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Nandkumar Bodha : « Linion Moris est la nouvelle force politique du pays ! »

Notre invité de ce dimanche est Nandkumar Bodha. Dans l’interview, réalisée vendredi apres-midi, il revient sur les raisons qui l’ont poussé a démissionner du parti et du gouvernement MSM, partage son analyse de la situation politique et présente Linion Moris, dont il est le leader principal.

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On vous voit partout médiatiquement, ces temps derniers. Ça fait partie d’une stratégie pour faire connaître Linion Moris ?
— Je n’ai pas de stratégie médiatique. Je suis très ouvert et très accessible et j’interviens sur des questions spécifiques et sur l’actualité politique. Je veux être présent dans les médias et je veux que Linion Moris participe pleinement au débat national pour éclairer la population sur les enjeux profonds auxquels le pays a à faire face, dont la fin d’un cycle politique face à l’histoire. Nous sommes dans une période avec beaucoup d’incertitudes et de confusions et il faut garder une ligne droite.

Parlons justement de votre ligne droite politique à vous. Vous avez été au MSM pendant des années, tout d’abord comme simple membre et finalement son secrétaire général, en passant par les fonctions de député, ministre, leader de l’opposition et surtout fils spirituel de SAJ. Qu’est-ce qui vous a poussé à démissionner du MSM et du gouvernement en 2022 ?
— J’avais donné ma loyauté et ma compétence de manière inconditionnelle à sir Anerood Jugnauth, dont j’ai été le plus fidèle des lieutenants. À un moment donné, j’ai décidé que je ne pouvais pas donner cette loyauté et cette compétence à Pravind Jugnauth.

Mais il s’est passé quelques années entre le moment où sir Anerood Jugnauth a été poussé vers la sortie politique et votre démission. Vous avez quand même accordé votre loyauté et votre compétence à Pravind Jugnauth de 2017 à 2021 !
— La victoire de 2014 avait auguré de choses extraordinaires, mais le problème était que le bonhomme SAJ n’avait pas la haute main sur les affaires et que, graduellement, on l’a poussé vers la sortie. En janvier 2017, j’avais préconisé une année de transition pour la passation de pouvoir entre le père et le fils, mais les choses ont été précipitées et en février, en seulement une semaine, SAJ a dû se retirer. À partir de là, il y a eu une mainmise totale du pouvoir par ce que l’on a appelé la kwizinn. On a évincé tous ceux qui étaient proches de sir Anerood, dont moi qui, ministre des Infrastructures publiques, voulais moderniser le pays. Mais en 2019, j’ai été obligé d’aller aux Affaires étrangères parce que Pravind Jugnauth a décidé de scinder le ministère que j’occupais en deux, sans mon accord. Je sentais que les institutions du pays étaient cadenassées par la kwizinn, qui a mis ses exécutants un peu partout dans les corps para-étatiques. Le MSM d’avant n’existait plus. Quand j’en parlais au bonhomme, il me répondait : « Mo népli énan oken pouvoir, to bizin al koz avec Pravind ». Et puis, est arrivée l’affaire Kistnen où le PM et les ministres ont voulu que j’aille à la télévision dire qu’il n’y avait pas d’affaire, que l’opposition faisait de la déstabilisation et que la police faisait bien son travail ! J’ai réalisé que le pouvoir était entre les mains de personnes qui n’avaient pas de mandat, qui n’avaient pas été élues, et j’ai démissionné, les mains propres et la tête haute…

…c’est ce que disent ceux qui démissionnenmt d’un parti, d’un gouvernement. Il ne faudrait pas oublier que, pendant des années, vous avez soutenu le gouvernement MSM et voté ses mesures pas toujours démocratiques.
— Vous savez aussi bien que moi que dans un gouvernement, il y a la responsabilité collective. Il y a beaucoup de choses avec lesquelles un ministre, qui qu’il soit, n’est pas forcément d’accord, mais doit les assumer. À un moment, quand j’ai constaté que les institutions étaient cadenassées et que le pouvoir était entre les mains d’un petit groupe de personnes, j’ai démissionné

Pour aller créer votre propre parti politique, le Rassemblement Mauricien, et pour essayer de contracter des alliances avec les partis d’opposition.
— En démissionnant, ma ligne politique était et EST de tenter de rassembler les forces du progrès pour un changement en profondeur du pays avec un certain nombre de propositions dans un certain nombre de secteurs. À ce moment-là, le MMM, le PMSD et le Reform Party avaient créé l’Espoir et on m’a demandé de le joindre. Je l’ai fait et nous avons fait un travail formidable sur des projets pour une île Maurice meilleure. Arrive un moment où Paul Bérenger me dit qu’il faut intégrer Navin Ramgoolam dans l’Espoir. Je lui ai répondu qu’il avait une fascination pour Ramgoolam que je ne partageais pas, que je n’ai pas confiance en lui et que je ne suis pas convaincu qu’une alliance avec Ramgoolam à sa tête puisse remporter les élections. Je suis resté avec l’Entente, et Bérenger et Duval ont continué à cause-causer avec Ramgoolam avant de lancer, en 2023, une ébauche de l’alliance qui allait se mettre en place.

Vous avez refusé d’entrer dans l’alliance ou on ne vous pas invité à vous joindre ?
— J’ai continué mon travail avec l’Entente en restant en contact avec d’autres partis et groupes, et c’est en 2023 qu’est né Linion Moris avec le regoupement de six partis : 100% Citoyens, Groupe de Réflexion Emmanuel Anquetil, Mouvement Patriotique, Rassemblement Mauricien, Les Verts Fraternels, Raliement Citoyen pour la patrie.

Six partis ! C’est quoi Linion Moris : un parti, une alliance ou une fédération de petits partis politiques ?
— Linon Moris n’est ni un parti ni une alliance, mais une mouvance, une dynamique de rassemblement des forces du progrès. L’idée est de dire que nous pouvons nous rassembler pour le pays, pas pour des tickets, pour qui sera numéro un ou numéro deux ou pour des postes à occuper demain.

Ah bon ! Mais Linion Moris a déjà commencé à distribuer des postes de ministres, qui ont déjà présenté le programme de leurs ministères !
— L’idée est de dire que Linion a une équipe compétente, avec des gens qui ont une expérience professionnelle avec un programme et une détermination pour le changement. Nous n’avons pas partagé des postes, comme vous dites, mais avons distribué des responsabilités et sommes en train de travailler pour répondre à la question suivante : qu’est-ce qu’il faut faire pour faire le pays sortir de la crise ?

Qui est le chef ou le leader de Linion Moris ?
— Je suis le leader principal de Linion Moris, nous sommes tombés d’accord pour un partage de primeministership entre Rama Valayden et moi. Nous avons mis en place une équipe qui travaille dans le respect de l’autre, sans lequel aucune alliance ou mouvance ne peut fonctionner. Apres 56 ans d’Indépendance, il faut oser, et moi j’ose dire qu’il faut briser le plafond de verre qui impose un système dynastique avec des gens qui croient être propriétaires du pays. Tout enfant né à Maurice doit aspirer à devenir conseiller de village, conseiller municipal, député, ministre et Premier ministre.

Justement. On dirait que votre autre ligne de conduite politique est de vous faire devenir Premier ministre de Maurice. D’où vient cette certitude que vous devez devenir Premier ministre du fait d’appartenir à la communauté vaish, ou est-ce une idée que Paul Bérenger vous a glissée dans la tête pour vous faire démissionner du gouvernement ?
— Contrairement à ce que vous semblez dire, je n’ai pas une fixation sur le poste de Premier ministre, mais une aspiration que j’estime légitime. Pour moi, un Premier ministre c’est quelqu’un qui aime son pays, lui insuffle une dynamique moderne et le guide vers le progrès. Je ne pense pas que ce soit le cas pour Ramlgoolam qui veut rester au pouvoir jusqu’à 2030 ! Ce pays mérite autre chose…

…et Pravind Jugnauth ?
— Tout le monde dit qu’il doit s’en aller le plus vite possible parce qu’il a fait trop de mal au pays. Je termine sur la question précédente. Je n’ai pas une fixation puisque si demain, on trouve quelqu’un qui a la capacité de rassembler pour le progrès du pays, je suis tout à disposé à lui céder la place. Parce que Maurice est dans une situation d’urgence avec l’économie, le changement climatique, le trafic de la drogue.

Comment allez-vous faire pour choisir les candidats, en excluant ceux qui déjà été nommés ministres !?
— On va choisir les meilleurs par compétence et par intégrité et qui veulent servir le pays.

Est-ce que vous ne redoutez pas de voir sortir des placards des casseroles ou des squelettes, comme c’est la mode actuellement, si l’on suit les questions plantées au Parlement ?
— La majorité des gens qui sont avec nous ont un parcours qui parle pour eux. S’il existe des casseroles, elles vont sortir et nous allons prendre les mesures qui s’imposent. Il faut assumer ce que l’on a fait. Qu’est-ce que le gouvernement Ramgoolam n’a pas fait, en 2001, pour fouiller dans les dossiers, afin d’essayer de m’attacher une casserole avec l’affaire des bois de rose !

Nous sommes à quelques mois des élections avec un système qui favorise la bi-polarisation politique à laquelle le Mauricien est habitué. Comment allez-vous faire pour faire changer les habitudes électorales des Mauriciens ?
— Jusqu’en 2014, on pouvait dire que le pays était partagé électoralement entre deux grands blocs et une petite minorité d’indécis. Mais depuis, les choses ont changé fondamentalement et tous les sondages démontrent qu’une majorité de Mauriciens souhaite autre chose en politique et ne se retrouve pas dans les blocs. Si demain, Linion Moris arrive à présenter quelque chose qui existe dans le subconscient des Mauriciens, si on arrive à présenter un programme et une équipe avec une détermination de changement, je crois que les résultats des élections seront différents. C’est vrai que le PTr, le MMM et le PMSD ont des die hard, alors que le MSM a des followers, parce qu’il est au pouvoir. Si Ramgoolam et Bérenger étaient la solution, ils auraient déjà créé la vague déferlante du changement. On voit bien qu’ils n’arrivent pas à le faire. Il y a, donc, deux blocs et une majorité d’indécis qui veulent d’un nouveau destin à Maurice. Linion Moris commence à zéro, mais avec l’énorme opportunité de pouvoir toucher la jeune génération de Mauriciens qui souhaite autre chose pour le pays. C’est ce que nous voulons incarner.

Vous n’entendez pas les gens dire qu’ils n’iront pas voter pour ces politiciens dont vous faites partie !?
— En faisant de la politique différemment, je dis à tous ceux qui n’ont plus confiance dans la politique que l’on peut gouverner et faire de la politique autrement. C’est pour cette raison que je dis avec beaucoup d’autres : Ni Ramgoolam ni Jugnauth. Ce n’est pas un slogan, mais le cri du peuple

Le système politique fait que les électeurs mauriciens sont de plus en plus demandeurs de cadeaux et de promesses électorales. Comment allez-vous changer cette mentalité ?
— Le peuple mauricien est capable de grandes choses, il l’a montré dans les années ‘70 et les années ‘80 du siècle dernier. C’est vrai qu’aujourd’hui Pravind Jugnauth et le MSM n’ont pas d’autre stratégie que de distribuer des cadeaux. Mais il y a également beaucoup de Mauriciens qui disent qu’ils vont accepter les cadeaux, mais aller voter avec leur conscience. Il règne dans le pays une atmosphère comme celle de 1982 et je pense que les Mauriciens savent pour qui ils n’iront pas voter. Il faut leur offrir alternance. Moi, je suis pour une bataille à trois : le MSM et ses alliés, le PTr/MMM/ND, et Linion Moris. Et pour cela, nous voulons rassembler toutes les autres forces de progrès autour d’un programme.

Est-ce que ce grand rassemblement comprendra aussi le PMSD, ce qui expliquerait votre présence en chemise bleue à Grand-Gaube pour la journée portes ouvertes du PMSD ?
— J’ai un très bon rapport avec Xavier Luc Duval et ce n’est pas la première fois que je vais à Grand-Gaube. Il faut inclure toutes les forces dans notre mouvance, y compris le PMSD.

Y compris Roshi Badhain et son Reform Party, malgré le fait qu’il veut, lui aussi, être Premier ministre !
— La solution est, je vous l’ai dit, le respect de l’autre. C’est la condition sine qua non pour faire durer les partenariats. Si Linion Moris consolidé trouve meilleur que moi pour la diriger, je respecterai ce choix et soutenir celui qui aura été choisi. Mais on n’impose pas un leadership, c’est le choix d’une équipe parce que nous évoluons dans une démocratie. On ne peut pas faire tout accepter, tout avaler au Mauricien. Prenons le cas de Jugdish Joypaul qui a été descendu en flèche par les gens qui n’ont pas apprécié qu’il passe, en 24 heures, de porte-parole des Mauriciens à celui de candidat déclaré du MSM avec tee shirt orange !

Quelle est votre analyse de la situation politique mauricienne actuelle ?
— Pour moi, le régime Jugnauth est toxique. En 2019, Pravind était nouveau, n’avait pas toutes les casseroles que l’on sait, ce système mafieux évident. Il est en fin de règne. Concernant l’alliance PTr/MMM, je pense que leurs die hard vont les soutenir, mais ce ne sera pas suffisant pour créer la dynamique du changement et remporter les élections. Et il y aura Linion Moris qui a un programme avec des mesures cohérentes bien pensées et applicables pour permettre au pays de redécoller. Je vous donne quelques exemples : il faut faire fonctionner l’économie bleue, arrêter d’avoir comme modèle économique une consommation à outrance qui nous mène à l’endettement avec une roupie dont la valeur décline, revoir le système d’éducation, trouver de nouveaux piliers. Nous devons nous ouvrir sur l’Afrique, afin que nous puissions exporter sur le continent. Il faut tenir en ligne de compte le fait que les jeunes quittent le pays et leurs parents les incitent à ne pas revenir.

Est-ce que vous croyez que l’électeur écoute ce type de propositions, ou est-ce qu’il ne s’intéresse uniquement qu’à ce qu’il pourrait obtenir personnellement en monnayant son vote ?
— Il ne faut pas réduire le Mauricien à un électorat roder boutte. Il mérite et rêve d’autre chose que de mesures bling bling. Je pense qu’il y a beaucoup d’indécis, peut-être la moitié de l’électorat, ce qui nous mène à la croisée des chemins. Je suis convaincu que Linion Moris peut amener une dynamique, une vision, et surtout dire à la population que le changement tant attendu est possible et ne dépend que de lui, de son choix aux prochaines élections.

Où en est le programme de Linion Moris qui, s’il est appliqué, selon vous, apportera le vrai changement ?
— Il est en cours de préparation. Nous avons déjà publié nos 26 engagements, nous allons bientôt présenter toute notre équipe qui s’attelera aux urgences du moment. Il y a beaucoup à faire pour changer le système en profondeur. Autre exemple, il faut changer la constitution. 56 ans après l’Indépendance, il nous faut une Constitution mauricienne, et non pas une copie du système westminsterien appliqué à une ancienne colonie.

Est-ce qu’il n’y a pas dans ce plan, dans ces mesures, une grosse dose de naïveté par rapport à la réalité socio-économique du pays ?
— Les révolutionnaires sont souvent des naïfs. Je milite pour une révolution démocratique, un langage de vérité, afin de dire aux Mauriciens ce qu’on peut faire et comment le faire, mais aussi ce qu’on ne peut pas faire. Par exemple, il ne faut pas qu’un Premier ministre puisse utiliser l’argent public pour se remplir les poches ou des coffres. Il y a tellement de combats à mener dont l’infiltration de la narco économie dans le main stream economy. Comme le dit le slogan, si nou pas fini la drogue, la drogue pou fini nou.

On dirait que c’est un rassemblement d’idées prises ici et là pour faire un programme…
— On n’a pas pris des idées ici et là, comme vous le dites. Nous avons réfléchi sur les sujets, discuté en profondeur, confronté nos points de vue, avant de les inclure dans le programme. Le tout tourne autour du point fondamental du programme de Linion Moris : il faut changer le système en profondeur, pas procéder à quelques révisions cosmétiques.

Linion Moris est une mouvance politique qui rassemble plus de partis à Maurice. En fin de compte, c’est la fameuse 3ème force dont on a beaucoup parlé à un moment.
— Nous ne sommes pas la 3ème force, nous sommes la nouvelle force du pays. Parce que si vous dites 3ème force, c’est qu’il y a, forcément, une première et une seconde. Nous avons présenté les 26 engagements et nous allons bientôt présenter les 10 principales mesures, dont chacune sera déclinée en d’autres mesures. Le tout sera rassemblé dans un document qui sera bientôt distribué au public. Mais nous ne nous contentons pas de rédiger un programme. Nous allons aussi, et très important, sur le terrain pour parler avec le Mauricien et écouter ce qu’il a à dire. Nous sommes sur le terrain et nous sommes dans la rue aux côtés des Mauriciens. Les enjeux, l’objectif, c’est de faire partir Pravind Jugnauth avec un programme bien pensé pour savoir ce qu’on fait le lendemain de son départ.

Vous croyez que Linion Moris, que vous présentez comme la nouvelle force politique du pays, pourrait l’emporter aux prochaines élections ?
— J’en suis convaincu. Le programme est lucide et réalisable avec notre détermination et notre sincérité. Nos mesures peuvent être mises en application. Il faut une vision, de la détermination et de l’engagement. Nous les avons. C’est maintenant aux électeurs de faire le reste.

Revenons, pour terminer, aux élections. Est-ce que pour la désignation des candidats et leur posting dans les circonscriptions, vous allez devoir suivre les règlements non écrits, mais appliqués que sont les « réalités électorales », autrement dit : le communalisme et le casteïsme ?
— Il faut qu’il y ait un général dans chaque circonscription et il faut qu’il soit le meilleur. Les 20 seconds sont des lieutenants choisis sur la base du mérite. Pour la troisième tranche, on va voir comment représenter l’île Maurice plurielle parce que jusqu’à ce qu’on change de système en amendant la constitution, il y aura des étapes que nous serons obligés de suivre. Il faut que tout l’île Maurice se sente représentée par nos candidats : il faut rassurer, au lieu de braquer et d’antagoniser.

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