Et quoi encore…?

Et quoi encore… Qui aurait pu penser que l’activiste du Sun Trust et membre du clan familial installé par Pravind Jugnauth à la présidence de l’Assemblée Nationale aurait pu, chaque semaine, inventer de nouvelles règles pour empêcher l’opposition de faire son travail et ainsi pervertir, avec une impudeur et une indécence éhontées, la démocratie ?

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C’est comme le dit Stromae dans sa chanson Alors, on danse : “quand il n’y en a plus, il y en a encore.” Oui, avec cette caricature de Speaker, à chaque séance, sa nouvelle mauvaise surprise. Non, toutes les limites n’ont pas été franchies, parce que le pistonné du leader du MSM est un récidiviste patenté, genre qui recommence sans cesse avec ses décrets foireux, pour vider les travées de l’opposition à coups d’exigences ridicules d’excuses, d’expulsions injustifiées et de suspensions arbitraires.

La dernière décision de suspendre Rajesh Bhagwan pour cinq séances est particulièrement scandaleuse. Le député du MMM a été sanctionné pour avoir traité Sooroojdev Phokeer “d’agent politique”. C’est pas insultant que d’être décrit comme un agent politique. Mais il est vrai que lorsque quelqu’un se comporte en tant que tel, alors même qu’il a été propulsé au poste constitutionnel de Speaker, c’est contraire à l’esprit et à la lettre de la loi suprême du pays et cela devient un vrai danger pour la démocratie. Rajesh Bhagwan avait réagi au rejet de la Private Notice Question du leader de l’opposition, en dehors de l’hémicycle. C’est une première. Parce que la “faute” supposée n’a pas eu lieu lors des délibérations parlementaires ou dans l’enceinte de la Parliament House.

Dans ce cas, la seule voie qui s’offrait au clone désarticulé qui fait office de Speaker pour tenter de sanctionner le député aurait été de trouver parmi les petits suiveurs de la majorité un bon paillasson pour présenter une motion invitant la Chambre à une décision de référer le “délit” présumé au Directeur des Poursuites Publiques. Mais ce n’est pas la première des libertés que se permet cette figure partisane qui se prend pour un Speaker et qui agit avec la complicité de ses conseillers, grassement payés des fonds publics, des nominés politiques, dont un ancien clerk sans colonne vertébrale, sponsorisé par Alan Ganoo.

L’opposition – avec le peu de possibilité de voies de recours et de réparations qui existent à l’intérieur de l’hémicycle – a, depuis longtemps, décidé qu’elle ne se mettrait pas debout à l’arrivée et à la sortie de Sooroojdev Phokeer.

Il ne supporte apparemment plus ce geste de mépris, de résistance et d’irrévérence – qu’il mérite amplement après ses outrances langagières –, comme le “rest in peace” ou les “collect this man”, “this man is sick… mad, bring him to the hospital”. Il a ainsi décidé de s’en prendre à Fabrice David parce que ce dernier était resté assis lorsqu’il a quitté l’hémicycle. Après des “diboute ta” proférés de la manière la plus vulgaire à l’adresse du député, celui-ci a été renvoyé du Parlement. Pendant que le Deputy Speaker Zahid Nazurally était, lui aussi, au même moment, bien assis sur son siège…

Comme il a besoin d’inventer une nouvelle règle à chaque séance, le semblant de Speaker vient tout juste de décréter que les interpellations sur les municipalités et les conseils de district ne seront pas admises. Il a invité les députés à aller chercher leurs informations auprès des administrations régionales concernées ou à évoquer leurs préoccupations à l’ajournement des travaux.

Pour pousser la provocation et le ridicule encore plus loin, le Loudspeaker du Sun Trust vient aussi de décréter qu’il est interdit de sourire, de rire ou de ricaner dans l’hémicycle. Ariane Navarre-Marie et Osman Mahomed en ont fait les frais, cette semaine.

Le député travailliste a dû présenter des excuses après avoir rigolé, tandis que celle du MMM a préféré écoper d’une suspension quand bien même injuste, de deux séances, plutôt que de se rétracter après avoir murmuré le mot “comique”. Elle a été sanctionnée après que la grande arbitre des élégances et le modèle de finesse langagière qu’est Kalpana Koonjoo-Shah ait joué à la petite rapporteuse auprès de celui qui l’a qualifié de “chou”. Du grand n’importe quoi !

Après avoir limité les questions supplémentaires des députés de l’opposition, après avoir subitement décidé que certaines de leurs questions n’étaient plus admissibles et donc sommairement rejetées, le membre du clan Jugnauth a décidé que la Private Notice Question du leader de l’opposition sur l’empire que s’est construit Vinash Gopee n’était pas recevable. Les vrais Speakers qui l’ont précédé – et on ne parle pas seulement du grand Sir Harilal Vaghjee – avaient pour habitude, dans ce genre de cas, de demander au clerk de convoquer le leader de l’opposition pour discuter de la meilleure formulation pour la question, afin de la rendre conforme aux règlements. Non, rejet pur et simple.

Pourtant, après les révélations obtenues du ministre des Services Financiers et de la… Bonne Gouvernance, Sunil Bholah il y a quelques jours, indiquant que la Financial Services Commission, qui a le statut de gendarme des pratiques financières saines, louait à Rs 4,8 millions par mois un immeuble appartenant à Vinash Gopee et que les Rs 28 millions étaient déjà parties en fumée depuis janvier, les bureaux n’étant pas encore occupés, cela a logiquement suscité d’autres interrogations. D’autant que l’expansion de l’empire de ce protégé fait de plus en plus jaser.

Le plus regrettable dans ce pays qui se revendique encore être un État de Droit est que les nombreux recours déposés depuis 2019 par des parlementaires lésés devant la Cour suprême traînent toujours, alors que ce sont des arguments fondés sur de possibles infractions à la constitution ou d’un abus de pouvoir caractérisé de la part de la présidence qu’ils mettent en avant. 

On parle de l’Assemblée Nationale, là, pas d’un club de carrom. Or, aucun arrêt, aucune décision, aucune clarification obtenue jusqu’ici de la justice. C’est quand même curieux, pour ne pas dire choquant !

Josie Lebrasse

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