raisons de transparence, chaque montant versé est affiché sur le site de la cagnotte. « C’est un montant qui va couvrir ma deuxième année d’études et une partie de la troisième année », explique Waleed Hamuth en témoignant sa reconnaissance envers ses amis, leurs proches, des expatriés français à Maurice et tous ceux qui ont contribué à transformer son rêve en réalité.
« J’ai la capacité de réussir »
Faire honneur à ses bienfaiteurs en étant à la hauteur de la confiance qu’ils lui ont fait est à ses yeux bien plus qu’une promesse. « Je sais que j’ai la capacité de réussir, c’est pour cela que j’ai pris la décision d’ouvrir une cagnotte », concède Waleed Hamuth.
Parce que l’éducation de son fils, Waleed, et de ses deux filles n’a pas de prix à ses yeux, Abdool Rakid Hamuth, quincaillier, n’avait pas hésité à puiser dans les économies de toute une vie pour envoyer son aîné à Paris. De la tendresse dans la voix, de l’émotion dans le regard, Waleed Hamuth confie en toute humilité que son père a toujours voulu offrir à ses enfants une éducation dont il n’avait pas bénéficié.
Lorsqu’enfant Waleed n’obtient pas de place à l’école gouvernementale de sa région, Abdool Rakid Hamuth et son épouse, Tasslim Kassam, de nationalité mozambicaine, décident de l’inscrire dans une école privée où l’éducation donnée est celle du système français. Avant de partir pour la France, Waleed Hamuth avait frappé à plusieurs portes pour trouver des sponsors afin de financer ses études. Mais sans succès. « Je comprends la réaction des entreprises. Comme le concours d’entrée à la Sorbonne est extrêmement dur, elles ont hésité à parier sur moi, car elles n’avaient aucune garantie que j’allais réussir », dit Waleed Hamuth.
Lorsqu’il atterrit pour la première fois à l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle, âgé alors de 17 ans, le jeune Mauricien, projeté dans un monde XXL, seul, sans repère, garde en tête son objectif, malgré le poids de la séparation d’avec sa famille. Cette coupure a été très dure, concède-t-il : « J’appelais ma famille tous les jours. » Mais c’est aussi pour elle qu’il reviendra après les 14 ans d’études et d’internat à l’hôpital Pitié-Salpêtrière qui l’attendent.
« Je suis fier d’être Mauricien »
S’il est au début de ses études, le retour au pays pour y exercer est une question à laquelle il a réfléchi. « Je reviendrai pour ma famille », dit-il d’emblée.
« Quant à exercer, si je rentre pour ma famille, il faudra aussi travailler. Est-ce que je pourrai travailler dans le secteur public ? Je sais d’avance que si je travaille dans un hôpital à Maurice, je ne pourrai jamais récupérer l’investissement de 14 années d’études en médecine. L’absence de perspectives d’emploi et le salaire peu attractif sont des facteurs qui empêchent les jeunes de rentrer au pays après leurs études à l’étranger.
Même si nous n’avons pas les mêmes opportunités qu’offrent les grands pays, je suis fier de Maurice et d’être Mauricien. J’aime ma vie d’insulaire et la diversité du peuple de mon pays », confie Waleed Hamuth.
La médecine et la quincaillerie
Si dans la famille la médecine n’est pas une affaire génétique, Waleed Hamuth explique qu’il a toujours été attiré par cette filière. « J’ai toujours voulu être médecin. Les recherches m’intéressaient beaucoup également. Mais en recherche, il n’y a pas ce contact humain comme en soins médicaux. Je fais souvent le parallèle entre la médecine et la quincaillerie. J’ai passé pratiquement toute mon enfance dans celle de mon père, où j’étais en contact avec les clients. Il m’arrivait de leur donner des solutions et explications en plomberie, etc. Et s’il fallait faire des travaux électriques ou de plomberie, je savais les faire. Donc, je n’ai pas opté pour la voie scientifique parce que c’est le contact et les résolutions qui allaient me manquer », dit Waleed Hamuth.
Seriez-vous étonnés si l’étudiant de la Sorbonne Université dresse un parallèle entre la neurochirurgie, l’électricité et les câbles électriques pour expliquer pourquoi il a choisi de se spécialiser en neurochirurgie ?