Arrêtons la comédie !

S’il y a un terme on ne peut plus tendance en ce moment, c’est bien celui de l’écoresponsabilité. Aujourd’hui, tous s’emploient à en user à profusion. Ecoresponsabilité par ci, écoresponsabilité par là… Il faut dire que le mot sonne vraiment bien dans l’actuel contexte climatique. Au point qu’il aura, en quelques années seulement, intégré toutes les sphères décisionnelles. Qui n’a d’ailleurs jamais entendu parler de politique, d’initiative ou d’entreprise « écoresponsable » ? Mais dans les faits, qu’en est-il au juste ? Et d’ailleurs, que signifie exactement ce mot et, surtout, qu’implique-t-il ?

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Pour répondre à cette dernière question – et en attendant de s’attarder sur la première –, disons que globalement, l’écoresponsabilité repose sur l’intégration dans un modèle (politique, économique, social, etc.) de la hiérarchie des « 3RV-E », à savoir Réduire à la source, Réemployer, Recycler, Valoriser et Éliminer. Le tout en y incorporant la notion cruciale de « cycle de vie » de nos produits et services. Un des exemples les plus connus est celui de l’économie circulaire. Ainsi, avec cette formule (sur le papier du moins), le recyclage permet non seulement de réduire les besoins en nouvelles matières premières, mais cette stratégie sert aussi grandement à alimenter l’image écoresponsable des industriels, à grand renfort de pubs.

En résumé, davantage qu’une réponse au dérèglement climatique, l’écoresponsabilité est devenue un atout commercial vital. Avec, en général, pour effet immédiat de booster les ventes des entrepreneurs. Malheureusement, bien que vertueux en théorie, dans la pratique, il en est autrement. Car non seulement tous les matériaux ne sont pas forcément recyclables, mais ceux qui le sont ne le sont jamais éternellement. De plus, les chaînes de production peuvent quelquefois être très complexes et nécessiter beaucoup d’énergie qui, elle, n’est non seulement pas recyclable, mais a des effets délétères sur le climat, puisqu’essentiellement d’origine fossile. En bref, disons que le gros problème de ce genre de formule est le manque total de transparence sur le capital environnemental. C’est ce qu’on appelle le Greenwashing.

Mais le phénomène ne touche malheureusement pas que les entreprises; la politique, elle aussi, est soumise au même diktat écologique. Et ce n’est pas à Maurice que l’on dira le contraire. Lorsque notre bon ministre des Infrastructures nationales vient, en évoquant la question du naufrage du Wakashio, parler de gouvernement responsable, en ce sens qu’il aurait été « prompt » à réagir, sachant que le vraquier aura vomi toute son huile lourde dans nos eaux après de longs jours d’inactions, il s’inscrit visiblement dans le déni (il ira même jusqu’à qualifier la catastrophe écologique « d’incident »). Idem lorsque son collègue de l’Agro-industrie et de la Sécurité alimentaire, Mahen Seeruttun, explique que pour chaque projet infrastructurel, tout promoteur aura pour obligation, pour chaque arbre déraciné, d’en planter trois autres. Avouez que ce n’est guère mieux, sachant le temps que prend un arbre pour atteindre sa pleine maturité, et donc apporter de réels bénéfices en termes de capture de CO2. Dans le même registre, est-ce réellement un signe d’écoresponsabilité que de créer des « tiny (ou micro) forests », sachant que, dans le même temps, l’on continue de déboiser plus que de raison sous le fallacieux prétexte du développement ? Voilà en tout cas matière à réflexion. Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’à travers leurs actions, l’écoresponsabilité devient une forme de capitalisation politique.

Dès lors, une question se pose : comment, si l’on considère que tous – politiques comme industriels – retirent un certain capital du concept, peut-on devenir réellement écoresponsable ? En fait, la réponse est complexe; sans compter que l’un ou l’autre pourrait y voir (injustement) une approche démagogique. Disons, pour faire simple, que seuls les citoyens ont, dans la conjoncture, le pouvoir d’adopter une posture écoresponsable. Comment ? Eh bien dans nos actes quotidiens, comme en y réfléchissant à deux fois avant de passer à la caisse, que ce soit au supermarché, à la station-service, sur Internet ou chez un pourvoyeur de services. Et ce, en se posant les bonnes questions : « Ai-je réellement besoin de ça ? », « Que vais-je en faire ? » ou encore « N’ai-je pas été influencé ? ».

Mieux encore, la véritable « écoresponsabilité » revient d’abord à prendre la mesure de la gravité de la situation et de l’absurdité de notre système de marché. Puis, ensemble, à réfléchir à la manière dont nous pourrions changer notre vision du monde. Avec cette fois pour seul slogan : « Arrêtons la comédie et sauvons l’humanité ! ».

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